« Le monde du vin répond à de longs process, il lui est difficile de s’adapter », souligne Éric Chadourne, président de l’IVBD. Mais comme le vignoble bergeracois avait une longueur d’avance dans le registre de l’environnement, il mobilise ses moyens pour le faire savoir et en faire une force dans le cadre du plan d’action mis en œuvre lors de la crise sanitaire. Cette campagne arrive en phase de reconquête des marchés post-Covid.
Trouver du sens
Une nouvelle marque collective, “Le sens de la nature”, vient donner une visibilité au travail fait par les Vins de Bergerac et Duras sur le terrain du développement durable. En effet, en 2021, 53 % des exploitations sont déjà sous label (28 % en AB, 25 % en HV3), ce qui représente 66 % des surfaces (7 800 ha) et 24 millions de bouteilles. Cécile Lelabousse assure la mission environnementale de l’Interprofession au sein de la Fabrique des transitions (projet VitiREV, Territoires d’Innovation État-Région) et accompagne les étapes de labellisation auprès de vignerons. Le plan de relance et cette marque vont au bout de la démarche en invitant le consommateur à mieux repérer ces vins.
La diversité est complexité
Il importe cependant de ne pas stigmatiser ceux qui ne travaillent pas encore dans ce « sens de la nature », par manque de moyens plus que de volonté. Aussi cette campagne peut les entraîner progressivement dans le mouvement global pour un objectif de 100 % d’engagement d’ici deux ans. « La viticulture, c’est tout un monde, du tailleur de vigne au négociant et nous avons la chance d’y ajouter l’écrin de la nature dans un Périgord de polyculture », insiste Éric Chadourne. Mais la diversité de cultures engendre une complexité et la contrainte sur les exploitations consiste à maintenir un équilibre environnemental. « Un métier supplémentaire en quelque sorte. » Le monde agricole, s’il est dispersé dans la nature, reste curieux des pratiques alentour : donner envie, agir plutôt que subir… la valeur de l’exemple importe dans une transition choisie, même en marche forcée tant elle devient la norme dans la grande distribution.
Dans le sens de l’avenir
Des actions individuelles ou collectives sont menées par l’interprofession et 38 entreprises viticoles (33 indépendants, 5 caves et négoce) sont engagées dans ce programme d’actions et de valorisation des vins sous label environnemental (Agriculture Biologique AB, Haute Valeur Environnementale HVE, ou Biodynamie). Que ce soit à travers des événements et relations publiques, dans la grande distribution, chez les cavistes, les restaurants, les circuits courts et jusqu’à l’exportation, la marque collective va se distinguer avec 1500 coffrets de présentation, un jeu concours, une signalétique (500 000 cols de bouteilles de GMS) et des livrets.
Témoignages de bon sens
La nouvelle marque affiche un état d’esprit qui dépasse la seule production. Couleurs d’Aquitaine, qui représente 300 vignerons coopérateurs (20 millions d’euros de CA, 8 millions de bouteilles, dont 90 % Périgord et le reste en Bordeaux-France), a inscrit l’éco-responsabilité parmi ses cinq chantiers principaux à l’horizon 2023. La demande des consommateurs a poussé le bio de 1,5 % du marché à 8 % cette année. « Ils sont préoccupés par les intrants et lisent les étiquettes, observe Jean-Marc Fontaine, président. Si le bio correspond à une démarche de producteurs, la HVE est une demande du marché. » Les efforts marketing accompagneront le coffret « Sens de la Nature » chez les cavistes, mais aussi le jeu concours dans la grande distribution avec la collection Artisans vignerons du Sud-Ouest, en conversion.
Pour Caroline Ouvrard, du domaine de Ferrant (vignoble de 13 ha à Duras et prunes), la démarche bio a débuté en 2010, et la certification demandée en 2015 a été obtenue en 2018. Cela répond à une volonté « de faire mieux, dans le respect de la nature », plus visible grâce à cette action collective : « se fédérer, c’est essentiel », assure la responsable commerciale qui prend aussi part au groupement bio Nouvelle-Aquitaine. La valorisation en bio a impulsé une forte progression des ventes, permanente depuis, et un développement en e-boutique.
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• Le bon sens… près de chez nous
Le vignoble joue sur tous les registres du sens, celui de l’humour, de la fête, de l’accueil… L’opération « Sens de la Nature » met avant tout à l’honneur le sens des responsabilités et de l’engagement des vignerons (pour la biodiversité), le sens des valeurs (labels AB, HVE3 et Biodynamie), du partage (œnotourisme) et de l’action (agroforesterie, biodiversité vigne-arbres fruitiers, introduction de chauve-souris pour lutter contre les insectes nuisibles, robotique TED pour éviter les désherbants, stations météo Optiviti pour anticiper et éviter les phytos).
• Question de moyens
En plus de Neo-Terra, la Région intervient dans le plan France Relance et apporte aux professionnels de Nouvelle-Aquitaine 5 millions d’euros sur trois ans, jusqu’en 2022, pour accompagner la commercialisation : les 425 000 euros octroyés par ce budget régional comptent pour 34 % de l’investissement de ce plan d’ampleur. Le reste des 1,272 million est pris en charge par les entreprises (49 %) et l’IVBD (17 %).
Le budget permet d’alimenter trois types d’actions pour aller plus loin grâce à ce programme spécifique : en marque propre, une action d’entreprise reçoit 40 % de la Région ; en utilisant les supports collectifs “Le Sens de la Nature”, elle reçoit 40 % de plus de la part de l’IVBD ; les actions supports mobilisent 40 % de la Région et 60 % de l’IVBD.