Accueil BIEN commun Une vaste ville gauloise se dévoile

Une vaste ville gauloise se dévoile

Visite du site avec Eneko Hiriart © H.C.
RACINES. À La Peyrouse, sur un plateau qui domine la commune de Saint-Félix de Villadeix entre pays Vernois et Lindois, des vestiges gaulois découverts depuis 2014 ont révélé la présence d’une agglomération remontant au troisième siècle avant notre ère.

Les tessons qui émergeaient à chaque labour faisaient penser depuis longtemps à une tuilerie disparue. Mais en juin 2014, l’archéologue Christian Chevillot a de suite repéré qu’il s’agissait des restes d’amphores de vins et de céramiques. Ce spécialiste reconnu des Gaulois, pilier de l’Adrahp, l’association pour le développement de la recherche archéologique et historique en Périgord, déclarait alors cette découverte au service régional de l’archéologie pour pouvoir entamer des prospections en accord avec le propriétaire, Philippe Gay, vite passionné par ce patrimoine situé sous ses terres. Progressivement, l’ampleur du site se révéla. Nous n’étions pas dans un village gaulois de type oppidum fortifié popularisé par Astérix, mais sur une vaste agglomération ouverte évaluée à une douzaine d’hectares, bien antérieure à la conquête romaine.

Rapsodie sans blues

Eneko Hiriart © H.C.

Les prospections, d’abord discrètes pour éviter les visiteurs clandestins, se sont progressivement développées avec l’arrivée d’Eneko Hiriart*, chercheur au CNRS du laboratoire Archéosciences de l’Université Montaigne de Bordeaux. Il reliait ce site à d’autres qui se découvraient en Nouvelle Aquitaine, illustrant la création déjà connue de villes vers le troisième siècle avant Jésus-Christ à travers l’Europe tempérée. Une étude pluridisciplinaire fut donc lancée sous sa direction sur cinq sites : La Peyrouse et Blis, près d’Eymet, en Dordogne ; Eysses et le Mas d’Agenais, en Lot-et-Garonne ; Lacoste, en Gironde. Nom de code : Rapsodie, pour Reconnaissance des agglomérations protohistoriques du Sud-Ouest, dynamiques, imagerie, environnement.

Boîte à outils de pointe

Aux archéologues sont venus s’ajouter des spécialistes des céramiques, des métaux, du verre antique, des pollens, des animaux, des datations et même d’astrophysique. Des appareils de prospection utilisés dans de nombreux domaines ont été maniés pour repérer ce qui se cache sous les sols avant même d’y creuser le moindre trou. Drones pour vues aériennes, Lidar pour numériser le sous-sol par laser, étude du géomagnétisme ou de la résistance électrique pour trouver trous et surfaces brûlées, tomographie… En quelques années la boîte à outil des archéologues s’est enrichie grâce à des techniques de pointe.

Objets sacrifiés, temple et religion

Des tranchées et trous de poteaux qui parlent © H.C.

Les résultats les plus intéressants sont pour l’instant ceux obtenus à La Peyrouse avec la découverte d’un sanctuaire situé sur le point culminant du plateau. Sur le terrain, la visite n’est pas spectaculaire, mais les trous de poteaux et les tranchées creusés dans la roche calcaire parlent aux archéologues. Depuis 2020, ces indices repérés par des techniques de pointe et trouvés dans le sol sous une truffière révèlent des constructions importantes de plusieurs époques, dont la fonction religieuse ne fait plus aucun doute aujourd’hui. Eneko Hiriart en veut pour preuve les objets sacrifiés retrouvés au fond des fosses, comme des monnaies ou des armes volontairement détruites. À partir d’indices et de connaissances de cette époque, il a pu proposer avec l’équipe d’Archéovision de Bordeaux une reconstitution numérique de ce temple gaulois.

Ce mois de juillet 2024, la campagne de fouille estivale s’est achevée sur le plateau, avec de nouvelles trouvailles qui élargissent le plan de cette ville ouverte. Le projet Rapsodie est arrivé à son terme, et les archéologues qui connaissent désormais l’énorme potentiel du site pensent à l’avenir.

*Il est le coauteur du premier chapitre de la Nouvelle histoire du Périgord, publiée chez Cairn fin 2022, où il décrit notamment cette découverte.

Une exposition bilan et pédagogique à Vesunna

Le site musée gallo-romain de Périgueux a organisé un point d’étape grand public pour présenter les dix années de découvertes de ces nouvelles villes gauloises. Celle de La Peyrouse y occupe une place de choix en raison de son ampleur. Sous le titre À deux pas du passé, les premières villes celtiques révélées, jusqu’au 30 mars 2025, sont présentés à la fois les pièces trouvées, les reconstitutions numériques inédites et surtout les nombreuses techniques de prospection utilisées. Une vaste maquette pédagogique et des panneaux explicatifs révèlent ces machines qui sondent désormais les archives du sous-sol avant d’y faire le moindre trou.

Exposition à Vesunna, maquette des méthodes archéologiques © H.C.

Vesunna fait la fête aux gaulois. Une fête gauloise est également organisée samedi 20 et dimanche 21 juillet, avec la venue des reconstituteurs gaulois de l’association Branno Teuta et la participation des bénévoles périgourdins de l’Adrahp. On y découvrira tout sur la vie quotidienne, l’artisanat, la religion et même les combats, avec des démonstrations chaque jours à 11 et 15 heures. Sans potion magique.

• Entrée libre durant les deux jours.