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Une saison en noir et blanc pour la truffe

Alain Klemeniuk président de la fédération des trufficulteurs de Dordogne © Archives H.C.
CULTURE ALÉATOIRE. Une récolte en forte baisse mais de très bons parfums. La saison 2024-2025 de la truffe d’hiver donne l’occasion de rappeller les fondamentaux de ce produit d’exception.

Entre le tiers et le quart de la production d’une saison normale, comme celle de l’an dernier : le bilan très faible dressé sur les différents territoires de production du Périgord se ressemble, que l’on soit en Ribéracois, en Périgord noir, autour d’Excideuil et de Brantôme. À la fois producteur et ancien négociant, Pascal Bonnefond résume depuis Tocane ce constat : « une petite année en quantité, même si on a trouvé une belle maturité avec de bons parfums ». Le président de la fédération départementale des trufficulteurs, Alain Klemeniuk, n’a pu que le constater auprès des groupements du département : « il nous a manqué 70 % de truffes cette année ».

Pour Pascal Bonnefond la récolte 2024 2025 a été très faible © H.C.

La cause de cette grosse déception est due à la pluie. La fin d’hiver 2023 et le printemps 2024 ont été tellement arrosés que les truffettes qui naissent à ce moment-là n’ont pu s’accrocher aux racines des arbres avec lesquels elles vivent en symbiose, soulignent les spécialistes. Il faut y ajouter des coups de chaud de l’été, qui n’ont pas été bénéfiques aux champignons ; il leur a manqué quelques arrosages. Bref, cette histoire d’eau a rendu encore plus aléatoire cette économie souterraine pour la saison qui vient de s’écouler. Les spécialistes le savent bien : malgré les plantations qui se multiplient, les techniques de culture qui s’améliorent, la truffe n’est pas aussi prévisible que la pomme de terre.

Jusqu’à 1 200 euros le kilo

Cette saison de la truffe noire d’hiver, tuber melanosporum, qui va de début novembre à fin février, ne restera pas dans la mémoire du Périgord. À Sainte-Alvère, marché le plus médiatique de Dordogne, le manque de truffes en vente a fait énormément de déçus. Les organisateurs ont comptabilisé 240 kg vendus, alors que le record de ces dernières années dépassait les 800 kg.

Un beau panier d’une précédente année sur le marché de Sainte-Alvère. © H.C.

Il ne faut que quelques grammes de ce champignon magique pour parfumer un plat, encore faut-il en trouver. Les prix qui flirtent avec les 1000 euros le kg autour des fêtes peuvent allumer des dollars dans les yeux, mais s’ils montent trop haut, le pouvoir d’achat de la clientèle régionale ne suit pas. « Ceux qui ont tenté de monter jusqu’à 1200 euros le kilo ont vite dû baisser le tarif », souligne le président départemental. Ce qui est rare devient cher, mais il ne faut pas exagérer.

Autant le rappeler, on ne s’enrichit pas avec la truffe. Il faut d’abord planter des petits arbres mycorhizés avec de la truffe (de 15 à 20 euros pièce), les tailler, travailler régulièrement le terrain et l’alimenter chaque année en spores de truffes, apporter un peu d’eau l’été, attendre près de dix ans qu’ils veuillent bien donner, ce qui n’est toujours pas une science exacte. Il faut dresser et nourrir le chien qui ira les chercher et ensuite les récolter, on dit caver, avant que les vers ou la pourriture ne les ruinent. Et, bien sûr, les caprices de la météo et le pouvoir d’achat des clients ajoutent des couches d’aléas. Mais la truffe, c’est le parfum magique du Périgord !

Les deux saisons de la truffe

Les marchés de la truffe noire se terminent début mars et on ne la trouvera bientôt plus que congelée, en conserve et en produits transformés, parfois rehaussés avec de l’arôme pas très naturel. L’autre saison de la truffe débute au printemps avec la truffe d’été, la tuber aestivum, à la chair plus claire, mais surtout beaucoup moins parfumée et ne supportant pas la cuisson.

La truffe noire d’hiver est reine dans les pâtés, les foies gras et les volailles qu’elle embaume ; la truffe grise d’été donne un petit goût sympathique sur des toasts, mélangée avec du beurre pour l’apéro ou râpée sur des pâtes. Son prix est bien plus bas, mais c’est un bon début pour donner envie d’y goûter.