Sophie Marvaud joue d’habileté pour tisser une toile de récit à géométrie variable, autant que parfaite, avec une mystérieuse mort (suicide ou meurtre ?) dans un jardin anglais à flanc de falaises : profondeur de champ subtilement trompeuse d’une explication qui recule au fur et à mesure que le lecteur progresse ; mise en abyme des parcours personnel et fictionnels pour de réjouissantes perspectives, dès les premières lignes ; cheminement labyrinthique avec fausses pistes et échappées surprises… L’image des bons et du méchant, un temps brouillée, s’éclaircit dans le chapitre final qui marque un retour, à l’aube de la saison 2, dans le huis-clos du manoir de Cheyrac.
En 286 pages, à dévorer en ce week-end ensoleillé idéal pour le farniente, on croise un pourri vraiment vicieux, une enquêtrice jusqu’au-boutiste, quatre scénaristes experts dans leur spécialité — du dialoguiste au showrunner —, des concierges décalés, un associé trop occupé par ailleurs, un journaliste manipulé, un chauffeur rêveur… et une Sophie Marvaud capable de se fondre dans le paysage pour être elle-même scénariste, auteure de série télé et professeure dans une école de cinéma. Elle dépeint cet univers passionnant, fait émerger l’intrigue d’une marée de post-it, révèle les coulisses de l’écriture et les secrets de ceux, incognito, qui font briller les peoples.
Effacer l’historique…
On apprend peu à peu le passé de chacun et c’est un plaisir d’assembler le puzzle de ces vies qui se croisent, se soutiennent et se révèlent, de suivre le fil des apparences qui conduit enfin à la personnalité véritable. L’auteure distille ce qu’il faut de poison dans une profusion de détails savoureux et réflexions malicieuses, petites révélations qui se répondent en silence pour se rendre… à l’évidence.
Sophie Marvaud invente d’heureuses combinaisons et multiples possibilités pour nous promener, à tous les sens du terme, sur les rives de la Dordogne, riche de méandres, comme son histoire. Elle tisse une trame complexe, la maîtrise à la perfection jusqu’à la réjouissante subtilité finale. Elle venge d’un coup tous les éclopés de la vie, avec ce qu’il faut d’humour et de dérision comme baume magique sur les profondes blessures du corps et de l’âme. Ses héros sont autant d’anti-héros, selon les événements choisis ou imposés, qui jouent avec l’ombre et la lumière.
La Grande Catastrophe que doivent imaginer les scénaristes pour la saison 1 des Survivants n’est pas celle qu’ils avaient prévue… et il est des catastrophes qui finissent bien.
Saison 1, Sophie Marvaud, Éditions Sud Ouest, 19,50 euros.