La maison du Goupillou, nichée à Rudeau-Ladosse, sur le territoire du Parc naturel Périgord-Limousin, accueille des résidence d’écritures francophones. Animé par Nelly Vranceanu, artiste d’origine moldave qui y a installé son atelier, et Arnaud Gally, par ailleurs rédacteur en chef d’Agora francophone— qui publie la revue l’année francophone internationale et que l’on peut suivre avec sa lettre hebdomadaire, le tout piloté depuis Le Goupillou —, ce lieu hautement culturel est relié au château de Beaurecueil (bien nommé pour les partages éditoriaux !), à Saint-Sulpice de Mareuil, à la Forge de la Poésie où se déroulent les lectures et rencontres publiques après un joli brin de marche sur un sentier (lire plus bas).
Point d’ancrage pour la francophonie
Les parents d’Arnaud ont acquis une quasi-ruine en 1965 et ont rénové la bâtisse « avec constance et un brin de dinguerie » pour en faire le magnifique point d’ancrage auquel Arnaud a fixé son goût du voyage et de l’ailleurs, nourri par « des amitiés au long cours » l’orientant vers l’Est de l’Europe et renforcé par le déclic de son talent pour la photo. Voilà 25 ans qu’il met en valeur toutes les nuances de la francophonie et reçoit des visites improbables en ce coin de Périgord : l’ostéopathe japonaise de la chorégraphe allemande Pina Bausch, des Ukrainiens et des Russes, des Colombiens, Polonais, Québécois, Roumains, Biélorusses et plus classiques Anglais et Allemands… « Mijoté à feu doux, tout cela donne la maison du Goupillou, qui a ouvert l’été dernier. » Adossé à une association, le lieu reçoit des auteurs francophones en résidence (et en résistance) grâce au parrainage d’une bourse de la fondation suisse Michalski… certains ravis d’y séjourner en totale discrétion. L’esprit de quelques célébrités locales, Eugène Le Roy ou Pierre de Bourdeilles flotte probablement autour de ce lieu attaché à la littérature, à la convivialité et la culture pour tous.
Voyages immobiles
Après avoir accueilli la Moldave Aneta Gonţa et la Guyanaise Emmelyne Octavie , le Goupillou reçoit pour quelques mois Élisa Shua Dusapin, un talent rare, une jeune franco-coréenne née à Sarlat, demeurant en Suisse, couronné par le National Book Award, l’un des plus prestigieux prix littéraires états-uniens (dont nous vous reparlerons très prochainement). Son roman est en cours d’adaptation par un cinéaste franco-japonais, avec un scénariste franco-vietnamien.
En ce récent samedi d’été torride, dans la campagne du Mareuillais encore verdoyante, le climat était à l’unisson pour écouter Kouam Tawa lire ses poèmes et évoquer son Cameroun natal. La présence locale de cet homme de théâtre, aux engagements artistiques et politiques, est aussi liée au proche festival Les francophonies, à Limoges. « Un proverbe camerounais dit : “Si on t’explique le Cameroun et que tu comprends, c’est qu’on t’a pas bien expliqué” . La seule chose que je sais faire c’est écrire, et il ne peut s’agir que de mon Cameroun. » L’un de ses poèmes, parmi les nombreux qu’il publie sur les réseaux sociaux, résume dans son titre son pays intérieur : À bout de souffle. Il écrit d’abord pour les enfants, qui ne sont pas encore détruits par la peur et la crise de confiance qui ruine ce pays.
Sous l’arbre à palabres, comme en Afrique, un verre à la main, la rencontre s’est prolongée, enveloppée par les mots de ceux qui sont déjà passés par ici, dans l’attente des pages qu’il reste à écrire par ceux qui viendront dans ce coin de Périgord sans frontières.
• Merci à Christine et Thierry Dessolas pour leur participation active à la réalisation de cet article.
Geste et poésie
Le château de Beaurecueil, longtemps maison de forge, fut la propriété d’Alcide Dusolier, député du Nontronnais et l’un des fondateurs de la IIIe République, critique littéraire “découvreur” d’Eugène Le Roy. La Forge de la Poésie, salle Alcide Dusolier, est née de l’appétence des actuels propriétaires des lieux, Christine Zwingmann, danseuse et chorégraphe, et Jean-Noël Cuenod, poète et journaliste, pour la poésie sous toutes ses formes.