L’épisode 1 est consacré à l’histoire de Clairvivre ; car, pour en comprendre la philosophie et le caractère encore novateur aujourd’hui, il est nécessaire de remonter aux sources de sa création, et aux valeurs qui ont inspiré son créateur, Albert Delsuc. Un homme voulant offrir à ses camarades de guerre un lieu pour réapprendre à vivre, à fonder une famille et à conserver son indépendance par le travail.
Il avait un rêve
Secrétaire général de la Fédération nationale des blessés du poumon et chirurgicaux (FNBPC), Albert Delsuc a le projet de soigner les poilus gazés, victimes de la tuberculose. Enthousiasmé par la visite d’une cité sanitaire anglaise à Papworth, il envisage la création d’un établissement identique en Dordogne dont il est originaire.
Initialement prévu entre Cubjac et Périgueux, la frilosité des élus à l’égard de la contagion par la tuberculose, incurable à l’époque, conduit Albert Delsuc à lancer la construction de l’établissement sur les hauteurs de Salagnac. Il fait appel à des professionnels, et notamment à l’architecte Pierre Forestier.
De l’utopie à la réalité
Une petite ville voit ainsi le jour entre 1930 et 1933 : un premier grand bâtiment destiné aux tuberculeux célibataires ; 175 pavillons (soit 340 logements), réservés aux tuberculeux accompagnés de leurs familles. Enfin, un hôpital, disposant d’un dispensaire, d’une maternité et d’un service social. Tous les aménagements nécessaires au fonctionnement de cette ville sont réalisés. Adduction d’eau, centrale électrique, routes, réseau d’égout, salle de spectacle, école, garderie des enfants, et magasins généraux ; les résidents doivent y dépenser une partie de leur salaire. Une cité (labellisée patrimoine du XXe siècle en 2011), dont la conception urbanistique et l’architecture avant-gardiste suscitent toujours l’intérêt d’étudiants en architecture. La disparition progressive des blessés du poumon conduit l’établissement à se transformer en sanatorium classique et à changer progressivement l’affectation de certains bâtiments.
Ne laisser personne sur le côté
Les événements internationaux conduisent la cité à intensifier son rôle d’assistance. Durant la guerre civile d’Espagne, elle héberge des républicains espagnols, malades ou blessés, en réquisitionnant des pavillons. Lors de la seconde guerre mondiale, Clairvivre accueille les hospices civils et la faculté de médecine de Strasbourg, ainsi que des milliers de réfugiés alsaciens expatriés. L’hôpital devient rapidement celui du maquis. Lorsque les maquisards sont trop gravement blessés, ils sont conduits à Clairvivre. Le caractère « contagieux » de la cité facilite leur retraite et leur convalescence, les troupes allemandes craignant la contamination. En prétextant la maladresse des agriculteurs, adeptes du malheureux coup de fourche, de nombreux résistants seront ainsi sauvés. Dans cette même période, la cité héberge Irène Joliot-Curie, ainsi que Gaston Chaissac.
C’est cette même volonté de porter assistance qui préside aujourd’hui à l’accueil de déplacés ukrainiens.
Favoriser la reconversion professionnelle
Au début des années 50, un autre axe se développe au sein de la cité. Celui de trouver une nouvelle orientation professionnelle après la maladie. En 1951, le centre de rééducation professionnelle ouvre ses portes avec une dizaine de formations. Il sera suivi en 1966 par le Centre d’aide par le travail (CAT), destiné à accueillir des personnes en situation de handicap de toute nature. L’établissement sera transformé en Établissement public départemental le 1er avril 1980.
S’il existe une centaine d’Établissements et services de réadaptation professionnelle (ERSP) en France, un centre comme Clairvivre est toujours unique en son genre.
Lire également : Une journée à l’établissement public départemental (EPD)de Clairvivre Épisode 2.
Clairvivre en quelques chiffres :
L’Établissement public départemental de Clairvivre compte 320 professionnels, soit près de 90 métiers. (Comptabilité, finance, communication, informatique, logistique, qualité, RH, technique et tous les métiers liés à l’accompagnement.)
L’ESRP/ESPO accueille chaque année entre 250 et 300 stagiaires.
L’ESAT compte 14 ateliers et 200 ouvriers. Trois pôles d’activité : l’industrie, les services et l’agriculture.
L’EANM de 200 places regroupe le foyer d’hébergement, le foyer de vie et l’accueil de jour.
L’EPD, c’est aussi une section touristique : 9 gites disponibles à la location toute l’année, et des partenariats permettant de mener à bien des projets touristiques et événementiels.
Un restaurant « La Résidence » d’une capacité de 180 places en salle, proposant des repas aux professionnels, personnes accompagnées et visiteurs.
L’étang de Born (20 hectares), géré par la Fédération de pêche et de protection du milieu aquatique, accueille les pratiquants d’une pêche respectueuse avec de nombreux gardons, tanches, carpes, brochets, perches et autres sandres.