« Quand j’étais petit, j’étais à l’arrière de la voiture de mon grand-père Georges*, je regardais avec de grands yeux les ponts et les viaducs aux pierres dorées, j’admirais ces ouvrages. Je voulais déjà devenir photographe.» Avec ce regard d’enfant retrouvé, Bruno Marty a encore une vingtaine de reportages bien avancés, ici et ailleurs. Il partage sa vie entre les deux hémisphères, à Sagelat, près de Belvès, et dans l’archipel Tuamotu, en Polynésie française. Il a effectué une centaine d’aller-retour : pas bon pour son empreinte carbone ; mais il se rattrape en passant du temps à parcourir sa terre natale et la rivière Dordogne à pied et en stand-up paddle, et enrichit passionnément ses dossiers photographiques déjà bien fournis.
Radiale et transversale
À l’invitation de l’office intercommunal de tourisme du Grand Périgueux, Bruno Marty présente jusqu’au 6 novembre une exposition des photos réalisées par tous temps et sous les meilleurs angles pour valoriser les ouvrages d’art sur les deux lignes TER qui traversent le département, « la radiale allant d’Agen à Périgueux et la transversale menant de Sarlat à Bordeaux. » Le reportage opportunément exposé à l’intérieur de la voiture de voyageurs Ocem de 1929 jouxtant le Fanal, à Niversac, est le fruit de 5 000 km parcourus depuis 2009 dans un rayon de 60 km autour de Sagelat. « J’avais pour principale contrainte les heures de passage : mieux vaut être précis pour ne pas rater son train ! L’autre idée était de réunir sur une même vue un site naturel ou patrimonial et un TER de passage sur un ouvrage d’art. »
Drôles d’endroits pour une rencontre
Ce parti-pris suppose des repérages pour trouver le bon angle, la bonne lumière et la bonne saison. « Une quête en pleine nature, dont je ne me suis jamais lassé, avec en bonus une montée d’adrénaline à l’approche du train », parfois sur un parapet un rien dangereux. « Pour la vue avec le château de Beynac, j’avais repéré une perspective, mais finalement ça ne convenait pas depuis la berge. C’était début novembre. Je suis entré dans l’eau et je n’ai plus bougé en attendant le passage du train… Une gabarre s’est arrêtée de l’autre côté, j’ai répondu aux touristes qui me demandaient ce que je faisais là que j’attendais le train ! Ils ont bien ri. »
Coup d’œil (photo) graphique
Ce voyage photographique est complété par des légendes écrites avec Pierre Fabre, cadre honoraire de la Sncf et fin connaisseur des lieux. » La ligne inaugurée le 3 août 1863 devait l’être par Napoléon III. Les travaux se sont arrêtés à Bagnères alors que le projet devait aller jusqu’en Espagne », Eugénie de Montijo oblige. Entre Sarlat et Lamothe-Montravel, on compte 24 ouvrages d’art, et 13 sur l’autre ligne. Avec deux chiffres XXL : 300 mètres pour le viaduc de Larzac, exploit architectural incurvé, et 1734 mètres pour le souterrain de Latrape, dit tunnel du Got, le plus long entre Paris et les Pyrénées.
L’exposition circule depuis 2013, première étape remarquée pour le 150e anniversaire de l’ouverture de la ligne. Le livre que Bruno Marty a conçu et auto-édité (déjà aux deux tiers écoulé) cette année lui donne l’occasion de montrer à nouveau cette sélection de 60 photographies. Et le passionné a de quoi envisager un travail comparable avec les gares de campagne, désormais fermées, comme celle de La Gélie.
* La galerie où il expose à Belvès, rue du Fort, porte le nom de son grand-père.
• Exposition jusqu’au 6 novembre au Fanal, Office de tourisme intercommunal du Grand Périgueux, à Niversac.
• Ouvrages d’art et paysages périgordins. Bruno Marty, Pierre Fabre. BMTIK, 115 pages, 35 euros. Le photographe anime aussi des conférences/diaporama sur le sujet.
Bruno Marty porte aussi un regard curieux sur les événements climatiques naturels, ici et à l’autre bout du monde, et il saisit ce que la nature produit d’œuvres d’art, comme les bois flottés.