Ce pont aux poutrelles rivetées est comme une Tour Eiffel de 175 mètres, couchée en travers de la rivière Dordogne au lieu-dit Garrit depuis 1894. Pont d’un autre temps construit pour remplacer un bac entre Saint-Cyprien et Berbiguières, il avait été remplacé par un franchissement routier construit à quelques centaines de mètres de là. Inadapté au passage de voitures, il était depuis des années voué à la démolition. Mais ses riverains s’étaient émus de la disparition annoncée de ce patrimoine, désormais dédié aux promeneurs à pied et à vélo.
Union sans frontière
Il y a plus d’une dizaine d’année, Ronald Knoth un citoyen néerlandais installé non loin de là, et Jean Bonnefon, journaliste et troubadour, ont unis leurs efforts pour faire du lobbying, afin de sauver l’ouvrage qui n’était plus entretenu. De manifestations historiques en fêtes populaires, l’association créée par ces passionnés rejoints par des centaines d’autres, a réussi à convaincre le Département de le sauver. Après tout, sa démolition selon les règles environnementales aurait coûté plus cher qu’une mise en sécurité pour un usage de loisirs non motorisés. Pour 425 000 euros tout compris, l’affaire a été menée et l’ouvrage a pu être rouvert au public ce 8 juin, avec un tablier allégé de ses trottoirs, des garde-corps plus hauts et des filets anti-chutes. Mais il a gardé sa rouille pittoresque sur sa structure métallique en bon état.
Voilà qui valait bien une fête avec randonnée découverte sur le circuit balisé qui passe par les berges, concert et rendez-vous autour de fourneaux et de tables, indispensable en Périgord. Germinal Peiro, le président du Conseil départemental, s’est félicité de voir « ce pont qui rassemble ». Jean Bonnefon citait le physicien anglais Isaac Newton (qui aurait découvert la loi de la gravité en recevant une pomme sur la tête) en évoquant « les hommes qui construisent trop de murs et pas assez de ponts ».
Tout “rebiscoulé”
Les voisins et les curieux sont venus nombreux marcher, manger et trinquer à la santé de ce pont “rebiscoulé” (revigoré) comme devait le dire Jean Bonnefon en occitan dans le texte. Ils étaient tous fiers de leur Tour Eiffel horizontale, chargée de 130 ans d’histoires de planteurs de tabacs et de résistance, devenue une précieuse vigie sur la faune et la flore de la rivière.