Un grand vin pour une petite appellation

Nous voilà au dernier étage de l’ensemble Dordonha, ancienne Petite Mission à l’architecture remarquable et nouveau pôle patrimonial et culturel admirablement rénové au cœur de la vieille ville. Après un tour en terrasse et devant les bonnes choses préparées par le Kristo, une visite des sculptures exposées au musée Costi, une rétrospective de l’histoire de la ville et de son vignoble autour de la géographie de la rivière, l’heure est venue de prendre place, au pied de l’amphithéâtre, autour de la table où les éléments sont disposés pour le cérémonial qui va s’y tenir, chacun va prendre son temps mais pas trop car un public passionné attend le résultat : qui sera le vigneron de l’année ?

Organisation millimétrée

En maître de cérémonie officie Stéphane Geraud, président du concours pour la première année, qui a organisé la manifestation, conçu des jury impartiaux, veillé à l’anonymat des échantillons. Ce vigneron de Monbazillac était jusque-là commissaire du concours et n’a jamais concouru.

Une soixantaine de dégustateurs de la première heure, répartis en 19 jurys, ont déjà passé la matinée à affiner les choix parmi 243 échantillons anonymisés. Ils ont attribué 81 médailles dont 43 d’or, 33 d’argent et 5 de bronze, et retenu le meilleur de la sélection d’or : 16 cuvées (deux bergerac, un côtes de duras, un montravel et un IGP Périgord en blancs secs ; un bergerac et un IGP Périgord en rosé ; un bergerac 2023 et un 2022, un côte de duras, un côtes de bergerac 2022, un montravel 2022, un pécharmant 2022 pour les rouges ; un rosette, un côtes de bergerac, un monbazillac 2022 pour les moelleux et liquoreux) destinées au super jury, qui prend place ce 7 juin aux 12 coups de midi à l’église Saint-Jacques.

Dégustation, mode d’emploi

Voilà bien l’un des moments agréables de notre métier, qui permet de passer du statut de spectateur de l’actualité à celui d’acteur : prendre part à une dégustation avec des professionnels est une expérience instructive, prétexte aussi à de nouvelles rencontres. En simple amateur, difficile de se hisser à la hauteur du super jury* réuni à l’occasion de la dégustation finale du concours des Vins de Bergerac Duras, mais y siéger en bonne élève concentrée offre la surprise de retrouver ses préférences dans le tiercé de tête identifié par les experts… difficile de se tromper quand on a la chance de déguster l’ultime sélection, le carré final de l’excellence ? Les nuances n’y sont que plus fines, les mots pour les dire choisis, les hésitations subtiles. Et l’exercice de comparaison sur un large éventail qui va du rouge le plus sombre au doré le plus vif n’est pas raison…  Resserrer par catégorie de l’ordre de présentation, par préférences générales ? « Sans protocole écrit ni règle car c’est une dégustation atypique ». Un dernier tour est nécessaire pour départager le bergerac sec, le côte de bergerac rouge et le rosette qui caracolent en tête.

Dernière ligne droite

Nous allons désigner le vigneron de l’année. Pour l’édition précédente, il s’agissait d’une vigneronne Céline Barde (Château le Raz), et pour celle d’avant aussi (Gaëlle Reynou, Domaine de Perreau). Et cette fois, une vigneronne encore, qui s’empresse d’évoquer la mémoire de son frère disparu en 2023 et d’appeler son fils auprès d’elle pour recevoir le trophée : Bernadette Baudry a repris l’entreprise familiale Gaec Baudry (Lembras) où elle œuvrait depuis 1992 avec son frère Bertrand (vigneron de l’année 2014). « Un rosette historique, commente à chaud Éric Chadourne à la levée de l’anonymat du lauréat, ça fait chaud au cœur quand on a connu Bertrand, qui a toujours été récompensé. »

Le doux et moelleux rosette, exquise appellation aux mains d’une vingtaine de producteurs, a su trouver sa place sur les tables et s’imposer parmi les apéritifs estivaux. C’est de ce lilliputien terroir qu’émerge en coup de cœur la cuvée Domaine du Grand Jaure 2023 pour représenter l’ensemble des Vins de Bergerac Duras de cette 30e édition du Concours.