Près de deux mois après sa sortie, l’ouvrage d’Alice Gendron rencontre un franc succès autant auprès des personnes concernées que de la communauté médicale. Avec humour et autodérision, l’autrice cherche à faciliter la connaissance et la compréhension du TDAH, mais aussi et surtout à insuffler l’apaisement au cœur de la souffrance bien réelle des personnes qui en sont atteintes.
TDAH une question de degré
« Tous les symptômes du TDAH sont potentiellement des choses que tout le monde vit, explique Alice ». Distraction, agitation, nervosité, problèmes d’organisation, tendance à égarer ses affaires, à couper la parole ou à éviter les tâches difficiles. Autant de symptômes que nous pouvons tous plus ou moins avoir, à ceci près que pour une personne TDAH, la différence se mesurera par leur intensité, leur fréquence et leur impact sur tous les aspects de son existence.
« Tout le monde peut oublier de payer ses factures, poursuit Alice. Moi, j’étais connue des services des impôts à 25 ans par exemple, car je payais toujours en retard ».
Lorsque l’on commence à se questionner, à penser que l’on a un vrai problème, se pose le sujet du diagnostic, et de l’importance de mettre un mot sur un trouble, impactant vie professionnelle, personnelle, amicale, familiale, et suscitant, dans le meilleur des cas, incompréhension, mais le plus souvent préjugés et réprobation.
Un diagnostic tardif et souvent insoluble.
Alice Gendron a été diagnostiquée à 29 ans ce qui peut sembler précoce, lorsque l’on sait que le diagnostic est posé tardivement jusqu’à 60 ans. Le plus souvent clinique, il est basé sur les observations d’un médecin ou d’un psychiatre. Au soulagement de mettre enfin un mot sur un trouble, se substitue le découragement de constater qu’il n’y a pas vraiment de solution.
« Une fois ce cap passé, on est laissé tout seul dans la nature, regrette Alice, quand on ne nous dit pas qu’il faut faire des efforts ». Et d’ajouter à ce constat le fait qu’il n’existe pas pour le moment en France de suivi et d’accompagnement standard. « Outre le manque d’infrastructures adaptées, des listes d’attente longues de plusieurs mois, certains professionnels de santé ont encore une vision rétrograde du TDAH, déplore Alice, et balaient d’un revers de manche les questionnements des patients, en leur suggérant de faire des efforts, face à ce qui n’est pour eux que de la fainéantise ».
Un guide pour mieux se connaître et se comprendre
Consciente qu’il n’y a pas de remède miracle au TDAH, qui affecte tous les domaines d’une existence, Alice propose sa solution, la connaissance de soi, à travers son guide illustré.
« Si on arrive à comprendre quels sont nos symptômes, comment ils se manifestent et à quel moment, cela peut nous aider à trouver nos solutions personnelles sur-mesure, argumente l’autrice ».
Si l’accompagnement d’un professionnel, psychiatre, psychologue ou psychothérapeute peut être un soutien, l’essentiel consiste à percevoir que l’on est son meilleur allié pour trouver des solutions et accepter son fonctionnement atypique.
Le manque de compréhension et de connaissances de ce trouble nourrit les préjugés et les représentations conduisant à assimiler les symptômes à de la paresse, à un manque de motivation, tout particulièrement chez les adolescents et les jeunes adultes.
« Mon frère a été diagnostiqué à l’adolescence, relate Alice ; grâce à cela, mes parents ont pu changer de dynamique et ne pas être dans la confrontation. Leur relation s’en est trouvé apaisée, ce qui a permis que cela se passe mieux au niveau scolaire ».
Occultée par ce que la personne donne à voir d’elle, la souffrance, réelle, renvoie à un sentiment de honte, enfoui au plus profond de soi. La conséquence d’un combat contre soi, d’une charge mentale difficile à soutenir, pour masquer, compenser, cacher des comportements. L’idée étant d’éviter le jugement ou d’être tenu pour responsable, grâce à des explications pouvant alléger l’implication.
« On se perd soi-même, plutôt que de perdre les autres, confesse Alice. On préfère se faire violence pour cacher nos difficultés, ou pour essayer de se conformer à ce que l’on attend de nous, surtout en tant que femmes ».
Des attitudes, comportements gourmands en énergie, à l’origine de burnout, autant dans la vie professionnelle que personnelle.
« Plutôt que d’être frontal, reprend Alice, on va se demander pourquoi on ne parvient pas à garder ses amis, pourquoi on est fatigué de répondre aux messages, et on va se forcer, car il le faut, sans comprendre que nous le faisons contre nous-mêmes. Tout cela a des conséquences directes et fortes. Les TDAH ont en effet un taux de suicide et d’alcoolisme plus élevé que la moyenne ».
Sans compter une estime de soi délabrée, dont la reconstruction prendra des années, à condition d’avoir un entourage bienveillant.
Apaiser et faire le lien entre les professionnels et les patients
En seulement deux mois, Le petit guide illustré du TDAH a reçu de nombreux retours et soutiens positifs. Grâce à son découpage en trois parties : ce qu’est le TDAH, une journée avec un TDAH, et les stratégies pour vivre avec un TDAH, chacun fait un bout de chemin vers l’autre. Avec une pensée particulière de l’autrice,
« pour les parents, souvent laissés seuls face à ce trouble, et qui, en voulant généralement bien faire, peuvent prendre la mauvaise voie et penser qu’il faut pousser et bousculer leurs enfants ».
Qu’on le lise d’une traite ou qu’on le consulte en fonction de ses questionnements, ce guide est un formidable outil de discussion.
L’humour et l’autodérision en sont le fil conducteur et participent de l’apaisement recherché par l’autrice.
« La difficulté principale du TDAH, c’est la honte avec tout le reste, souligne Alice ; c’est la perception de soi. Le meilleur remède face à cela, pour moi, c’est l’autodérision, l’humour et la tendresse que j’essaie de véhiculer à travers mes dessins pour arriver à s’apaiser ».
Le petit guide illustré du TDAH est aussi l’occasion de renouer le dialogue, d’aborder la santé mentale, de redonner de l’espoir, et de créer des ponts entre les professionnels de santé, les patients et leurs familles.
« Il a plusieurs missions, conclut Alice ; que les gens puissent s’exprimer, qu’il n’y ait plus de sujet tabou en santé mentale en général, et du TDAH en particulier, car cette autocensure que l’on a par rapport à ces sujets, ça tue des gens ».
Éditions Albin Michel – 19,90 €