Accueil BIEN aimé Témoignage de la transformation de la Vallée de l’Isle

Témoignage de la transformation de la Vallée de l’Isle

© F. Lemont - l'Édition Périgord
CAPSULE TEMPORELLE. Dans le cadre de notre partenariat éditorial avec L'Édition Périgord, nous partageons un article publié l'automne 2023 (n°20) consacré au Musée Voulgre, à Mussidan. Installé dans l'ancienne propriété familiale d'un docteur collectionneur passionné d'Histoire et d'art, ce musée est consacré aux modes de vie rurale d'un passé pas si lointain, aux savoir-faire de l'artisanat et aux changements apportés par l'ère industrielle dans la Vallée de l'Isle.

Totalement repensé durant la pandémie, le musée André Voulgre est aujourd’hui une machine à remonter le temps. En passant le pas de la porte de l’ancienne résidence du docteur Voulgre, on fait un bond dans le passé. La visite, s’articulant en plusieurs étapes, propose de déambuler dans la demeure qui semble avoir été à peine touchée depuis qu’elle fut occupée. On traverse les époques à travers la présentation des savoir-faire ruraux et l’arrivée de l’industrie dans les environs. Une industrie qui a bouleversé les paysages et la vie des gens…

Entrons chez le docteur Voulgre

La famille Voulgre était plutôt aisée, comme le montre cette chartreuse où est aujourd’hui installé le musée. La maison de maître, à simple rez-de-chaussée sur plan barlong, comporte en effet des éléments architecturaux extérieurs et une finition intérieure qui témoignent d’un certain art de vivre. Probablement construite au début du XIXe siècle, elle est achetée en 1903 par les Voulgre qui la rénovent aux standards de confort de l’époque. Tout au long de sa vie, le docteur Voulgre va réunir dans sa maison paternelle sa collection – ou plutôt ses collections – pour constituer un véritable musée privé qu’il faisait volontiers visiter.

© F. Lemont – l’Édition Périgord

Ce médecin, installé à Bordeaux, où il fonda un institut de physiothérapie et d’éducation physique, entreprit en effet un travail minutieux pour rassembler des éléments retraçant le passé et l’évolution de la société périgourdine, à travers la littérature, l’art, la vie quotidienne ou encore l’évolution des techniques.

De riches collections mises en valeur

À la veille de sa mort, en 1970, il décide de léguer sa chartreuse, son domaine et ses collections à sa ville natale, Mussidan, à condition que l’ensemble prenne le nom de Musée des arts et traditions populaires du Périgord du docteur André Voulgre.

Un legs que la municipalité accepte. Une association Les Amis du musée voit ensuite le jour en 1973 afin d’entretenir et enrichir les collections, d’organiser les visites et animer le musée… En 1977, le musée ouvre enfin ses portes au public, et Les Amis du musée accomplirent leur tâche pendant plus de quarante ans et continuent aujourd’hui de faire vivre et découvrir le musée.

Un intérieur raffiné

© F. Lemont – l’Édition Périgord

La première promesse du musée est de nous faire sentir la vie et l’âme qui se dégage de cette chartreuse. Promesse tenue, puisque lorsqu’on avance et qu’on passe de pièce en pièce, on a tout bonnement envie de marcher sur la pointe des pieds, comme pour ne pas déranger d’éventuels occupants de la maison.

C’est un lieu particulier, raffiné, décoré avec goût, bien loin du clinquant. Dans la cuisine bourgeoise, des objets témoignent de la vie quotidienne d’autrefois, comme une lampe fonctionnant à l’huile de noix du XIXe siècle, une chaise à sel du XVIIIe siècle ou encore un “taille-soupe”, cet ustensile qui servait à trancher finement le pain avant de le tremper dans le bouillon.

De la vaisselle pour recevoir

F. Lemont – l’Édition Périgord

La salle à manger est quant à elle coquette, mais là non plus, elle ne donne pas dans le m’as-tu-vu. Une collection de faïences anciennes, avec sa traditionnelle soupière : n’oublions pas que la soupe était la base des repas des paysans et des bourgeois pendant des siècles. Cette vaisselle, dont la fonction première est d’y servir les repas, est également un signe extérieur de prospérité lorsqu’on reçoit des invités.

Au XIXe siècle, les Périgourdins avaient du choix dans les environs puisque les potiers de la vallée de la Beauronne produisaient de leur côté les objets fonctionnels, tandis que pour les faïences plus raffinées, on pouvait compter sur le savoir-faire des manufactures réparties à Bergerac, Sainte-Foy-la-Grand, Le Fleix, Montpeyroux, Périgueux, Thiviers… et Mussidan elle-même.

Éclectisme

Des nombreuses machines agricoles d’époques sont exposées… mais aussi des alambics de bouilleur de cru et des outils servant à la culture et au séchage du tabac, culture très répandue en Dordogne. © F.L

Au fil de la visite, des hommages sont rendus à des figures de la culture locale comme Montaigne, bien sûr, ou encore Eugène Le Roy, écrivain né au château de Hautefort où ses parents étaient domestiques. Dissident dans l’âme, républicain, anticlérical et anticonformiste, celui qui est souvent considéré comme “l’écrivain du Périgord” a démissionné de l’armée après avoir participé aux campagnes d’Algérie et d’Italie sous le Second Empire, avant d’officier comme percepteur pendant trente ans, principalement en Dordogne. Ses deux romans les plus célèbres se déroulent de part et d’autre de l’Isle : Jacquou le Croquant dans la forêt de Barade (publié en 1899) et L’Ennemi de la mort dans la forêt de la Double (publié en 1912)… Bien évidemment, la profession d’André Voulgre est elle aussi évoquée. Le docteur avait lui-même constitué une petite collection de curiosités, de flacons et d’ustensiles de pratiques anciennes.

Ces parcours sont interactifs : le visiteur est invité à toucher des objets, à ouvrir des portes, à découvrir des vidéos qui approfondissent une thématique.

Préhistoire, occitanisme et paysannerie

© F. Lemont – l’Édition Périgord

La Préhistoire, qui tient une place si importante dans l’histoire du Périgord, en tient également une au musée : silex, pigments comme ceux qui servirent à décorer Lascaux et d’autres grottes ornées… On le comprend, le docteur Voulgre s’intéressait à tout et se faisait un point d’honneur à partager toutes ses passions.

Après une évocation de la culture occitane et des mouvements pour perpétrer l’occitan, dialecte encore parlé par la majorité de la population locale dans les années 50, la poursuite de la balade nous mène à des espaces célébrant la culture et les savoir-faire paysans… Les saisons sont évoquées à travers les objets, voire les machines. Les temps forts de l’année sont en effet marqués par des tâches agricoles : le labour, le fourrage, la moisson. Autant de travaux pénibles qui suscitaient la solidarité et l’entraide entre paysans.

Mutation des paysages

© F. Lemont – l’Édition Périgord

Des métiers restés cruciaux pendant des siècles, bien avant la mondialisation, sont ici mis à l’honneur : la tonnellerie, la cordonnerie, la menuiserie et la forge – très présente en Périgord. On se souvient aussi combien le commerce de proximité était courant : les moindres coins de ces contrées en regorgent.

Le musée fait aussi la part belle à la révolution industrielle qui a beaucoup fait évoluer la région. « Le musée souhaite répondre à certaines questions que se posent les gens aujourd’hui, selon Ludovic Chasseigne, le responsable du musée. Pourquoi la Vallée a-t-elle ce visage de nos jours ? Pourquoi dénombre-t-on autant de commerces fermés et de friches industrielles ? Comment le territoire s’est-il modernisé à l’époque ? La modernité a fait changer l’art de vivre et a incliné des savoir-faire séculaires. Tout s’est emballé… » Puis la modernité a continué son œuvre, et les usines qui faisaient travailler les gens du coin, la briqueterie (à Neuvic) ou encore les manufactures d’encaustique et les fabriques de cierges (à Mussidan), ont succombé au rouleau compresseur de la concurrence des pays asiatiques.

De cette visite, on ressort pétri d’admiration autant pour André Voulgre que pour le monde paysan… et un chouia moins pour les dérives de la mondialisation dont a été victime le Périgord et tant d’autres régions françaises.

Frédéric LEMONT –  L’Édition Périgord

Nous vous invitons à découvrir en kiosque le numéro 24 de l’Édition Périgord, celui d’automne.

Une collecte pour une future exposition sur “la Vallée de la chaussure”

Un appel à prêt ou don est en cours pour constituer l’exposition sur la chaussure de l’Isle prévue en 2025.

Dans les années 70, la Dordogne a employé des milliers d’ouvriers dans l’industrie de la chaussure, avant de perdre en compétitivité face à la concurrence internationale. Une époque glorieuse dont les vestiges sont encore présents un peu partout dans les paysages de la Vallée de l’Isle.