Pour qu’un arrêt de travail ne devienne pas une fin de vie professionnelle, un modèle inédit est né à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine et devrait rallier d’autres régions. Les chiffres parlent et la crise sanitaire que nous traversons laissera malheureusement des personnes en état de fragilité et de fatigue post-covid. En moyenne et avant cela, 15 % de salariés ne trouvent aucune solution de poursuite d’activité en interne en cas de maladie chronique, sanction qui pénalise les uns et les autres. En France, 80 % des intéressés ont un emploi au moment du diagnostic. Deux ans plus tard, deux tiers ont perdu ou quitté leur emploi, ou sont en arrêt maladie. « Cela représente plus de 700 ruptures de contrat pour inaptitude en 2019 en Dordogne, c’est-à-dire 700 échecs de maintien à un poste sur un nombre de démarches totales difficile à quantifier, faute d’estimation de ceux qui ont pu être reclassés. » Philippe François, président du service de santé au travail en Dordogne (SST24) voit en Semaphore une même porte d’entrée pour guider employés, dirigeants et DRH vers des possibilités d’adaptation. « Psychologiquement et médicalement, l’intervention du médecin du travail ne suffit pas : continuer à travailler avec une maladie évolutive ou chronique demande une réorganisation plus large du temps de vie. » Au-delà d’un poste de travail à revoir, il faut compter avec l’impact sur tout un service, et jusqu’au dirigeant.
Centraliser les démarches
L’initiative est née d’un appel à projets lancé par l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) sur “le maintien en emploi des personnes fragilisées par des problèmes de santé ou en situation de handicap”. Deux ans de préparatifs avec le service de santé permettent aujourd’hui à Émilie Gillet de piloter ce dispositif : cette consultante en mobilité professionnelle et santé au travail, établie en Haute-Vienne (cabinet A2O), connaît parfaitement les circuits pour accompagner le maintien en emploi et s’appuie sur des ressources existantes. Un travail de coordination essentiel pour un tissu économique local à 80 % composé de TPE, c’est-à-dire souvent dépourvu de ressources interne ou réseau à solliciter. « Centraliser et flécher des expertises facilite la vie de tous », souligne Laurent Eecke, codirecteur du SST24.
Concrètement, le contact se fait par internet. Émilie Gillet rappelle la personne pour un point de situation et une orientation vers le bon interlocuteur, dans un contexte pluridisciplinaire. Gain de temps assuré. « Il se peut que cette approche crée de nouveaux besoins au sein du SST, imagine Philippe François. Nous avons déjà évolué, par exemple avec trois psychologues du travail alors que ce profil n’existait pas dans nos équipes il y a quelques années. »
Repérer les premiers signes
Prévenir une désinsertion professionnelle passe par la détection de signaux faibles. On peut dès lors agir au moyen d’un plan de retour en emploi après un arrêt longue maladie, des aménagements de postes ou de temps de travail, une réorientation avec des formations adaptées à la situation. L’essentiel est d’identifier les situations pour faciliter les démarches et éviter les ruptures de contrat, en alliant prévention et suivi individuel. Au-delà de cas particuliers, Semaphore a vocation à soutenir les chefs d’entreprises soucieux de repenser l’organisation collective de travail pour en améliorer les conditions, anticiper une situation de handicap ou son aggravation.
Avec un recul de cinq mois depuis le lancement de la plateforme, Émilie Gillet témoigne d’un intérêt qui a conduit des agents de la fonction publique vers cette source d’information, « nous avons donc intégré dans la boucle ce secteur qui n’y était pas à l’origine ». Des demandes sur des situations particulières et plus générales de santé au travail sont remontées, et un employeur a demandé une sensibilisation sur le handicap en milieu professionnel pour répondre à des questions que se posaient des salariés, ce qui a permis une information plus générale. Ce n’est pas si courant. « Si la santé au travail est un sujet de plus en plus abordé, celui du handicap arrive souvent au dernier moment, lorsqu’il est difficile de trouver des solutions. » Émilie Gillet a orienté au cas par cas vers l’interlocuteur adapté, ce qui lui a permis de croiser de nouveaux partenaires et de faire connaître Semaphore. C’est le cas pour La Maison de l’emploi du Grand Périgueux et le PLIE, pour des questions concernant l’insertion professionnelle. Et un intérêt se dessine pour étendre le service aux entreprises et salariés de Corrèze et de Creuse.
Des réponses à la crise sanitaire
Les deux services départementaux de santé au travail, Bergerac d’un côté et le reste de la Dordogne avec Périgueux, ont fusionné fin septembre 2020. Ensemble, ils représentent désormais 15 médecins, 75 salariés, 70 sites de consultation en proximité, 8000 entreprises adhérentes, 66 000 salariés.
Pendant la crise sanitaire, le SST24 a innové en mettant en place une hotline, des tutoriels sur le télétravail, des conseils d’exercices physiques et d’alimentation, une cellule d’écoute. 56 000 courriels ont été adressés aux adhérents, soit 14 flashs infos par semaine durant plus de deux mois. 1 118 actions ont été menées en milieu de travail et 686 visites médicales réalisées sur cette période. Une page spéciale sur le site internet était dédiée à la Covid-19, à la reprise d’activité, avec des fiches métier et des infos actualisées. Une plaquette a été réalisée pour la reprise et la relance d’activité, ainsi qu’un guide de bonnes pratiques sanitaires pour les entreprises du tourisme.