Cette journée, qui se déroulait le 6 juillet à la Maison du Département, à Bergerac, avait pour objectif de favoriser l’interconnaissance entre les acteurs de la santé mentale, de l’hébergement-logement et de l’insertion par l’activité économique ; de mieux connaître les principes du rétablissement et ce que cela suppose dans l’accompagnement des parcours. Le colloque, qui affichait complet, a mis en lumière les ressources et les projets inspirants, à l’image de ce festival qui est une des formes choisies par BASE pour favoriser l’accès de femmes en difficulté à l’art, à la culture et à la citoyenneté.
Penser l’accompagnement dans toutes les dimensions de la vie, avec la personne
« Les professionnels de l’insertion sociale témoignent de l’accroissement des personnes en difficulté sociale et psychique. Le partenariat étant au cœur de nos préoccupations, nous espérons que ce partage autour de regards croisés sur la précarité et le rétablissement pourra déboucher sur une transversalité dans nos pratiques. Toute personne est capable de changer en étant acteur de son développement », introduisait Michel Belain, président de FAS (Fédération des Acteurs de la Solidarité) Aquitaine.
Pour Jean Francois Pelletier, chercheur en sciences politiques dont les travaux portent principalement sur l’amélioration du rétablissement des personnes atteintes de troubles mentaux, le rétablissement est « un processus de changement continu par lequel des personnes ayant vécu un problème de santé mentale améliorent globalement leur santé et leur bien-être, mènent une vie autonome et s’évertuent à réaliser leur plein potentiel ».
Rétablissement : un mot, plusieurs significations
« Qui n’a pas de fragilité ? Qui va toujours bien ? Retrouver la joie de vivre est un processus non linéaire pour passer de l’identité de malade à celle de personne qui a des projets, avec des vulnérabilités », précisait Hugo Baup, médecin psychiatre de la Fondation John Bost. Pour lui, la priorité est de se centrer sur la personne : « Il y a des dispositifs à développer orientés sur le respect des droits : s’il y a refus de médication qu’est-ce qu’on fait ? C’est le droit de la personne, on prend le temps d’en discuter. C’est difficile de se relever d’un dispositif d’enfermement qui peut créer de sérieux traumatismes. L’hygiène mentale doit être l’affaire de tous. Les dispositifs relationnels doivent remplacer l’enfermement ».
Pour le médecin, établir une ambiance collaboratrice est essentiel : « Si on n’établit pas de lien de confiance, le reste ne sert à rien. Il faut faire les choses avec la personne, elle doit s’évaluer d’elle-même, les plans soins ne servent à rien, il faut amener la personne à réfléchir sur sa vie et mettre en lumière les avancées ». Ici, on l’aura compris, la personne est en haut de la pyramide, les autres sont à son service. Renforcer les partenaires de soins et de service, et soutenir le développement des compétences fait partie du parcours. Déclenché par l’espoir et dicté par soi, le rétablissement emprunte divers chemins et a des racines culturelles. Holistique, relationnel, soutenu par les pairs et basé sur le respect et la bienveillance, il fait appel à nos potentiels et à nos forces.
Dispositifs, ressources et témoignage….
Hélène Reyreaud, présidente de l’association ESPAIRS Dordogne et médiatrice santé pair au C2A, témoigne : « Aujourd’hui je suis paire aidante professionnelle, mais d’abord bénéficiaire. Je n’avais plus aucune estime de moi, j’ai eu la chance de découvrir le C2A, j’ai pu me rétablir et me former en paire ressource. Se rétablir est un processus autogéré de guérison et de transformation. Ne jamais oublier que l’impulsion vient toujours de la personne. Le but est de devenir pleinement humain ».
Le C2A (Club Action Avenir) est un centre innovant de formation et de soutien au rétablissement développé à Bergerac par le centre hospitalier de Vauclaire depuis 2018. « On a créé un lieu autour du concept de rétablissement. L’enjeu, c’est une évolution sur un nouveau modèle de santé, un lieu de formation en santé : comment se remettre d’un trouble psychique ? c’est davantage pour acquérir des compétences pour sa résilience. Sans limite de temps dans l’accompagnement. L’objectif n’est pas de soigner mais d’améliorer la qualité de vie, on va échanger nos savoirs expérienciels. Qu’est ce qui fait que la personne va aller mieux ? On ne se focalise pas sur les troubles de la personne mais sur son rêve de vie », précise Antony Robin, coordinateur.
Vous avez dit paire aidance ?
Ici, le suivi est individuel, le rétablissement clinique n’étant pas une fin en soi. Le travail autour du bien-être général est essentiel (alimentation, activités physiques ou culturelles) avec pour objectif de créer une dynamique positive empreinte de prévention et de déstigmatisation. L’addiction est en effet un problème de santé publique majeur car elle maintient les personnes dans la maladie. Partant du principe que nous avons tous des vulnérabilités psychiques, il n’y a pas d’un côté les malades et de l’autre les gens sains. L’insertion sociale et le soutien des proches sont deux points très importants dans la résilience. Pleine conscience et compassion font partie intégrante du dispositif. La paire aidance est également une actrice majeure dans l’accompagnement.
Les différents champs de l’accompagnement
Déstigmatiser la personne accompagnée est la première étape du rétablissement. « Nous défendons les droits des proches et soutenons les familles. Toutes les personnes qui portent un handicap invisible devraient avoir droit à une allocation adulte handicapé et tous les jours on voit des médecins qui refusent de signer un certificat. La stigmatisation est à tous les niveaux », précise Francoise Védrine déléguée départementale de l’UNAFAM.
Reprendre progressivement une activité professionnelle fait également partie du rétablissement comme avec le programme “Premières heures en chantier” de Convergence France où le lieu du travail devient lieu d’accompagnement. L’emploi est ici un support pour travailler le reste. Avec plusieurs pôles d’activités — espaces verts, événementiel, animation — l’association BASE intervient dans l’insertion par l’activité économique. « Comment remet-on en mouvement, en vie, une personne ? Si vous accueillez quelqu’un en termes de bénéficiaires, c’est restrictif ; nous on parle de salariés. Avant de dire à quelqu’un que ce n’est pas possible, on se pose la question “comment ça peut être possible”. Quand on est en grande difficulté, on a besoin d’écoute, d’égalité, de fraternité. Nous développons des sphères complémentaires comme par exemple avec le Festival des filles ou l’action sportive “Les filles montent au filet” pour favoriser l’inclusion dans la vie de la cité et nouer des liens en dehors du travail. Mixer la sphère de l’emploi avec des propositions sportives ou culturelles permet d’aborder la vie citoyenne », précise Jean Pierre Ditsch, directeur de l’association d’insertion BASE.
Stabiliser par le logement
Accompagner et maintenir dans le logement fait partie d’un volet important de l’accompagnement. Au croisement du sanitaire et du social, le dispositif “un chez soi d’abord” porté par l’ASD et l’EMPP Périgueux accompagne les publics sans abris confrontés à des problématiques de santé mentale et défend leurs droits fondamentaux. Cette initiative volontariste (housing first) propose d’installer les personnes dans leur propre logement, et de les accompagner au quotidien, évitant ainsi les séjours en centre d’hébergement ou accueils collectifs parfois subis.
Mary BERNET
« Nous ne devrions jamais perdre espoir….Le rétablissement n’est pas le privilège de certains patients exceptionnels ..La plupart des gens se rétablissent.» Les mots de Patricia Deegan, porte-parole national du mouvement des usages/survivants de la santé mentale aux États-Unis, tout comme ce colloque, ouvrent des portes vers du mieux être.
Échange en atelier et innovation numérique
Quatre ateliers clôturaient cette journée :
> Insertion, emploi, activité professionnelle : quelles pistes pour faciliter les parcours ?
> Habiter et se maintenir dans le logement : outil, pratiques professionnelles et partenariats.
> Des leviers pour sortir de l’isolement social ? Culture, loisirs, participation, lien social.
> Innovations dans les outils d’accompagnement des personnes.
Une opportunité pour poursuivre l’interconnaissance entre les acteurs, mettre en avant les ressources existantes et trouver des pistes d’amélioration dans l’accompagnement des parcours.
Deux outils numériques ont été présentés dans le dernier atelier : le baromètre et Mon Ret’ @b d’abord”. Le baromètre est une plateforme numérique et collaborative pour soutenir le renforcement du pouvoir d’agir. Et afin de faciliter le parcours des personnes, les psychologues de C2A ont créé l’application “Mon Ret’ @b d’abord”. L’usager s’appuie sur une auto-évaluation pour identifier ses forces, ses vulnérabilités et ses besoins Et avec l’aide de son coordonnateur, il peut définir des objectifs, planifier les actions pour les atteindre et les évaluer.
• Pour trouver une Structure d’Insertion par l’Activité Économique près de chez soi : Annuaire structure | INAE
• Les structures du social et médico-social qui chercheraient un employeur inclusif (GEIQ, Entreprises Adaptées, Structure d’Insertion par l’Activité Economique) peuvent utiliser la plateforme Les emplois de l’inclusion
À noter qu’une formation “premiers secours en santé mentale” de déroulera à Périgueux les 16 et 17 Novembre. Inscription