La 8e étape du Tour est de passage ce samedi 8 juillet dans les communes de Dournazac, Chalus, Pageas, Les Cars, Rilhac-Lastours, Saint-Hilaire-les-Places et Nexon ; suivant ainsi quasiment la ligne de défense des châteaux forts du Sud Limousin. La caravane sera sur site dès 14h15 et le public encouragera les coureurs dans les rues de Châlus entre 16h et 16h30. Le duel Pogacar/ Vingegaard devrait être moins sanglant mais pas moins noble que celui des chevaliers ! Et pour qui manquerait cette étape, une compensation est possible avec la 4e étape du Tour du Limousin-Périgord, de passage au cœur de l’été à Bussières-Galant et Châlus, sur les routes sinueuses du Parc naturel régional Périgord Limousin. La petite reine près d’un grand roi vous salue !
Ici est tombé Richard Cœur de Lion
Les coureurs auront à peine le temps d’apercevoir l’église en état de vestige. L’Histoire se méritant, il faudrait effectuer quelques arpents de plus pour se retrouver dans l’atmosphère étrange, si ce n’est du château le plus intact, d’un de ceux qui vous transporte le mieux dans l’ambiance du Moyen Âge… comme si l’on visitait un lieu de bataille encore fumant. C’est là qu’en 1199, Richard Cœur de Lion fut mortellement blessé. S’y promener, c’est se retrouver dans une ambiance mystérieuse, envoûtante, entre tours, remparts et ruines, où l’âme de Richard semble encore flotter. Ses entrailles reposent dans la chapelle. Nombreux sont les sujets de sa gracieuse majesté à venir lui rendre hommage et à s’installer aux alentours : l’ambiance des pubs voisins en témoigne.
Donjon et houblon
Les coureurs n’auront pas le temps de bénéficier de la visite du site par son propriétaire, Jacques Vigneras, architecte de formation et antiquaire de longue date. La montée, étroite du donjon, aux escaliers métalliques successifs, les aurait impressionnés. Pente ultra-raide, vue à 360° : récompense à l’effort et aux petits vertiges, la terrasse et le salon de thé sous la treille — où l’on sert même des breuvages houblonnés sous la marque Richard Cœur de Lion — redonnent du souffle aux visiteurs.
Rempart musical
La promenade des remparts, dite “de l’abrupt”, permet la vision sur le bas de la colline, rythmée par des fugues musicales de Bach émanant de la salle des gardes. Des statues métalliques réalisées par l’artiste local Rolland Manin représentent Richard Cœur de Lion et Pierre Basile. Un gisant moderne géant célèbre le huit-centenaire de son agonie. Il ne faut pas oublier de s’incliner devant la porte, vestige de la chapelle sous laquelle sont enterrées les entrailles de Richard.
Haut lieu de la Haute-Vienne, de l’Histoire de France et du Royaume d’Angleterre, haut lieu géographique dominant le bourg à 444 mètres d’altitude, ce château de Châlus-Chabrol qui a appartenu aux familles Sully, Albret, Borgia et Bourbon, est vraiment le maillon principal d’un “chaînage” unique en France de quinze châteaux forts sur une ligne protégeant l’accès sud de Limoges, entre Périgord et Limousin.
Laurent SEITMANN
Un peu d’Histoire
Philippe Auguste, roi de France, complotait contre le fils d’Aliénor d’Aquitaine avec Jean sans Terre (le méchant dans Robin des bois) : ce vassal de Richard ne participait même plus aux impôts dus à la couronne. Alors Richard vint à Châlus pour lui faire entendre raison.
Mais avant cela, remontons un peu la route de celui qui, comme son père Henri II, était un sacré gaillard d’1,96 mètres. Emprisonné en Rhénanie par Henri VI, qui propose à Aliénor de récupérer Richard en échange d’une “modeste rançon” (plusieurs tonnes d’argent), il rentre en Angleterre, démet le tyran Jean sans Terre et pacifie son royaume. Il veut construire son chef d’œuvre : Château-Gaillard, en Normandie, dont il boute Philippe–Auguste.
Exalté et belliqueux. Il vient vérifier l’état de son royaume, qui s’étend de l’Écosse aux Pyrénées. Maine, Touraine, Anjou, sont calmes. Les problèmes commencent en Poitou : les barons ont prêté allégeance à Philippe Auguste. Richard est en très mauvaise santé : mentale d’abord, après une année d’enfermement. Il se baffre, est exalté, furieux. Il se présente aux châteaux de Piégut et Nontron. Les châtelains refusent de le recevoir. Les béliers sapent le bas des tours et remparts. Les châteaux s’écroulent.
Mais à Chalus, le donjon, est si épais qu’il résiste trois jours. Apprenant que le donjon n’est pas tombé, Richard s’y rend à cheval, sans armure ni heaume. Il arrive, entouré de chevaliers portant boucliers en bois. Les chevaliers Pierre de Montbrun et Pierre Basile, arbalètes à la main, veillent du sommet du donjon. Pierre Basile l’atteint au niveau des cervicales d’un carreau d’arbalète. Il est transporté dans la salle des gardes (toujours visitable, cœur du château, salle d’apparat, où l’on rendait également la justice). Il est allongé près de la cheminée. On réussit à tirer le carreau d’arbalète.
Après quelques jours, il semble aller mieux et refait bombance. Mais infection et fièvre se diffusent. Il appelle Aliénor d’Aquitaine à son chevet et demande, que ses entrailles soient embaumées dans une boîte en plomb, au cœur de l’église Notre-Dame de Châlus, attenante au château. Le cœur sera placé dans la cathédrale de Rouen et son corps dans un gisant à l’abbaye de Fontevrault, près de la dépouille de son père.