Le groupe fondé en 1977 conserve deux artistes “historiques”, Jean Bonnefon et Patrick Salinié. Peiraguda poursuit sa route, après quelques périodes entre parenthèses, notamment lorsque Jean dirigeait France bleu Périgord, et lors de l’échappée avec Joan-Pau Verdier, en 1989, pour former Bigaroc. Avec 7 albums en archives, les deux fondateurs de Peiraguda ont pensé que le temps était venu de fixer aussi cette mémoire du Périgord sur le papier. La période de confinement leur en a donné le temps.
Intégralement bienvenus
L’intégrale des textes vient de voir le jour : « une fausse anthologie, puisque dans celle-ci on trouve tout, mais le mot a le mérite de sonner aussi bien en français qu’en occitan », souligne Jean Bonnefon. L’initiative est bienvenue avant Noël pour les inconditionnels du groupe qui retrouveront en vis-à-vis les paroles dans l’une et l’autre langue en ouvrant cette Antologia.
Les deux auteurs-compositeurs-chanteurs ont répertorié 103 chansons, toutes enregistrées ou chantées sur scènes au moins une fois, publiées avec les accords pour guitare et piano. Des intros, des extraits d’instrumental, des partitions, des anecdotes sur les chansons et le contexte de l’époque côtoient des adaptations comme celle faite en 2015, après les attentats du Bataclan, sur l’air de We shall overcome, variation sur une même volonté de vaincre l’obscurantisme, ou encore celles autour du répertoire de Brassens, et quelques contes et textes militants dits entre les morceaux. Cela forme déjà un bel et solide objet.
Un nouvel album
Mais il aurait été dommage de ne pas sortir en même temps l’intégrale des 7 albums précédents augmentés d’inédits, sous la forme d’un triple CD (57 chansons enregistrées entre 1978 et 2015) avec pochette “made in aqui”. La voici donc ! Avec aussi — ils ont continué à écrire pendant la crise sanitaire — un nouveau disque de 14 chansons (11 nouvelles et trois titres en public fixés dans l’énergie de la scène, retenus à l’applaudimètre : La dama pijoniera (le tube de 1982), Lo Garric, Le bal des ouvriers). Caminarem (nous marcherons) est « un titre hommage au chanteur qui nous a mis en chemin : Claude Marti, guitariste, précurseur de la chanson occitane », insiste Patrick Salinié. Lors d’un concert à Périgueux en 1976, Daniel Chavaroche et Jean Bonnefon lui avaient apporté une maquette. « Il nous a poussés à chanter ces titres plutôt que lui, car il tenait à ce que s’expriment d’autres voix occitanes », se souvient Jean. Claude Marti est ensuite venu à Sarlat à leur invitation ; sollicité en vedette, il a inversé les rôles en assurant la première partie du concert pour leur laisser le morceau de choix. « Un grand monsieur. Verdier et Nadau ont également marché sur ses pas. »
Chansons en hommage et un inédit de Cabrel
L’album Caminarem fait une place à deux adaptations chères au cœur des artistes : Toulouse, interprété par Patrick, fait écho à son parcours personnel et « l’écriture de Nougaro se prête fort bien à la traduction en occitan ; sa famille a donné l’autorisation pour cette version intimiste, guitares voix, à l’opposé de la grande orchestration d’origine ». « Simplicité apparente pour une complexité de jeu », ajoute le guitariste Jacques Gandon, compagnon de route “canal actuel” de Peiraguda. Jean Bonnefon a quant à lui choisi de ramener à nos mémoires, façon valse lente, La ballade irlandaise immortalisée par Bourvil, en éclairant une lecture historique du conflit avec les Anglais. La recherche des ayants droits des pourtant célèbres Eddy Marnay et Emil Stern a été un peu fastidieuse et a ralenti la production du CD. Il réserve un autre inédit, un titre entièrement chanté en occitan par Francis Cabrel. « Il a choisi une des plus courtes chansons de notre répertoire et, surtout, celle dans l’esprit de son dernier disque, sur un thème des troubadours. » Le travail de mastering, qui donne la couleur à l’album, est signé Ludovic Lanen, une pointure dans l’univers des ingénieurs du son, indissociable de Cabrel.
Et des concerts… essentiels
Le tout, sorti en même temps, est édité chez Novelum, institut d’études occitanes. Le projet est soutenu par le Département, qui a acheté des exemplaires*, et la diffusion est assurée en Dordogne avant une vie sur les plateformes numériques (Spotify, Deezer) à partir de février. Des concerts devraient accompagner ces parutions, si la crise sanitaire veut bien laisser place aux bonheurs du spectacle vivant. Le fils de Jean, Pascal, qui a contribué à la réalisation de cet album, ne tournera pas avec le groupe, appelé vers d’autres horizons professionnels (la communication des Girondins de Bordeaux). Ils seront cinq sur scène, avec leurs souvenirs… et encore des projets.
*En partenariat avec l’Institut d’Études Occitanes Novelum, le Département a décidé d’offrir à chaque commune de Dordogne et à tous les établissements dispensant de l’occitan l’anthologie des textes des chansons de Peiraguda et le coffret de 3 CD. De quoi faire vivre cette langue à l’oral comme à l’écrit, et l’ancrer davantage dans la vie quotidienne.
À noter que le Département porte des actions éducatives et culturelles, et des projets de promotion et de valorisation de la langue historique du Périgord. Il a aussi décidé de prendre en charge, pour toutes celles qui le souhaitent, l’installation de panneaux indiquant leur nom en occitan aux entrées des communes.