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Parcours de femmes en ruralité heureuse

© Claude Quéruel
FEMMES ET RURALITÉ. Proposée par la ville de Montpon-Ménesterol et la déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité, Valérie de Pauw, la soirée qui s’est déroulée dans le cadre du 8 mars à la salle Le Lascaux a réuni une cinquantaine de personnes autour de témoignages de quatre parcours de femmes, illustrés par trois comédiens de la Ligue d’improvisation de la Dordogne encadrés par le directeur artistique Yann Moreau.

La maire de Montpon, Rozenn Rouiller, avec le service culturel, a voulu mettre en place avec Valérie de Pauw cette soirée où femmes et hommes étaient les bienvenus. «Ça peut paraître curieux de devoir encore mettre en avant les femmes, l’égalité homme-femme, de signaler les violences sexistes et violences conjugales, mais malheureusement ce n’est pas parce que les choses sont évidentes qu’elles sont effectives, et c’est sûrement un combat qu’il faut mener au quotidien dans la vie, parfois de famille, la vie professionnelle, la vie associative… et quelquefois dans la vie d’élue. »

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Participation à la vie sociale, politique et économique

Sonia Wolke, adjudant cheffe, commande une unité départementale de gendarmerie, la maison de protection des familles, « dans laquelle on assure essentiellement de la prévention sur l’ensemble du département ». Elle a remplacé Valérie de Pauw, excusée, pour l’animation de cette soirée qui lui tenait à cœur. Après avoir rappelé le cadre du 8 mars (lire plus bas), elle a vu l’occasion « de mettre en avant les initiatives de quatre femmes qui ont choisi de rester en milieu rural et ont fait de leur métier, de leur compétence, de leur bienveillance, une force tournée vers les femmes et l’égalité femmes hommes. »

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La ligue d’improvisation de Dordogne, « tout est dans le titre » admet Yann Moreau, a imaginé sa participation, « c’est-à-dire qu’on ne sait pas du tout ce qu’on va jouer, le personnage qu’on va interpréter ni la durée ! » Avec Emma, Isa et Peter, ils ont théâtralisé le débat et fait le lien entre chaque témoignage, joué parfois de manière décalée, pour rebondir sur ce qu’ont dit les invitées.

Quatre femmes étaient au rendez-vous pour retracer leur parcours autour d’un double propos femmes et ruralité.

Des livres pour se livrer

© Claude Queruel

Cécile Decauze est éditrice, sa société “Il était un bouquin” est implantée à Montpon. Professeure d’histoire-géographie, originaire de la proche Gironde, elle est devenue éditrice « sur une idée un peu folle dans laquelle j’ai entraîné ma sœur jumelle ». Au départ, en 2013, il était question de lecture numérique (tablette, liseuse…), plus accessible financièrement, « puis on a fait imprimer nos livres et tout notre catalogue est maintenant accessible aux deux formats ». Une cinquantaine de livres, « à retrouver notamment dans la librairie indépendante de Montpon ». Les auteurs vivent en Nouvelle-Aquitaine, « mais pas seulement… », essentiellement des femmes, « mais ça c’est un hasard, au fil des rencontres dans des salons ou par internet ».

La direction doublement féminine de l’entreprise n’est sûrement pas étrangère à cette sensibilité et aux sélections d’ouvrages. Une des collections de romans s’appelle Destins de femmes. Cécile Decauze se dit attentive à mettre en avant des personnages féminins identiques aux personnages masculins, « forts, indépendants, avec de la personnalité et qui vivent plein d’aventures ».

Un gros poisson dans une petite mare

Rozenn Rouiller, Cécile Decauze, Caroline Cerise © Claude Queruel

De cette reconversion professionnelle, elle confie aimer « les défis, les challenges et c’était mon rêve de toujours, même si l’éducation nationale m’a apporté beaucoup ». Menant deux activités en parallèle, elle a fait le choix en 2020 de se consacrer pleinement à la maison d’édition, de vivre cette aventure qui lui offre beaucoup de liberté. « J’ai la chance de pouvoir choisir avec qui je travaille et quand, avec beaucoup de sérénité et de tâches très différentes, une organisation sur mesure ». Vivre de ce métier passion « est une immense chance ». Pour elle, la ruralité est un atout qui permet « d’être un gros poisson dans une petite mare », métaphore empruntée au Big Fish de Tim Burton. Dans un monde éditorial plutôt masculin, qui dit éditeur ne signifie pas forcément grandes maisons parisiennes, « il y a beaucoup de maisons indépendantes sur tout le territoire français et notamment en Dordogne, avec une quarantaine de petites structures, pour la plupart assez fragiles ». L’installation à Montpon en 2020 a apporté une visibilité certaine, c’est un atout pour créer du lien localement. « À Bordeaux ou à Paris, je n’en aurais eu aucune ou presque, donc c’est un atout pour moi d’avoir implanté mon activité en Dordogne. »

Partie pour mieux revenir

Cécile Decauze, Caroline Cerise, Hélène Jabinet © Claude Queruel

Caroline Cerise, dirigeante de Cerise Techniques, préside le groupe femmes de la fédération française du bâtiment en Dordogne, elle s’attache aussi à sensibiliser les collégiens à la mixité des métiers. Après un parcours d’études juridiques et école de commerce, elle a travaillé à l’étranger pour voir d’autres milieux avant de revenir à Montpon. Elle s’y est posée le temps de trouver autre chose… et elle est restée. C’était en 2009, de retour d’Afrique du Sud. « On est quatre sœurs et j’ai toujours baigné dans une culture féminine, avec des parents investis dans l’entreprise familiale de chauffage électricité plomberie photovoltaïque et énergies renouvelables. » Sa sœur Maylis dirige l’entreprise avec elle, toutes deux étoffent leurs compétences dans ce milieu technique qu’elles connaissaient déjà… jusqu’à des fonctions dirigeantes puis la reprise complète de l’entreprise, en 2017, avec 40 collaborateurs aujourd’hui dans différents métiers (installation, maintenance, métiers supports commercial, comptabilité, bureau d’études).

Bousculer les préjugés sur les métiers du bâtiment

En plus de cette activité de vente, principalement auprès de particuliers, elle a fait le choix de s’intégrer dans un syndicat professionnel « pour promouvoir nos métiers, défendre nos intérêts et assurer une solidarité entre nous ». Des cheffes d’entreprise et des collaboratrices des divers métiers du bâtiment (maçonnerie, peinture..) forment un groupe qui se réunit chaque mois autour de thématiques professionnelles et, au moins une fois par an, pour un échange avec Valérie de Pauw sur les droits des femmes et l’égalité femme-homme. « De quoi dégager des pensées positives pour réussir, se recentrer et concentrer ses énergies pour se sentir mieux dans son travail et avec ses collègues. » Deux fois par an, aux collèges de Montpon et de Ribérac, Caroline Cerise intervient pour promouvoir les métiers du bâtiment en ruralité. Sur les réseaux sociaux, certaines pros cartonnent, comme Kelly dans le carrelage, et donnent l’exemple avec « des vidéos qui font leur petit effet au forum des métiers, il faudrait poursuivre dans cette dynamique au niveau des écoles et à la maison. »

La preuve par l’exemple

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La dirigeante apprécie « un cadre de vie et de travail que je ne changerais pour rien au monde ; j’ai terminé mes études en région parisienne, c’était très bien le temps que ça a duré mais je suis bien à la campagne ». Même si le recrutement n’y est pas simple dans les métiers techniques. « On ouvre les portes de nos entreprises pour casser les idées reçues, on les accueille en stage, ça leur permet d’en parler, si ce n’est pas pour eux ce sera peut-être pour un frère ou un cousin… »  Ces métiers sont accessibles aux filles, il faut que l’idée circule. « Pour moi, c’était évident, on n’a jamais eu de barrière parce qu’on y a été élevées, puis on a su développer et ce qu’on a mis en place a permis de pérenniser l’entreprise, on n’a pas rencontré trop de difficultés pour se faire reconnaître, mais on sent que ce n’est quand même pas évident de choisir ce métier-là même si tout a changé sur le terrain. » Dans le contexte environnemental actuel, ces métiers ont du sens avec des systèmes pour économiser l’énergie, « ce sont des métiers innovants, avec des technologies intéressantes ». La cheffe d’entreprise aime expliquer tout ça aux jeunes : « trouver un métier à côté de chez soi fait l’attractivité d’un territoire, il y a des entreprises qui recrutent et on gagne bien sa vie dans le bâtiment ».

Mixité, diversité

Avec 15 % de femmes dans l’entreprise, Caroline Cerise assure que « sur le terrain, sur les chantiers, au SAV où elles font du pré-diagnostic au téléphone, elles connaissent toutes les installations et peuvent guider un premier niveau de dépannage. L’une d’elles est arrivée il y a 4 ans et je pense qu’elle connaît chaque pièce, chaque commande, mieux que certains dans l’entreprise, elle adore ce qu’elle fait ».

Elle se dit inquiète du retour d’une séparation entre les garçons et les filles, « beaucoup plus que ce que j’ai pu connaître il y a il y a 25 ans et ça m’inquiète. J’ai l’impression que ça se creuse, il y a 10 ans on parlait davantage de mixité et de diversité dans les métiers pro. »

Courir de tout cœur

Cécile Decauze, Caroline Cerise, Hélène Jabinet © SBT

Hélène Jabinet est conseillère à l’agence Crédit Agricole de Montpon-Ménestérol depuis 20 ans. Elle est surtout venue parler du challenge sportif connecté qui a réuni 500 personnes du département et rapporté 6 100 euros au profit des enfants co-victimes de violences intrafamiliales. « Avec la caisse locale de Villefranche-de-Lonchat, nous organisons des actions en lien avec nos valeurs mutualistes et nos responsabilités sociétales et environnementales. Nous avons un partenariat avec l’hôpital de Vauclaire et ce projet est né après une rencontre avec Valérie de Pauw. Ma caisse locale a répondu favorablement et on a mutualisé ce projet collectif avec d’autres (Villamblard, Périgueux Périgord blanc, Ribérac, Trélissac, Vélines). 470 participants étaient répartis en 10 équipes, les nôtres réunissaient des administrateurs et des employés du Crédit Agricole, des salariés de Vauclaire, des entrepreneurs et des adhérents d’associations des secteurs respectifs, chacun ayant téléchargé une application afin de comptabiliser la marche, course ou vélo pour un classement individuel et un par équipe. » Tous ont mouillé le maillot pour défendre la cause des enfants de Dordogne victimes de violences avec un don au fonds de dotation Vallis Clara du centre hospitalier de Vauclaire : la moitié pour aménager une pièce pour les enfants co-victimes de violence dans la future maison des femmes et l’autre pour soutenir des enfants maltraités du secteur.

Des aides tous terrains

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D’autres actions sont portées au fil des années : un speed dating pour 16 jeunes venus présenter un projet personnel professionnel ou d’étude devant un jury expérimenté du territoire (5 projets retenus pour la commission jeunes de la caisse régionale) ; 1200 euros d’aide à une jeune titulaire d’un CAP pâtisserie qui ne trouvait pas de travail faute de permis de conduire ; une mallette professionnelle pour une jeune en dernière année de pédicurie podologie (700 euros) ; de quoi payer les AR quotidiens d’un jeune en études d’informatique à Bordeaux (1000 euros) ; l’achat d’outils pour un jeune apprenti chez les compagnons qui s’est fait voler son matériel (900 euros)… « Chaque année, nous organisons des actions de ce type. » Un prix régional donne une récompense supplémentaire aux trois premiers parmi la sélection de chaque département. 

• Merci à Claude Quéruel pour sa contribution photographique.

• J’étais « la 4e femme » invitée pour témoigner de mon parcours, notamment de l’origine et du développement des magazines Famosa et BIEN en Périgord, deux titres novateurs sur les thèmes choisis pour cette soirée, femmes et ruralité.

Découvrez ici ce que les comédiens de la Ligue d’impro Dordogne ont créé sur BIEN en Périgord.

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Histoire d’un jour

Sonia Wolke a resitué la date du 8 mars, « une journée internationale qui permet d’évoquer les acquis des femmes mais également de prendre la mesure des défis qui restent à relever et de rappeler que l’amélioration des droits des femmes, leur participation à la vie politique et économique, et l’égalité entre les sexes est un enjeu de société globale, qui nécessite la mobilisation et la contribution de toutes et de tous ».

Cette journée internationale des droits des femmes trouve son origine dans les manifestations de femmes du début du 20e siècle en Europe et aux États-Unis, réclamant le droit de vote et le droit au travail. Officialisée en 1977 par l’organisation des Nations Unies, cette journée célèbre les avancées des droits des femmes et mobilise l’ensemble de la population. « En France, c’est en 1982, sous l’impulsion d’Yvette Roudy, ministre délégué aux droits des femmes, que la France reconnaît le 8 mars comme journée internationale des droits des femmes. » François Mitterrand reçoit à cette occasion à l’Élysée 450 femmes représentant l’univers socioprofessionnel et les associations, et annonce des mesures qui ouvrent une politique de l’égalité entre les sexes, pour « mettre fin aux discriminations dont sont victimes les femmes ». Chacune de ces échéances annuelles permet de faire le point sur ce qui a été fait et ce qu’il reste à faire.

© Claude Quéruel

Femme gendarme ? « J’ai du tempérament, du caractère, même moi parfois je me fatigue, sourit-elle, donc je n’ai pas eu de souci particulier. Ça a longtemps été vu comme un métier d’homme… parce que de toute façon il n’y avait que des hommes ! Quand il faut parler d’agressions sexuelles, prendre en charge des femmes ou des hommes victimes de ces faits, ce n’est pas toujours facile, une femme qui subit des violences et vient déposer plainte a plus de facilité à avoir une femme en face d’elle, mais j’ai vu des hommes qui savaient très bien accompagner les victimes d’agression. On est très contents qu’il y ait une vraie mixité, l’image de la gendarmerie et de la police change, mais les premières femmes ont dû y trouver leur place. Les épouses de gendarmes voyaient parfois d’un mauvais œil leur mari sortir en patrouille de nuit avec une femme gendarme. Maintenant on est tous formés hommes et femmes pour prendre en charge les victimes de violence. »