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Octobre rose 2023, les publics isolés sous la lumière des projecteurs

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SANTÉ FEMMES. Octobre Rose arrive, comme chaque année. Il faut se battre, encore et toujours, face à ce redoutable cancer du sein. Mais comment se battre face à un ennemi parfois difficile à cerner ? Pour pallier cette difficulté, la prévention est un bon outil, car détecté rapidement, le cancer du sein peut être guéri 9 fois sur 10. Octobre Rose opère donc la piqure de rappel : promouvoir, auprès de chaque femme, grand-mère, petite-fille, mère, fille, l’importance de se faire dépister.
C’est vers une approche préventive que le système de santé actuel se dirige aujourd’hui. Passer du curatif au préventif, c’est ne plus attendre d’avoir un cancer pour agir. « Mieux vaut prévenir que guérir », prend ici tout son sens. Catherine Cros, 57 ans, nous raconte son expérience: « J’accompagnais des patientes, justement pour les journées d’Octobre rose. Il y a eu une démonstration de palpation du sein. J’ai touché le mien, j’ai senti cette boule, c’est là que j’ai compris. J’avais déjà reçu une invitation au dépistage, mais je n’y avais pas donné suite. Aujourd’hui guérie de mon cancer du sein, je n’ai qu’un message: le dépistage est essentiel… ».

C’est dans ce même élan que la prévention de masse quitte le décor, bifurquant peu à peu vers une prévention plus personnalisée. L’objectif est d’informer la population pour qu’elle puisse ensuite faire un choix, de manière éclairée. Et quelle population ? Tout le monde, les plus isolés devant monter eux aussi sur le devant de la scène.

Cette volonté s’inscrit dans un contexte particulier propre à la Nouvelle-Aquitaine: un taux de participation faible aux mouvements de dépistage. Une femme sur deux seulement choisit de se faire dépister, avec de grandes disparités au sein de la région. En comparaison avec la moyenne nationale, c’est peu…

Une expérimentation innovante en Dordogne

Pour appuyer cette campagne 2023, Delphine Camblanne, Directrice de la CPAM de la Dordogne, rappelle que la prévention est l’une des quatre missions de l’Assurance Maladie. Elle aborde le projet innovant de la région : « La CPAM qui prend déjà en charge intégralement les actes de dépistage, a fait le choix, en plus des actions de relance, de s’inscrire dans cette volonté « d’aller vers », en initiant les prises de rendez-vous grâce à une plateforme d’appel. Les femmes destinataires d’une invitation de dépistage non honorée dans les 15 mois sont contactées par téléphone. Sur 1000 patientes contactées, 280 rendez-vous ont été pris, ce qui montre bien l’efficacité de la démarche. » Ce projet novateur en la matière tend d’ailleurs à être élargi partout en France.

Le dépistage organisé, qui cible les femmes âgées entre 50 et 74 ans, public particulièrement sujet au cancer du sein, est un outil de prévention puissant. Chaque année, 2200 cancers du sein sont détectés en Nouvelle-Aquitaine grâce au dépistage organisé.

A l’Établissement Public Autonome communal (EPAC) les Deux Séquoias, le taux de participation au dépistage organisé du cancer colorectal a largement dépassé le taux de participation de la population générale. Cela donne un véritable espoir quant au dépistage du cancer du sein dans les années à venir.

Une campagne ciblée : « aller vers », les publics fragiles comme priorité 

Renouer avec les publics isolés, c’est l’axe majeur de la campagne 2023. En Dordogne, les personnes en situation de précarité participent 9 fois moins aux dépistages que la moyenne. Une stratégie « d’aller-vers », c’est-à-dire aller chercher ces personnes pour leur proposer un dépistage, apparait peu à peu.

Pour ce faire, l’Agence Régionale de Santé en partenariat avec l’Assurance Maladie oeuvre pour un accès plus direct (consultations dédiées, campagne de rappel..). Les associations sont primordiales dans cette lutte pour aller au plus près de la population. « L’action de prévention doit aussi cibler la population agricole. Il faut aller au plus près des gens qui s’excluent du système de santé« , insiste Vanessa Richier, médecin conseil MSA.

L’hôpital de Périgueux, particulièrement impliqué dans ce combat, a fait des publics isolés sa priorité, en puisant sa force dans les différents partenariats (CRCDC, CPAM, etc), mais aussi dans les actions de terrains (intervention dans les quartiers prioritaires, ateliers sur la palpation et la surveillance des seins, participation aux foulées roses..).

Mais il n’y a pas que les personnes isolées par le fait d’habiter à la campagne qui sont incitées à participer ; un énorme travail de prévention reste à faire concernant les personnes porteuses d’un handicap, bien trop souvent exclues des actes de prévention.

La prise en compte particulière des personnes en situation de handicap

Le combat continue, et maintenant, c’est l’adaptation des locaux aux personnes en situation de handicap qui est à l’ordre du jour (mammographie spécialisée, etc). Avec un taux de participation au dépistage divisé par deux, ces personnes sont la priorité de cette campagne.

Bruno Vandevoorde, cadre coordonnateur du CRCDC, évoque justement cette volonté au travers du projet phare de cette campagne: « handicap tous dépistés ». Ce programme, qui a déjà vu le jour dans les Landes, a permis de multiplier le nombre de dépistage par deux..!

Pour Aude Magontier, radiologue au CHU de Périgueux, « le handicap (qui peut être aussi bien sensoriel que moteur) est une priorité. Il faut sensibiliser les infirmiers, psycho motriciennes et autres professionnels du soin à la palpation du sein car ils sont en contact direct avec ces personnes. »

Former les soignants du secteur privé est essentiel, car ce sont eux le plus souvent qui se déplacent sur les lieux d’habitation et nouent une relation particulière avec les patients.

La crainte de la première consultation

En tant que radiologue, la professionnelle réalise la plupart du temps des mammographies en binôme. Elle insiste sur l’importance du premier rendez-vous.

« Il faut mettre le paquet sur cette première rencontre car si ça ne se passe pas bien la première fois, la personne ne reviendra pas. C’est bien d’inciter les gens à aller se faire dépister, mais il faut que le dépistage en lui-même se passe bien, les gens doivent y adhérer, comprendre que ça ne fait pas mal, qu’ils soient rassurés ».

C’est aussi comme cela que le message peut se transmettre au plus grand nombre, par le bouche-à-oreille, via l’expérience positive de tout un chacun.

L’appréhension de la mammographie, c’est un élément qu’on retrouve souvent chez les femmes, mais pour celles ayant en plus un handicap, le stress dû au déroulé physique de la consultation se superpose à l’appréhension initiale. Arriver à lever les bras, se déshabiller, rester debout… « Le coté psychologique est un aspect crucial à garder en tête, pour que les gens adhèrent au dépistage », conclut Aude.

La nécessité d’infrastructures adaptées

Cela demande donc aux services d’imagerie d’être particulièrement attentifs aux contraintes de ces patientes. Des adaptations peuvent être apportées pour réduire l’inconfort (compressions douces, fauteuil spécifique, etc). Prendre le temps de réaliser l’examen, c’est quelque chose d’essentiel pour ces personnes. C’est dans ce contexte que le service de radiologie du Centre Hospitalier de Périgueux a décidé d’adapter sa pratique.

« Il y a des choses auxquelles on ne pense pas mais qui sont essentielles quand il s’agit de personnes en situation de handicap: demander la présence d’un accompagnant, par exemple », souligne Aude Magontier.

Les notions de confiance et d’humanité sont donc primordiales pour pallier la crainte de la consultation. Mais il y a aussi la problématique du manque de temps et de motivation à se faire dépister, pour les jeunes générations qui se sentent peu concernées. Arriver à leur faire comprendre les enjeux du dépistage, c’est aussi un défi qu’il faudra prendre en compte dans les campagnes à venir.