Son approche, entre stand-up plein d’esprit et conseils avisés, se nourrit d’une expérience réussie en matière de changement. En s’interrogeant sur ce qui s’est imposé comme un phénomène de société à partir de juillet 2020 aux États-Unis (où le contexte social est bien différent du nôtre) et chez nous après la crise sanitaire, la coach tonique en “Hey ! Volution”, Sandra Dartevel, s’adresse aussi bien aux chefs d’entreprises qu’aux personnes en évolution dans leur vie professionnelle.
Celle qui fut cadre dans une grande entreprise du BTP, reconvertie dans le management des conflits, neurosciences et communication en entreprise, aide à percevoir les nuances du monde de l’entreprise et les nouvelles opportunités en matière d’emploi. « Plus que de grande démission, je parlerais plutôt de grande réflexion : dans notre culture, on ne claque pas tout du jour au lendemain. On observe ce qui se passe ailleurs, puis c’est la grande discussion avant de décider de partir… ou pas. Ici, on ne lâche pas une liane sans en avoir saisi une autre. »
Équilibre entre vie pro et perso
La France compte parmi les pays fortement touchés par la crise Covid, avec des effets collatéraux : + de 60 % d’agressions sexuelles, sexistes et violences conjugales lors du premier confinement, un doublement du nombre de burn-out et 1,5 fois plus pour les managers. « Après avoir souffert du manque de liens sociaux pendant la crise Covid, on est maintenant en manque d’espace personnel. » La première demande formulée à un recruteur, c’est l’aménagement d’heures en télétravail. « Il importe que le dirigeant soit à l’écoute : inutile de proposer une augmentation à celui qui cherche plus de flexibilité. » Travailler avec la génération Z (1997-2010) se double en prime d’une certaine complexité : à recruter, à manager, à garder dans l’emploi. Beaucoup de flexibilité et d’aménagements en vue. Ils veulent discuter éthique et stratégie avec le dirigeant. « Ces générations attendent qu’on leur fasse vivre une expérience collaborateur… à voir avec eux ce que ça veut dire ! », sourit Sandra Dartevel.
Quête de sens ?
Comment les salariés ont-ils repensé leurs attentes professionnelles ? 28 % aspirent à plus de flexibilité (télétravail, heures modulables), 12 % espèrent une promotion, 11 % une meilleure rémunération… 10 % ont pensé à un changement de carrière et 8 % à un travail plus stimulant. Quant à la fameuse « quête de sens » post-Covid, la coach s’interroge : « Que fait le salarié pour cela, est-il proactif ou réactif ? A-t-il déjà formulé ses besoins et ses attentes ? A-t-il besoin de reconnaissance ou de challenges ? » Sandra Dartevel s’appuie sur sa propre expérience pour orienter cette quête ailleurs, sur le temps personnel, si on n’y accède pas dans son travail, afin de trouver un équilibre.
Silencieux quiet quitting
Les principaux éléments qui motivent une évolution professionnelle demeurent « dans l’ordre, un meilleur salaire (93 %), de nouvelles missions (76 %), une charge de travail plus raisonnable (75 %), la possibilité de télétravail (41 %) ». Sur cette base, un salarié sur deux a connu une évolution professionnelle au cours des trois dernières années.
Sur 43 % de salariés qui pensent à quitter leur employeur, 22 % n’iront pas plus loin mais ce profil est à suivre de près, car terreau favorable à une deuxième lame, silencieuse, « celle du quiet quitting avec des salariés qui attendent de trouver mieux en s’en tenant à leur fiche de poste. »
Pyramide classique
La pyramide de Maslow des besoins et de la motivation est une grille de lecture en entreprise, avec un socle essentiel physiologique (manger, dormir…), un étage de sécurité (physique, morale, revenus, logement, santé), un autre d’appartenance (amitié, famille, couple, collègues…), puis vient l’estime de soi (confiance, indépendance, responsabilités) et enfin l’accomplissement personnel. « Plus on va s’élever dans la pyramide, plus on va entrer dans l’intrapersonnel et s’élever en soi, avec un intérêt grandissant sur ce qui nous dépasse. » Autrement dit, la pyramide commence par un salaire à la base, puis la sécurité et les conditions de travail, puis l’appartenance pour une intelligence collective et enfin, une reconnaissance et une utilité, une montée en compétences.
Nouveaux modèles
Sandra Dartevel souligne l’urgence d’inventer de nouveaux modèles hybrides pour remplacer les schémas linéaires qui ne collent plus à notre réalité, avec des fonctions et des objectifs repensés, et plus d’aspects collaboratifs. « Il faut aussi repenser les attentes de la part du recruteur, la barre est souvent haut placée pour un poste qui ne l’exige pas forcément. » La crise sanitaire a été salutaire car elle a poussé à s’interroger sur la raison d’être d’une entreprise, sur ses valeurs, afin de fédérer les équipes. En prenant en compte les couleurs de personnalité : « ceux qui ont besoin d’imaginer et ceux qui marchent aux tableurs » fonctionnent sur des canaux de communication différents.
Changements et habitudes
« La redistribution de l’offre et de la demande sur le marché de l’emploi favorise le mouvement, avec des opportunités jamais envisagées… avant un retour à un niveau de sécurité. » Quand on a envie de changement, les biais cognitifs n’éclairent que les bons côtés, « mais le cerveau aime bien les habitudes. » Et le changement, stimulant au début, comporte des risques.
Sandra Dartevel conseille aux salariés, avant de partir (ou de rester) de faire le point en utilisant à l’envers la fameuse balance de risques avantages-inconvénients. Dans la recherche de ces arguments inversés, il faut trouver 30 raisons relevant des inconvénients à prendre le nouveau poste convoité et 30 raisons relevant des avantages à rester dans son poste actuel… Cet exercice permet d’exprimer ce que cache l’inconscient et de libérer des choses enfouies, pour se pousser dans ses propres retranchements. « Tant que le cerveau n’a pas trouvé de réponse, il continue à chercher. » Au bout de la liste, « quand on part, on le fait en conscience et en confiance ». Et on peut appliquer cet anti coup de tête à tous les étages de sa vie, pour toutes les décisions importantes.
Au fameux « Si ça ne te va pas, il y a dix qui attendent ton poste » succède le « y’a dix entreprises qui m’attendent »… La balle est désormais plus souvent dans le camp du salarié.
Conseil en évolution
Ni agence de statistique ni bureau de recrutement, Sandra Dartevel accompagne des dirigeants et collaborateurs sur le thème du management des conflits en entreprises, « je viens dégripper la machine et ça me donne l’occasion d’échanger, y compris sur ce qu’on n’ose pas dire ». La coach tonique en Hey ! Volution s’attache lors de ses prestations, entre stand-up plein d’esprit et conseils avisés, à faire remonter du vécu et la réalité du terrain en s’appuyant sur sa propre expérience réussie en matière de changement.
Cas d’école
S’appuyant sur une étude de cas, avec une assistante indispensable et un patron paternaliste, elle observe comment est vécu une fusion à l’aune des 20 ans de présence de l’une, avec arrivée massive de jeunes, et un dirigeant de moins en moins à l’écoute… Sollicitée par un appel l’interrogeant sur son attention à de nouvelles opportunités, entre-t-elle dans le schéma de la grande démission ? Et que fera-t-elle ? « Après avoir fait le maximum de bon cœur, avec une reconnaissance directe, elle s’est repliée sur ses fonctions, ni plus ni moins. » Et l’explication avec son boss vrille sur l’essentiel : elle dit ne pas reconnaître son entreprise, ne plus réussir à le voir comme avant, et il lui propose une augmentation en guise de réponse. « Elle avait besoin de reconnaissance, il a tapé à côté. » Sa réponse à elle, ce sera l’annonce de son départ lors de la fête organisée par l’entreprise pour ses 20 ans de boîte : elle a bien donné suite à l’appel reçu.