Comme l’explique Ariane, « le refuge s’est créé tout seul ». On lui a amené un bouc perdu sur la route, puis une ânesse, des chevaux, et tout s’est enchaîné.
Progressivement, le bouche-à-oreille humain autant qu’animal a fait le reste. Elle s’est retrouvée à accueillir une cinquantaine d’animaux dont elle s’occupait seule. La création de l’association Mudita Sanctuary1, lui a permis de structurer son refuge, en le rendant éligible à des aides, et en recourant à des bénévoles, pour nourrir et prendre soin de la centaine de résidents que compte désormais le refuge, et qui vivent libres en pleine nature.
Des amis plus que des résidents
Des anecdotes avec ses compagnons, Ariane en a des dizaines. Chronos et Hermès, ses deux majestueux taureaux Holstein qu’elle sauve la veille de leur départ pour l’Espagne, ont à peine un mois quand elle les recueille.
Une vache vivant au refuge, qui n’avait pourtant jamais eu de veau les a éduqués. « Quand elle est morte à l’âge de 20 ans, se souvient Ariane, ils l’ont veillée jusqu’à l’arrivée de l’équarisseur cinq jours plus tard. Les gens ne savent pas qu’il peut y avoir des amitiés comme celle-là ».
Ariane veut avant tout offrir à ses pensionnaires une paisible retraite, en liberté, jusqu’à la fin de leurs jours. Elle évoque ce cheval borgne venu tout seul du centre équestre voisin devant le portail du refuge. « Ils sont venus le chercher, mais quatre jours après il était là à nouveau. Ils l’ont laissé ici. Après tout il a choisi d’être là ».
7j/7 365 jours par an
Les dernières vacances d’Ariane, c’était un séjour de quatre jours il y a six ans. De 7 heures le matin jusqu’à 9h30 Ariane et Alice, son bras droit, accompagnées d’un bénévole, nourrissent les pensionnaires avant de prendre leur petit-déjeuner. Elles enchaînent ensuite le nettoyage des abris et des enclos et d’autres nourrissages dans la journée pour les plus âgés. Un emploi du temps qui ne souffre d’aucune absence et requiert régularité et assiduité. Arrivée pour un mois de bénévolat il y a trois ans, Alice a prolongé de 11 mois, puis après un retour provisoire en famille, elle est revenue pour ne plus jamais repartir, toujours aussi émerveillée par l’affection que leur portent les animaux et leurs interactions entre eux.
Écouter et voir le témoignage d’Alice
Considérer les animaux de rente autrement
Sollicitée chaque jour, Ariane ne peut malheureusement pas accepter tous les animaux. Le jour de notre rencontre, elle a refusé un don de 50 chats appartenant à une dame atteinte du syndrome de Noé2, ou celui du propriétaire d’un cochon à Nice. Des appels de toute la France car le sanctuaire fait partie d’un réseau de refuges antispéciste pour animaux de rente.
« Au départ, précise Ariane, je ne connaissais pas ces animaux. Je me suis aperçue qu’ils avaient des émotions, des sentiments et liaient des amitiés, tout comme les chiens et les chats. Il ne faudrait pas les voir juste comme des morceaux de viande, ajoute-t-elle. Ils méritent le respect autant que les animaux que l’on considère comme domestiques. Je pense que beaucoup de gens ont l’empathie nécessaire, mais tout est fait pour qu’ils ne fassent pas le lien entre cet animal qui a envie d’être caressé, et la côtelette qu’ils ont dans leur assiette ».
Ariane a fait le choix de considérer ses animaux individuellement, avec respect et affection, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils le lui rendent au centuple, ni plus ni moins que la trentaine de chats ou les chiens du refuge.
1 Mudita est une joie pure, non corrompue par l’intérêt personnel. C’est la joie que l’on ressent en voyant les autres s’épanouir.
2 Syndrome de Noé : Fait d’accumuler chez soi des animaux que l’on ne peut héberger, soigner et nourrir correctement.