Dans le cadre du partenariat qui nous unit à l’Édition Périgord pour des échanges de contenus, nous vous proposons la synthèse d’un article publié dans le n°19 (été 2023) de ce beau magazine consacré au patrimoine local et nous vous invitons à découvrir le numéro 22 actuellement en kiosque, avec Bourdeilles en couverture.
L’invention du papier avait déjà changé le monde, avant celle de l’imprimerie qui permit de propager le savoir plus démocratiquement. Et même si, aujourd’hui, la révolution du numérique a quelque peu déboulonné les éditions imprimées de nos livres, le papier n’en demeure pas moins le premier support des apprentissages et de l’expression créative.
Une visite pour les petits et les grands
Après avoir fabriqué du papier durant de nombreux siècles, le moulin de la Rouzique est devenu un économusée : le parcours est pensé pour tous, petit ou grand. En sortant de la Rouzique, l’histoire du lieu et les étapes de la fabrication du papier n’ont plus aucun secret pour nous.
Situé entre Bergerac et Lalinde, le moulin est alimenté en énergie motrice par la Couze, cours d’eau limpide, au débit très régulier. Selon les archives, le moulin a fonctionné depuis 1530 et jusqu’en 1983.
Rien n’aurait pu se faire sans le travail préalable des chiffonniers, qui fournissaient le moulin en vieux tissus, récupérés le plus souvent dans des hospices. Les femmes étaient chargées de trier ces étoffes, parfois souillées et malodorantes. Ici le papier était confectionné à partir de fibres de lin, de coton ou encore de chanvre et non de pâte de bois.
Des pétassous sous les marteaux
Dans la grande salle où s’amoncelaient des montagnes de vieux tissus, on nettoyait et lissait ces chiffons avant un découpage pour trancher inlassablement le tissu et le réduire en lambeaux de quelques centimètres de longueur, des pétassous dit-on en occitan.
On imagine le labeur fastidieux pour celles et ceux qui travaillaient là à l’époque, assis sur d’étroits bancs de bois, munis de dérompoirs tranchants. Les morceaux de tissu obtenus étaient ensuite placés dans des pourrissoirs, vastes bacs en pierre où le tissu macérait avec de l’eau plusieurs jours.
La pile à maillets, machine chargée d’extraire les fibres des tissus par une action d’écrasements répétés, dans un vacarme assourdissant, déchiquetait les pétassous pour en extraire les fibres, sans les casser, et obtenir la base pour fabriquer le papier : une pâte stockée dans des cuves.
La suite des opérations consistait à produire à la main des feuilles de papier au moyen de cadres appelés formes (rectangulaires, circulaires, carrées ou spécialement conçues pour une enveloppe), des tamis en cuivre, bronze ou laiton, sur un cadre en bois.
Grammage sur commande
Les formes étaient trempées dans des cuves de pâte par les ouvreurs pour y récupérer les fines particules, opération répétée en fonction du grammage souhaité (épaisseur finale du papier). Couchée puis essorée, chaque feuille est séchée et placée entre des carrés de feutres sur plusieurs couches. Enfin, une fois pressées, les feuilles étaient disposées sur des étendoirs pour que l’eau s’évapore. Le séchoir, traversé par une multitude de cordages qui recevaient des feuilles, fonctionnait avec des volets qu’on ouvrait et fermait pour contrôler les courants d’air et la luminosité.
Inventée fin XVIIe, la pile hollandaise n’a fait son apparition à Rouzique qu’au XIXe, réduisant les opérations de la pile à maillets grâce à la rotation d’un cylindre hérissé de lames coupantes. Toujours au XIXe siècle, les différents papetiers de la Rouzique se regroupent pour installer des rails sur lesquels des wagonnets transportent le papier jusqu’aux gabares, transport fluvial entre les régions amont et aval… disparu avec l’arrivée du chemin de fer.
Ce moulin a fonctionné jusqu’en 1983, avec des machines plus récentes mais toujours grâce à la force de la Couze. La production était devenue semi-industrielle, pour fabriquer du papier filtre. Aujourd’hui, l’économusée produit encore de petites quantités de papier, avec des méthodes plus modernes.
Frédéric LEMONT – L’Édition Périgord
Ateliers et événements
La vocation du moulin est toujours vouée au papier. L’économusée animé par l’association Au fil du temps s’attache à faire découvrir les gestes liés à sa fabrication artisanale grâce à des visites, des démonstrations et des ateliers créatifs et interactifs. Lors des journées événementielles, La Rouzique organise des rencontres avec des associations, des artisans et des passionnés qui travaillent autour de projets liés au papier.
Bien plus qu’un simple musée, c’est un lieu vivant, ouvert aux créations actuelles sous toutes ces formes. Certains outils fonctionnels du moulin peuvent d’ailleurs être mis à disposition pour accompagner des créateurs qui souhaitent partager leurs savoir-faire avec le public.
Un lieu d’ouverture. Tous les ans, en plus des Journées européennes des moulins et du patrimoine meulier, en mai, le moulin ouvre grand ses portes, gratuitement, lors des Journées européennes du Patrimoine.
Un passage dans l’espace boutique comblera les amoureux du papier : tout une gamme de papiers du monde (lokta, washi…) côtoie des papiers locaux pour s’adonner à l’origami, à la calligraphie ou à l’art de la reliure. Des objets de papeterie ainsi que des livres consacrés aux loisirs créatifs et au papier sont disponibles à la vente. De quoi (re)donner envie d’utiliser ce matériau aux rendus et aux textures infinies que le numérique ne pourra jamais égaler.