Deuxième d’une famille de six enfants, elle voyage très tôt avec ses parents et après avoir vécu quatre ans en Angleterre, réside en Belgique où elle est scolarisée dans une école internationale américaine. Une expérience enrichissante pour ses projets futurs. Sa famille s’installe l’année de ses dix ans en Haute-Savoie.
Je suis une DYS
Cette affirmation résonne comme un défi, relevé et assumé, une blessure enfouie dont elle a fait une force. Après avoir vécu jusque là avec l’anglais comme langue maternelle, l’arrivée en CM2 est compliquée. Ludivine n’a de la langue française apprise à la maison qu’une connaissance orale. Diagnostiquée dyslexique, dysorthographique et dyscalculique, la prédiction fantaisiste d’une professeure à l’entrée en sixième « tu n’auras pas ton bac », la catégorise et l’enferme dans la famille des DYS.
Loin de la décourager, ce verdict a plutôt l’effet d’un coup de cravache sur la croupe d’un cheval fougueux. Le soutien indéfectible de son père et sa mère agissant comme un baume apaisant : « Mes parents ont toujours cru en moi et m’ont soutenue. Rien n’est impossible avec le cœur et la motivation. On peut y arriver ».
Partir pour se donner les moyens
Le handicap dont souffre Ludivine lui demande d’autant plus d’efforts et de travail acharné dans la filière économique et social qu’elle a choisie. Connaissant ses difficultés en maths et en français, la jeune femme veut compenser par les langues vivantes. À la fin de la première, épuisée, elle programme une année de césure avec l’appui de ses parents, afin de retrouver un niveau parfait d’anglais et améliorer l’allemand. Elle part six mois en Afrique du Sud suivis de six mois en Allemagne.
Un professeur tente de l’en dissuader au prétexte qu’elle va trouver un petit ami et ne reviendra pas. « Une réflexion discriminante qu’elle n’aurait pas fait à un garçon et qui m’a marquée » confesse Ludivine qui préfère se souvenir du bouleversement qu’elle éprouve lors de son séjour en Afrique du Sud dans une famille d’accueil. Une expérience inoubliable rendue possible grâce à son « cercle de soutien » : parents d’accueil et locaux. Une ouverture au monde et à une autre culture. Les résultats de l’année de terminale à son retour d’Allemagne sont éloquents : 14 de moyenne générale et l’obtention du Bac. Une belle victoire face aux pronostics hasardeux et un juste retour des choses…
La passion du voyage
S’ensuivent trois ans de Bachelor et deux ans d’école de commerce. Son appétit pour les voyages s’aiguise. Après une mission humanitaire au Cambodge, un séjour en Asie avec une copine, un détour par l’Allemagne, elle entreprend de parcourir seule l’Amérique latine et enchaîne la traversée du Brésil, de la Bolivie, du Pérou, de l’Équateur et de la Colombie. Un périple incroyable qui laissera en elle son empreinte profonde.
Une agression sexuelle dans un hôtel en Équateur remet en question la poursuite de son voyage. « Le plus dur n’était pas tant l’agression que la solitude que j’ai ressentie. Je venais d’arriver à Cuenca où je ne connaissais personne ; mes parents étaient impuissants à l’autre bout du monde ». Les valeurs familiales qui la portent ont raison de ses doutes. Elle dépose plainte et décide, en se recentrant sur elle, de reprendre son expédition. Si le passage de la frontière en Colombie referme la porte de cet épisode, elle y puise une force nouvelle.
Prendre la voie de l’entrepreneuriat
À son retour, alors qu’elle est en Master, elle a l’opportunité de pitcher sur un projet d’entreprise associé à une passion et à la volonté de répondre à une problématique. Au vu de son expérience, elle travaille alors à une application de sécurité pour les voyageuses. L’arrivée du Covid et du grand vide qui le suit, l’amène à nourrir sa réflexion et à s’interroger. « Je me suis alors questionnée sur ce qui m’animait et m’avait marquée particulièrement. C’est la solitude que j’ai ressentie dans un nouvel environnement où je ne connaissais personne ». Dès lors, tout est clair. Elle nourrit son projet en choisissant de venir en aide aux étudiants internationaux, et candidate au French Tech Tremplin dont elle sort lauréate. Elle crée officiellement Dare&Go en août 2022. Depuis, cinquante étudiants ont été accompagnés dans leurs démarches administratives et sociales.
La présence physique dans l’accompagnement
Ludivine est heureuse et a conscience de la chance qu’elle a de travailler à une passion qui la galvanise. Grâce à son expérience dans les différents pays qu’elle a traversés, à son vécu enrichi d’épreuves et de victoires sur elle-même, à sa sensibilité, la jeune entrepreneure a confiance en elle et en son projet. Convaincue de la complémentarité des services qu’elle propose avec d’autres organismes ou associations, Ludivine croit tout particulièrement en la plus-value d’un accompagnement physique et entend bien convaincre les universités, les écoles privées et d’autres partenaires institutionnels potentiels. Le partenariat mis en place avec l’ESN Bordeaux, une association accueillant et favorisant l’intégration des étudiants internationaux dans une approche sociale et culturelle, complète l’accompagnement administratif de Dare&Go.
« Véritable boîte à outils offrant des clés de vie et de survie », la startup pourra s’appuyer par la suite sur des professionnels assistants sociaux ou des personnes expérimentées avec de vrais parcours de vie.
French Tech Tremplin, un vrai coup de boost
Lauréate du concours French Tech tremplin, Ludivine Bourgeois a suivi les deux phases de prépa et d’incubation. Une expérience stimulante qu’elle n’est pas près d’oublier.
Cet accompagnement est arrivé à point nommé : « J’étais seule à Bordeaux, avec mon projet, sans interaction, Covid oblige, et ça m’a sortie de la solitude » confesse Ludivine. L’occasion pour elle de partager ses doutes, ses victoires avec d’autres entrepreneurs et de goûter aux bienfaits de l’intelligence collective, de la cohésion d’équipe et de l’entraide. Un peu comme une famille d’adoption ; « Des personnes de tous horizons, de toutes générations, qui vont faire partie de ma vie encore longtemps j’espère ».
Un soutien dans les phases de questionnements et un accélérateur aussi ; « c’est un luxe d’être entrepreneur, reconnait Ludivine, l’entrepreneuriat est un milieu fermé, fait de contacts, de réseaux. Si on n’arrive pas à y rentrer, le chemin est plus compliqué et plus long. La French tech Tremplin m’a permis d’ouvrir ses portes ».
Aujourd’hui plus encore qu’hier, la jeune cheffe d’entreprise apprécie la chance qu’elle a d’avoir bénéficié de ces programmes animés par la French Tech. Favorisant la diversité, ils donnent l’opportunité à tous ceux qui ont un projet de création d’entreprise, de le développer. Ludivine en est un exemple révélateur : bénéficiaire du RSA, avec un CV intérimaire aussi éclectique que courageux, elle est désormais prête et expérimentée pour affronter les montagnes russes de la vie d’une entreprise.
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