À l’origine, L’Escale & Co était un lieu de coworking, c’est-à-dire un endroit où l’on partage un espace de travail, ainsi qu’une partie de son quotidien : sa cuisine, ses expériences, ses conseils et ses savoir-faire. Il s’est finalement structuré en association, pour devenir un tiers-lieu.
Et c’est quoi, la définition d’un tiers-lieu ?
« C’est très compliqué à définir, il y a plein de définitions, explique Laurine Chaton, salariée à L’Escale & Co. Une définition au pied de la lettre serait de dire que c’est un troisième lieu, c’est-à-dire un lieu entre le lieu d’habitation et le lieu de travail, qui permet de vivre d’autres expériences ».
C’est aussi un endroit où l’on crée de l’échange entre les citoyens, peu importe l’âge, et où tout le monde peut apporter sa touche. Ce qui permet de diversifier les projets, trouver une certaine complémentarité. Ça redynamise un espace aussi, avec des activités, tout en créant des opportunités de rencontres, qui-plus-est, dans le centre-ville de Périgueux, ce qui facilite son accessibilité.
« Pour les permanences numériques par exemple, les mamies peuvent venir à pied comme on est situés dans l’hypercentre, elles n’ont pas besoin d’être véhiculées », ajoute Laurine.
Lors de sa création en 2015, « L’Escale numérique » (c’était le nom de base) était donc un espace de coworking. Un panel d’activités et de compétences très diversifiées ont peu à peu vu le jour, ce qui a permis de récemment changer le nom du lieu, qui est devenu « L’Escale & Co ». Le fondateur du lieu, Pascal Menut, a essayé de transmettre sa passion pour les questions de transitions (environnementales, sociales …), dont la transition numérique fait partie (processus d’intégration des technologies dans le fonctionnement de la société), transition qui peut être difficilement vécue par certaines générations qui ont grandi loin des écrans.
Les salariés numériques, une nouveauté du lieu
Laurine Chaton est salariée à l’Escale & Co. Elle arrive tout juste en Dordogne après avoir travaillé pendant cinq ans dans la communication à Paris. Son rôle était d’accompagner des associations, à l’échelle nationale. Éloignée de la réalité du terrain, Laurine a décidé de quitter la ville pour trouver quelque chose qui correspond davantage à ses valeurs actuelles, c’est-à-dire un travail qui lui procure peut-être moins d’argent, mais dont elle observe les bienfaits dans son quotidien. Être témoin des répercussions directes de ses actions, recevoir les retours positifs des gens qui viennent à l’Escale, sont autant de petits plaisirs qui donnent un sens à sa vie. Elle peut ainsi voir s’incarner dans la matière les décisions prises avec les autres membres, en constater les bénéfices, et ainsi se sentir utile.
Son désir de quitter Paris a également été porté par son envie de découvrir ce qu’est la vie d’un tiers-lieu, mais aussi comprendre son fonctionnement, et participer à la vie d’un collectif. C’est quelque chose qui l’a toujours attirée, cette liberté de se dire : « tout est possible, on peut créer ensemble, dans un potentiel infini ».
Avant d’arriver ici, Laurine avait déjà eu quelques expériences dans des tiers-lieu, « à Darwin, ou encore à la cité fertile à Paris », se rappelle-t-elle, mais en tant que visiteuse. L’ambiance qui se dégageait de ces endroits lui plaisait beaucoup, car ce sont des points de ralliement où toute sorte de publics se retrouvent.
« Ca permet de lutter contre l’isolement, avec pleins d’activités, souvent gratuites ».
L’état d’esprit lui a tout de suite parlé, car il y a un vrai investissement de la part de tout le monde, avec des bénévoles très polyvalents (permanence numérique, gérer le bar, tenir un stand..). « C’est une micro société au service des autres .»
Bien plus qu’un espace de coworking classique
L’Escale & Co, ce sont trois piliers : les ateliers, la permanence numérique, et l’espace de coworking.
Les ateliers sont proposés à prix libre, et la majorité sont gratuits. « On a à cœur d’être ouvert à tout type de public et à tout type de revenus », explique-t-elle. Il y a différentes thématiques : écologie, bien être, culture… on retrouve par exemple un atelier concernant la découverte des plantes médicinales, la gestion d’un compost, ou encore un Noël zéro déchet. Dans les activités proposées, il y a aussi des cours donnés par des bénévoles : numérique, méditation, cohérence cardiaque, yoga, anglais, transition écologique (par exemple, fabriquer des éponges avec des vieilles chaussettes, troc de graines et de semences appelé « grainothèque », sensibilisation à l’importance des plantes).
« La programmation change tout le temps car des gens arrivent avec des idées. Les citoyens sont acteurs, ça marche sur la motivation des gens ».
Des partenariats avec d’autres structures engagées ont d’ailleurs vu le jour. « Lors des repair café, on fait appel à d’autres bénévoles de Repaircafé24, explique Laurine. Ils ont un niveau d’expertise assez élevé, par exemple sur les appareils micro électroménagers. Un repair café, c’est un lieu où l’on vient pour réparer ses objets plutôt que de les jeter, leur donner une seconde vie. Il y a deux options : les réparer, ou les transformer. Les gens peuvent venir et le faire eux-mêmes. Ils auront à disposition des bénévoles pour leur apprendre. Ils peuvent aussi laisser leurs objets défectueux, et l’association les récupèrera. L’idée est d’éviter le gaspillage, ne pas mettre à la poubelle des choses qui pourraient encore fonctionner ».
Il y a aussi un Fab Lab qui met à disposition différentes machines (imprimante 3D, ou encore graveuse sur bois). « Ça donne la possibilité à toute personne qui veut créer de s’initier à ces techniques et de pouvoir en bénéficier », précise Laurine. L’association espère d’ailleurs bientôt déménager et pouvoir bénéficier d’un nouveau local plus grand pour développer cette partie. En effet, tout est prêt pour commencer mais cela reste difficile à mettre en pratique pour l’instant, dû au manque d’espace.
Le deuxième volet du lieu, c’est l’espace de coworking, avec des coworkers permanents, et d’autres nomades. Wifi, café, thé, gâteaux à volonté, accès à la cuisine avec un frigo pour faire ses petits plats. Salle de bureau pour travailler, salon, livres en libre accès (questions environnementales, transitions, féminisme)… Il y a de quoi faire.
« Historiquement c’était un espace de coworking, mais maintenant, on essaye de mettre en avant la partie tiers-lieu, c’est-à-dire les ateliers à prix libre ou gratuit. »
L’inclusion numérique
Le dernier pilier de l’Escale, c’est la permanence numérique, une expertise ciblée qui fait la particularité de ce tiers-lieu, expertise d’ailleurs historique à l’Escale. Avec sa collègue Anaïs, elles sont toutes les deux conseillères numériques, ce qui leur permet d’avoir un emploi stable au sein de l’association. Financée par la France et l’Europe à travers France Service, cette formation leur permet d’accompagner les personnes qui se sentent exclues face au numérique. Elles agissent en soutien de beaucoup de personnes âgées, mais aussi des gens éloignés de la sphère technologique, pour leur apprendre à se débrouiller seuls. Les thématiques sont diverses : comment se servir de WhatsApp pour communiquer avec sa famille, comment gérer l’espace de stockage, ou encore apprendre à envoyer des mails. Il y a aussi des sujets plus techniques que certains bénévoles aux compétences accrues viennent traiter : comment installer Linux gratuitement, installer un VPN, etc.
Une gouvernance partagée
« On fonctionne en cercle, avec des référents dans chaque cercle »
Ce mode de gouvernance partagée adopté par les membres de l’association, permet une prise de décision en commun. Le collège est composé d’une dizaine de personnes : des bénévoles et des coworkers, qui couvrent les différentes activités du tiers-lieu. « Ça donne l’opportunité à des personnes extérieures de proposer des idées, ce qui est toujours très enrichissant », ajoute Laurine.
Dans la vie, pour concilier les envies de tout le monde, ce n’est pas toujours évident. C’est pour ça que l’association a décidé de mettre en place un collège solidaire. Une des coworkeuses ayant déjà fait l’expérience en éco lieu de problématiques liées à la gouvernance explique que la gouvernance partagée permet d’éviter les débordements, et de pouvoir aborder tous les sujets en se recentrant toujours sur l’objectif commun.
« C’est important qu’il y ait une bonne entente entre les membres de l’asso, parce qu’on passe beaucoup de temps ensemble et qu’on doit prendre des décisions en commun. En l’occurrence, c’est une bande de copains donc ils s’entendent très bien, ce qui rend d’autant plus facile les prises de décisions », souligne Laurine.
Des projets en cours
Après s’être fait connaitre il y a un an grâce à un salon du bien-être, l’association a pris involontairement l’apparence d’un espace de bien-être : yoga, méditation… Mais L »Escale & Co, ce n’est pas que ça. Les membres de l’association, très sensibles aux questions des transitions, ont donc décidé de remettre à l’ordre du jour d’autres types d’ateliers, qui démarreront dès le mois de décembre.
Un autre projet actuellement sur la table, c’est l’envie d’ouvrir aux jeunes et aux gens de tous horizons. La volonté d’ouvrir au grand public, au-delà des gens déjà convaincus par les questions des transitions, est un vrai challenge. « On veut que les personnes s’interrogent sur « comment consommer autrement demain. Ils piocheront ensuite ce qu’ils veulent dans les activités proposées, mais au moins leur donner envie de s’intéresser à ces thématiques, c’est un premier pas. »
Ils ont d’ailleurs déjà commencé à faire une programmation adaptée aux jeunes, avec un atelier bombe à graines. « Il y a des sujets qui doivent être abordés dès le plus jeune âge, et ça peut être par le jeu, par des choses très ludiques. » L’idée, ce n’est pas d’être moralisateur, au contraire, c’est d’aborder des sujets actuels importants, en donnant envie aux gens de s’y intéresser. C’est ça, la philosophie de L’Escale & Co.
Des envies futures pour propulser le lieu : l’Escale & Co cherche un nouveau local
«Il y a un manque de visibilité du tiers-lieu. On aimerait se faire connaitre davantage. Le local en lui-même n’est pas visible depuis la rue puisqu’il se site au deuxième étage d’un immeuble. ». L’autre limite concerne le FabLab qui est prêt à être utilisé mais trop petit. L’association a donc décidé d’attendre de déménager dans un nouveau local pour pouvoir lancer l’activité.
« C’est un peu démoralisant quand on a envie de faire pleins de choses et qu’on est freiné par des problèmes matériels, comme ne pas arriver à trouver un local. Mais bon, on se donne à fond et on espère y arriver vite pour démarrer nos projets ! », relève Laurine avec optimisme.
Trouver un nouveau local, c’est donc l’objectif actuel majeur du tiers-lieu, et Laurine compte y parvenir. « On essaye avec Anaïs de faire plus de terrain, on va frapper à la porte des commerçants pour les rencontrer, on tient un stand au marché pour les journées portes ouvertes, et on essaye de se visibiliser au maximum », conclut-elle.