Le nom de Joséphine Baker en grosses lettres a déjà remplacé depuis plusieurs semaines celui de Pré de Cordy à l’entrée du lycée de Sarlat. Mais le baptême officiel s’est déroulé ce vendredi 11 avril, la veille de la commémoration des 50 ans de la disparition de ce personnage exceptionnel qui a passé une partie de sa vie intense à quelques kilomètres de là, au château des Milandes. L’idée de donner ce nom avait fait son chemin depuis la création du festival Joséphine Baker en 2023 au pied de ce site.

Pour l’occasion, les élèves et les enseignants ont fait preuve d’imagination pour mettre en avant les valeurs de Joséphine Baker (1906-1975). Cette artiste, née très pauvre dans une Amérique ségrégationniste, avait été accueillie dans une France un peu plus ouverte dont elle a fait sa nouvelle patrie. Chaque section du lycée avait étudié sa vie en rencontrant des témoins et préparé des illustrations à travers tout l’établissement. Pour la cérémonie inaugurale, vêtus de T-shirts colorés, ils ont dessiné dans la cour un arc-en-ciel en référence aux douze enfants adoptés dans le monde entier par l’artiste et son mari chef d’orchestre Jo Bouillon.
Les valeurs d’universalisme

Beaucoup d’élèves des trois lycées qui composent l’établissement sarladais (général, technologique et professionnel), ont découvert à cette occasion les valeurs d’universalisme portées jusqu’à son dernier souffle par Joséphine Baker. Elle s’est notamment engagée dans la Licra, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme. Aux États-Unis, elle a milité aux côtés de Martin Luther King dans son mouvement des droits civiques.

Dans les salles du lycée, on pouvait voir plusieurs expositions montées avec la participation de collectionneurs comme le Musée du temps qui passe d’Allas-les-Mines et l’association “Les traces du passé”de Saint-Geniès. Autant d’occasions pour les lycéens de découvrir les multiples facettes de Joséphine Baker, tour à tour artiste, résistante durant la Deuxième Guerre mondiale, militante pour l’égalité et mère adoptive. Des anciens élèves du lycée avaient aussi participé, par exemple en prêtant une tour Eiffel en Meccano, évoquant Paris où l’artiste était devenue une star.

Angélique de Labarre, l’actuelle propriétaire des Milandes, avait également prêté des documents incarnant bien Joséphine. Le but étant à chaque fois que les élèves s’approprient la vie de la marraine de leur établissement disparue il y a cinquante ans, devenue une icône républicaine.
Le message essentiel de fraternité
Pour la partie officielle de l’inauguration, la proviseure Françoise Correia, dans un beau discours, a évoqué cette figure hors du commun qui constitue un exemple pour des jeunes gens, « dans un parcours emblématique qu’apporte l’école ». L’un des douze enfants adoptifs de la fameuse tribu arc-en-ciel, Akio, qui réside en Dordogne, était présent avec son frère Mara, pour confirmer ce message essentiel de fraternité. Le maire de Sarlat, Jean-Jacques de Peretti, rappelait la funeste date du 11 mars 1969 qui avait vu l’expulsion des Milandes de Joséphine criblée de dette. Elle avait dû quitter la Dordogne avec ses enfants, heureusement accueillie par la famille de Monaco.

Alain Rousset, le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, propriétaire des lycées, avait tenu à faire le déplacement pour accompagner ce nouveau nom. Il soulignait de manière encore plus politique les engagements de Joséphine Baker avec son adoption au fin fond du Périgord de douze enfants du monde. Il évoquait une actualité de la planète où la liberté, l’égalité et la fraternité sont malmenées. La chorale des lycéens entonnait une chanson de l’artiste avant le dévoilement d’un portrait signé par le dessinateur périgourdin José Correa, qui sera installé à l’entrée du lycée. Ses valeurs de fraternité doivent rester bien incarnées.
Le festival Joséphine Baker se prépare

Depuis la création du festival Joséphine Baker, en 2023, le Périgordin Claude Pierre-Bloch, vice-président national de la Licra, n’avait cessé de plaider pour une nouvelle dénomination du lycée de Sarlat. À quelques kilomètres des Milandes où l’artiste avait adopté ses douze enfants, c’était un symbole fort. Lancée la première année, l’idée avait été acceptée en 2024 par Alain Rousset. Mais il restait des détails à régler et des validations à passer. Finalement, le changement de nom avait été acté au 1er janvier 2025.
Le prochain festival Joséphine Baker se tiendra les 28 et 29 juin, cette fois dans les jardins du château des Milandes, accueilli à bras ouverts par sa propriétaire Angélique de Labarre. L’entrée du festival sera toujours gratuite (celle du château avec ses collections restera payante pour les visiteurs), avec des expositions, des conférences et des films. Une trentaine d’auteurs et de personnalités sont attendus.
La liste définitive reste encore à confirmer, mais on devrait à nouveau pouvoir rencontrer les journalistes Nathalie Saint-Cricq et Patrice Duhamel, l’ancienne chanteuse devenue écrivain Viktor Lazlo, les essayistes Norah Bussigny, Mohamed Sifaoui, Stéphane Nivet, Claire Koç, Jacques Pessis, l’humoriste Sophia Aram… D’autres noms connus restent encore à confirmer. Et bien sûr plusieurs des enfants de Joséphine Baker seront là pour témoigner.