Karine Van Den Eynde a eu l’idée de la création de cette équipe féminine des plus de 50 ans il y a deux ans, « sur un coup de blues au cœur de l’hiver. J’avais joué dans ma jeunesse et je me suis dit que le football c’était bon pour créer des liens et pour la santé ». Le projet de cette sexagénaire belge installée en Périgord a fait son chemin en 2023 sur les rives de la Dordogne, autour de Calès où un petit club disposant d’un terrain a accepté de les accueillir. « Nous avons très vite eu des femmes qui sont venues et ça continue encore. Nous sommes déjà 33.» La moyenne d’âge dépasse la soixantaine.
Ces Périgordines de souche ou d’adoption ont très vite constaté qu’une telle équipe était encore presque unique en France. Elles ont trouvé un nom ambitieux qui les met en valeur : “les reines du foot”. Il n’y est pas question de leur âge : « on ne supporte pas de se faire appeler les mamies ou les mémés du foot. On fait ça d’abord pour bien vivre, pas forcément pour penser à bien vieillir », glisse Joëlle Mayer, l’une des animatrices de l’association. Comme toutes ses nouvelles copines de ballon, elle reconnaît les bienfaits de cette activité, « moi qui avais pour l’instant été épargnée par le football ».
“Soccer grannies”
Ce plaisir de jouer ensemble a progressivement été médiatisé au-delà des frontières du département. Les reportages télévisés sur quasiment toutes les chaînes se sont succédé. Tous ont relaté leur aventure et leur joie de se retrouver entre femmes âgées autour d’un sport encore très masculin. Elles ont eu l’idée de s’inscrire pour un tournoi international de femmes seniors en Afrique du Sud au printemps. Là-bas est organisée la coupe du monde de football des grands-mères, “soccer grannies”. La prochaine édition est pour avril 2025. Elles veulent en profiter pour passer voir les éléphants et les lions du parc Kruger.
Pour financer le voyage, qui n’est pas donné, l’idée d’un calendrier à la manière des rugbymen, “les Dieux du stade”, a été lancée par Joëlle Mayer qui l’avait édité dans sa précédente carrière parisienne. Un joli coup médiatique à mettre en œuvre, mais il a fallu convaincre. « Certaines ont été offusquées ou inquiètes de se dévêtir, mais nous avons une photographe qui a su mettre tout le monde à l’aise. » Elsa Martin, une artiste réputée qui travaille près de Monpazier, a relevé le défi en travaillant les photos de ce calendrier intime en noir et blanc et en montrant peu de nudité. « Elle a magnifié tout le monde et su montrer la beauté des corps qui ont vécu. Comme on dit, laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination », rit Joëlle Mayer.
Ancienne de l’équipe de France
Sitôt sorti et médiatisé, ce calendrier original s’est arraché dans les environs. Il a été tiré à un millier d’exemplaires par l’imprimeur éditeur Jérôme Gabuteau aux Livres de l’Ilot, à Neuvic. Il se charge de la diffusion dans le département, bien au-delà du petit stade de Calès. Il est vendu 14 euros. Les footballeuses ont aussi organisé un gala, un concours de pétanque, vendu des pâtisseries… La fédération française de football les soutient et elles profitent du matériel d’un équipementier.
Elles continuent plus que jamais à s’entraîner deux fois par semaine, le mardi et le vendredi soir, avec les bons conseils de Maryse Lafon, une ancienne de l’équipe de France. Les “reines” viennent de passer un week-end en Aveyron pour rencontrer une équipe similaire à la leur, mais bien plus jeune. Chez les Périgordines, elles sont plusieurs à dépasser les 70 ans.
L’enthousiasme est réel, décuplé par ce défi. Karine Van Den Eynde voit les progrès. « On se refait des muscles, on joue déjà beaucoup mieux. » Surtout, il s’agit de ne pas se faire mal et de se faire plaisir à chaque entraînement. « S’il n’y avait pas l’équipe avec qui on va s’amuser, on ne sortirait pas deux soirs par semaine en hiver dans le froid. On préfèrerait rester sur notre canapé ! »