L’artiste passionné par la Grande Guerre avait déjà travaillé sur le souvenir des poilus lors du centenaire du conflit 14-18. « Mais j’ai découvert récemment dans un numéro d’Historia que des Français avaient participé au débarquement de 1944. Je me suis beaucoup documenté et j’ai appris qu’il y avait même deux Périgourdins, Hubert Faure et Yvan Monceau. » L’idée d’une exposition baptisée “Les 177” était née.
Une Jeep de 1942
« Je venais de trouver chez un garagiste la carcasse d’une vieille Jeep de 1942 qui avait dû participer au débarquement et ça m’avait donné l’idée de faire un truc dessus. J’ai commencé par la découper en 531 morceaux. Avec tout ça, il fallait que je parle du commando Kieffer. » Il a réalisé réalisé 177 sculptures de métal, sur un modèle commun, mais toutes différentes. Un socle en forme de carte de Normandie avec le blason du commando de marine, un support en fer à béton évoquant les blockhaus, des morceaux de la Jeep et de casques américains « pour ne pas oublier qu’il y avait des hommes en dessous », un morceau de chaîne, une clef et des outils symbolisant la délivrance du pays, des fragments de barbelés et de tissus, des pièces symboliques vertes pour la couleur des bérets des soldats et rouges comme le sang versé.
Fernando Costa a fait des voyages sur les plages du débarquement. « Je me suis demandé comment des gens pouvaient encore s’y baigner, quand on voit ce qu’il s’y est passé il y a 80 ans. » Quand il découpe du métal, qu’il le tord et le soude, l’artiste pense toujours à l’histoire et aux gens qui l’ont vécue. Il insère des dates, des chiffres et des symboles pour que le métal qui compose toutes ses œuvres raconte encore et toujours des histoires.
Recueillement
Dans la chapelle des Pénitents blancs où les sculptures sont disposées sur un lit de sable, une projection d’images du débarquement met dans l’ambiance. On traverse la salle plongée dans une ténébreuse unité, avec tout une forêt de symboles qui nous observent avec des regards familiers. Comme à chaque fois, Costa donne vie et émotion aux morceaux de ferraille récupérés et assemblés.
L’atmosphère est au recueillement. L’ensemble évoque un peu un cimetière, un lieu de mémoire en tout cas. Les derniers survivants du commando ont disparu, mais une grande photo rappelle leurs visages. L’artiste n’a pas pu les rencontrer, mais il pense à eux, à leur héroïsme. Chaque pièce numérotée rappelle l’un de ces soldats. Le numéro un, sur la plus grande, avec une Légion d’Honneur, représente évidemment le commandant Philippe Kieffer.
• Les pièces sont en vente, mais restent dans l’exposition jusqu’à la fin (à retrouver ensuite à Biarritz du 11 juillet au 31 août).
• À Sarlat, l’exposition est ouverte jusqu’au 6 juillet, tous les jours de 10 à 12 heures et de 14 à 19 heures dans la chapelle des Pénitents blancs, 2 rue de la Charité. Entrée libre et gratuite. Fernando Costa passe parfois y rencontrer le public.
Un artiste attaché au Périgord
Né à Sarlat en 1970 dans une famille venue du Portugal, Fernando Costa a commencé par travailler dans l’hôtellerie, notamment comme stewart sur le paquebot Queen Elizabeth 2. Il a découvert le travail du fer chez un artisan de Gignac dans le Lot voisin. L’idée d’utiliser des vieux panneaux routiers désaffectés est venue en voyant une table improvisée avec un tel support. Ses puzzles de métal émaillé coloré composent une œuvre à la fois très graphique, ludique, bourrée de clin d’œil et de références. De grands tableaux racontent Simone Veil, l’attentat du Petit Clamart, les Beatles, James Bond, Guernica, la Grande Guerre, la grotte de Lascaux ou le débarquement de Normandie. Son regard, son savoir-faire, ses heures de travail nocturne, son imagination et un immense respect pour le sculpteur César ont façonné depuis 25 ans la personnalité de cet artiste désormais reconnu dans le monde entier.
“Savoir-fer” et grand cœur. Fernando Costa, invité par de grands galeristes et sur des événements internationaux, reste viscéralement attaché au Périgord, au Sarladais et à Calviac où il a construit son atelier et même une chapelle où il cultive sa foi en l’être humain. Il est resté le même avec ses amis et sa famille. Sa renommée ne l’a pas changé. Il fuit les palaces et les réceptions, préférant les rencontres humaines et une vie au plus près de la réalité quotidienne. « L’autre jour, à la station service, je me suis aperçu qu’un gars qui avait toute sa famille dans une vieille R9 n’avait pris que dix euros de gazole. Ça veut dire quelque chose de ce que l’on vit aujourd’hui. »
Dans ses expositions, il n’hésite pas à offrir le champagne et de coûteux catalogues à ses visiteurs à qui il consacre beaucoup de temps pour expliquer son travail et sa vision du monde. Il rêve encore tout éveillé quand il se retourne et voit le chemin parcouru par le petit Portugais qu’il était. « J’ai aujourd’hui tout ce qu’il me faut pour vivre bien, c’est le bonheur. J’ai toujours le plaisir de rencontrer des gens. » La cinquantaine passée, même s’il est réclamé à Londres, New York ou Pékin, il revient toujours très vite en Périgord.
• Durant tout l’été 2024, du 29 juin au 22 septembre, Costa va créer l’événement au château de Sédières en Corrèze, près de Tulle, avec une vaste exposition rétrospective.