Les anciens du village de Saint-Méard, près de Mareuil, ne savaient pas qu’ils avaient un trésor caché depuis des siècles au-dessus de leur tête quand ils fréquentaient leur église. Un jour de 1999, la chute d’une grosse écaille du crépi imitant des fausses pierres sur la coupole révéla une tête d’ange en bel état de conservation. « La présence de peintures anciennes recouvertes est fréquente. Mais ici, leur état était exceptionnel, se souvient Claude Rebeyrol, ancien président de l’association Saint-Méard Patrimoine. Nous étions bien seuls au début, mais on a appris à aimer ces peintures. » Grâce à l’énergie des bénévoles, à l’investissement des maires successifs et à « de nombreuses bonnes fées », une restauration complète a pu être menée.
Après des années d’études et plus de dix ans de chantier en plusieurs phases, un ensemble de peintures entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe a pu être révélé. « Il est exceptionnel en Dordogne et même à l’échelle du pays », assure Pauline Mabille de Poncheville, jeune historienne de l’art originaire de la commune, qui a étudié l’œuvre au fur et à mesure de sa découverte.
Un enfer cauchemardesque
Un Christ en majesté trône dans le chœur entouré par son tétramorphe des évangélistes (Matthieu représenté en homme ange, Jean en aigle, Marc en lion et Luc en taureau). La plus belle scène se trouve dans la coupole avec son orchestre d’anges qui entourent une Vierge à l’enfant avec un grand soleil central… Quatre autres anges tentent de les rejoindre depuis les piliers, dont un fripon qui a les fesses à l’air !
Des images d’un enfer cauchemardesque avec un monstre croquant les damnés s’opposent à un paradis pour les bienheureux. On trouve la Cène du dernier repas de Jésus, le martyre de Saint-Barthélémy écorché vif, quatre des sept péchés capitaux (la gloutonnerie, la paresse, la luxure et l’avarice), une adoration des rois mages et bien d’autres images qui ont des allures de grand album de bandes dessinées.
Gros budget pour petite commune
Depuis le mois de juillet, les échafaudages sur lesquels opéraient des restauratrices italiennes ont été retirés et cette vaste fresque apparaît enfin dans son intégralité. C’est la fin d’un long et coûteux feuilleton de sauvegarde d’un patrimoine local à la découverte imprévisible. Le maire actuel, Gérard Caignard, a persévéré, parfois contre l’avis de certains de ses concitoyens : « il y avait l’assainissement à faire et des chemins à entretenir. Il a fallu réunir 1,2 million d’euros pour réaliser les travaux de réparation et de mise hors d’eau du bâtiment, ainsi que la rénovation des fameuses peintures ». Avec les aides de l’État, du Département et de cagnottes, il est resté 30 % à la charge de l’a commune. Une grosse enveloppe pour une commune de 500 habitants.
À cause et grâce aux protestants
Pauline Mabille de Poncheville fait parler ces peintures « à la fois populaires et savantes, avec des scènes qui se répondent entre elles, avec une véritable pensée religieuse ». Elles constituaient comme un catéchisme accessible à tous ceux qui ne savaient pas lire en cette fin du Moyen Âge dans la campagne du Périgord. La réalisation est bien datée par les blasons des commanditaires, mais également avec les dégradations commises par les protestants au XVIe siècle. Plusieurs panneaux ont été griffés intentionnellement « dans un acte iconoclaste qui était fréquent à l’époque ». Les images religieuses ont finalement été recouvertes de chaux pour être soustraits au regard des habitants. Mais c’est paradoxalement grâce à cette couche protectrice voulue par les protestants qu’elles ont pu être préservées des dégradations durant des siècles.
Des visites et un livre
Aujourd’hui, à Saint-Méard-de-Dronne (avec deux n, comme la rivière), tout est fait pour faire connaître ce trésor de l’église Saint-Médard (c’est le même que Méard). Marie-Christine Mazeau, l’actuelle présidente de l’association du patrimoine local, veut multiplier les explications pour les visiteurs, déjà attirés par de grands panneaux en bordure de route Périgueux-Ribérac. Les visites guidées vont se multiplier, notamment pour les journées du patrimoine en septembre.
La Fondation La sauvegarde de l’art français, qui a aidé la restauration et emploie désormais Pauline Mabille de Poncheville, relaie cette découverte. L’historienne participe à la prochaine réédition d’un livre sur les peintures murales du Périgord aux côtés de Dominique Audrerie, président de la Société historique et archéologique du Périgord, et de Serge Laruë de Charlus, responsable du Conservatoire de l’art sacré de Dordogne. Il paraîtra en 2025 aux Éditions Confluences, coédité par la SHAP.