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Le meunier de Vézac défend son moulin

Elie Coustaty dans son moulin à eau où tout le travail se fait à la main © H.C.
FARINES. L’ancien agriculteur anime le vieux moulin à eau de l’Évêque, l’un des rares encore en fonctionnement, qui fait le bonheur des amateurs de produits bio.

Le confinement sanitaire du Covid en mars 2020 a été bénéfique au moulin de l’Évêque, à Vézac. Élie Coustaty, ancien agriculteur devenu meunier de carte postale avec son bonnet, sa veste blanche et son foulard rouge, a vu sa vie changer.

Dans son moulin, acheté en 1994 et remis patiemment en fonctionnement, il s’amusait jusqu’alors à produire un peu de farine et à accueillir des écoles pour raconter la vie de son moulin. Il s’est retrouvé débordé par les commandes de tous ceux qui s’étaient mis à fabriquer leur pain à la maison alors qu’il y avait un début de pénurie de farine !

Le vieux moulin du XIVe siècle qui tournait à l’origine pour les prélats de Sarlat, entraîné par l’eau du ruisseau du Pontou, avait été arrêté durant des décennies jusqu’au coup de cœur d’Élie Coustaty. « C’était un véritable capharnaüm, quand je l’ai racheté, mais il y avait tout encore en place. » Il a tout appris de la meunerie au contact de spécialistes, lui permettant d’être l’un des rares moulins à eau encore en fonctionnement en Dordogne qui produit de la farine. En Périgord noir, son voisin du Trel, sur le ruisseau du Treuil, produit de l’huile de noix.

Des variétés de grains anciens

En cinq ans, Élie Coustaty a augmenté sa production pouvant atteindre 300 kg de farine par jour, lorsqu’il a des commandes de céréaliers, de restaurateurs ou de boulangers. « Je ne travaille que du grain bio et des variétés anciennes », explique-t-il en montrant sa collection de bocaux remplis de petit épeautre, de sarrasin, de kamut ou khorasan, blé qui remonterait à l’époque des pharaons. Il est intarissable sur le sujet devant les écoliers et les visiteurs du moulin. On repart évidemment avec la farine adéquate pour cuisiner de bonnes crêpes et du pain de campagne.

La production se retrouve dans la boutique pour faire son pain ou de la pâtisserie © H.C.

À 83 ans, Élie Coustaty continue à charrier à bout de bras des seaux de grain et de farine pour alimenter la production : « Je n’ai pas besoin d’aller en salle de sport pour faire de l’exercice, s’amuse-t-il, et j’ai un bon transit avec de la farine et du son ». Cette farine écrasée par des meules de pierre ne s’échauffe pas et garde ses qualités. Elle est ensuite passée au blutoir, lui aussi alimenté par l’eau, qui la tamise en plusieurs tailles. Pour résumer, plus le chiffre de référence d’une farine est petit (type 45), plus elle est blanche, mais pas aussi bonne pour la santé que la T 80 qui est semi-complète.

La disparition des moulins

Le moulin ouvre ses portes aux visiteurs © H.C.

Mais être propriétaire d’un moulin à eau n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Le meunier n’a pas toujours le sommeil paisible. L’installation soumise à l’humidité demande de l’entretien et le sens du réglage, pas évident avec des meules de plusieurs tonnes. « Je teste continuellement la mouture en frottant la farine entre le pouce et l’index », explique-t-il en joignant le geste à la parole.

Le plus compliqué est devenu l’utilisation de l’eau. Régulièrement, sa retenue qui alimente en eau le bief du moulin est ouverte par des personnes indélicates ou malintentionnées. Il faut alors remettre tout en place et attendre le retour de l’eau pour que la force motrice se remette en marche.

La loi sur l’eau, mal comprise, en arrive à souhaiter la disparition de moulins installés depuis des siècles dans le paysage. Au nom de l’environnement, on détruit de plus en plus un patrimoine ancien qui a une fonction de régulation de l’eau bien utile en été. Sans parler de leur potentiel de production d’électricité durable. Les propriétaires des moulins sur les ruisseaux n’ont jamais vu de saumons et d’esturgeons venir se casser le nez sur leurs moulins… mais ils devraient disparaître au nom des poissons.

Le printemps des moulins

En costume de meunier à l’ancienne, il présente sa collection de grains anciens © H.C.

Jean-Claude Grégory, à fond dans l’association des moulins du Périgord noir, affiliée à l’APAM, l’association périgordine des amis des moulins, organise avec Élie Coustaty et les autres propriétaires du secteur, le printemps des moulins 2025. Son lancement a lieu vendredi 21 mars à 18 heures au séchoir d’Aillac, sur la commune de Carsac-Aillac, avec une conférence de l’historienne Anne Bécheau sur “Meuniers et mouliniers en Périgord noir : qui étaient-ils”. Entrée libre et pot de l’amitié.

Contact par mail elie.coustaty@orange.fr. Tél. 06 56 76 88 02.

 » Sur l’ensemble du Périgord noir, il resterait aujourd’hui une soixantaine de moulins à eau », estime Jean-Claude Grégory. Des itinéraires de balades ont été mis au point par l’association pour faire découvrir ce patrimoine « aussi important que les châteaux et les jardins » estiment leurs défenseurs qui font face « aux technos écolos qui veulent la peau des moulins ». Durant trois mois ils vont multiplier les animations pour faire mieux connaître ses secrets. On retrouve des visites en suivant l’application touristique Dorie.