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Le Conquil, falaise aux mystères

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FOUILLES AU CŒUR. En surplomb de la Vézère, à Saint-Léon-sur-Vézère, c’est un site magique qui bruisse d'une vie sauvage (écureuils, chouettes, faucons pèlerins) et perle de mystères à flanc de falaises : le Conquil se déploie sur 18 hectares et les maîtres des lieux, Annabelle et Baptiste Braun, ne se lassent pas de l'explorer. Une nouvelle campagne de fouilles débute le 4 novembre.

Tous deux ont d’abord été salariés du site : Baptiste travaillait à l’accrobranche, Annabelle l’a rejoint pour une saison… et ils n’ont plus quitté le Conquil, où la jeune femme est rapidement devenue bras droit des propriétaires. Quand la question de la succession s’est posée, une fin de saison, il y a dix ans, le jeune couple s’est positionné. « On était très motivés et amoureux de cet endroit, mais cette étape mobilisait des moyens importants. » Les anciens propriétaires, désireux qu’ils puissent s’investir dans la réalisation de leur rêve, ont accepté d’attendre le cheminement administratif et bancaire, avec l’établissement qui suivait déjà l’affaire. « La transmission s’est faite discrètement, ça s’est su quand c’était fait. »

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Un site reformaté

La concrétisation a d’abord porté sur la gérance et, depuis un an, le couple est aussi propriétaire des lieux et peut organiser pleinement son renouveau, en développant trois approches qui jusqu’alors se confondaient : le parc des dinosaures, l’accrobranche, le site archéologique. « En scindant, nous avons donné plus de visibilité à chacun et à l’ensemble : le parc à thème pour les 3-9, le parcours préhistobranche pour les familles et le Conquil, avec ses falaises troglodytiques, notre priorité étant d’y réaliser des fouilles archéologiques. » Le tarif dégressif pour une, deux ou trois visites donne même des envies de passer la journée sur place, et la soirée à Saint-Léon-sur-Vézère.

Vue sur le clocher roman du village © SBT

Un mystérieux monolithe

Ces passionnés d’histoire et de nature continuent de valoriser et partager la richesse du Conquil en respectant son héritage. Contenu des audioguides, mise en place des visites, animation des réseaux, réaménagements réguliers : ils conjuguent une mission de conservation de ce patrimoine avec des visions innovantes. Ce bastion sauvage, dont seulement 30 % est ouvert au public, offre une expérience authentique, une connexion palpable à la vie de nos ancêtres. Le couple a lancé une première campagne de fouilles en 2022 pour explorer la complexité du Conquil, où a été mis au jour un monolithe qui interroge encore les archéologues : rien de semblable n’existe ailleurs dans le monde.

Deuxième campagne de fouilles

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Une deuxième campagne de fouilles se déroule sur le site cet automne, à partir du 4 novembre, pour continuer d’avancer sur l’utilité de ces vestiges troglodytiques. Dix archéologues sont déjà passés par ici lors de la première et le mystère reste entier après la mission que leur a confiée le couple (financement privé, sur autorisations de la Drac). « La dernière hypothèse, dans le contexte, porte sur un pressoir à vin. Du XVI au XVIIIe  siècles, tout le coteau était planté de vignes. Le seigneur du château de Clérans, à Saint-Léon, avait créé une ferme modèle, au XVIIIe, ses écrits témoignent d’un travail incroyable, avec un grand cru, ici, au Conquil. Il a planté les peupliers pour fabriquer ses outils, il a aussi capté une source pour irriguer son potager avec des canalisations passant sous la Vézère. Il a été médaillé trois fois. On aimerait montrer l’évolution dans le temps et souligner la modernité de sa démarche. Je dispose de nombreux éléments qui vont nous aider, le nom des machines, notamment. »

Le parcours dans les falaises allie beauté naturelle et inventivité humaine.

Les propriétaires du Conquil financent une nouvelle semaine de fouilles archéologiques et deux semaines de recherches, avec une historienne de la société d’études et valorisations historiques Eveha. L’idée est aussi de voir ce qui se passe derrière l’exutoire, d’où provient l’eau claire qui remplit le réservoir en dix minutes. Un travail de gros œuvre, avec deux pelles, dont une en contre-bas pour dégager tout l’arrière, implique une fermeture de deux jours avant le travail minutieux des archéologues. L’étude stratigraphique des sols permettra de déterminer les époques, certaines parties ayant été protégées.

Des abris ultra-protégés

De son côté, Annabelle complète l’enquête, par passion, à la Shap et aux Archives. « Les troglodytes représentent une partie oubliée de l’histoire, au-delà du site ce travail permet une lecture d’ensemble. » Le Conquil a la particularité de présenter une fortification, avec un système de défense ingénieux à double porte, des passages secrets et ponts à bascule, points de guet et de fuite, autonomie en eau. Il se pourrait que les Templiers aient investi les lieux, Sergeac étant à quelques kilomètres de là, sur la même rive…

Curieux de tout, le couple a visité les cavités de Belvès, sans trouver de points de comparaison. Dans une Dordogne riche en falaises calcaires, ce type d’habitat témoigne de la diversité des pratiques architecturales à travers les âges, fenêtre ouverte sur des millénaires d’occupation humaine et d’adaptation à l’environnement. Abris préhistoriques, puis villages entiers au Moyen Âge, l’usage défensif a longtemps primé. Certaines de ces demeures ont ensuite été habitées ou utilisées pour du stockage ou en agriculture, elles ont même été adaptées à l’hébergement touristique.

Derrière « le pigeonnier »

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D’anciens propriétaires, après la découverte de Lascaux, ont pensé qu’un autre trésor pariétal pouvait se cacher au Conquil. Un gouffre de 14 m, situé en surplomb, donne accès à des failles : Jeannot Estardier s’était lancé dans un travail de mineur, avec son petit chariot, jusqu’à un éboulement qui l’a stoppé net. « J’ai connu ce monsieur, grand-père de la dame qui a ouvert le site au public en 1996, confie Annabelle. C’était un grand regret pour lui de ne pas avoir pu continuer et je lui ai promis de prendre le relais. » Un de ses fils, qui a travaillé dans les travaux publics, suit l’avancée des recherches.

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La jeune femme ne désespère pas de rendre accessible au public cette partie couverte de concrétions. Et dans une importante entrée d’abri, sur la partie haute, elle espère trouver une ouverture qui permettrait de passer à l’arrière, derrière le célèbre pigeonnier. « Avec Eveha et des étudiants en archéologie, si les conditions de sécurité le permettent, on aimerait poursuivre les recherches sur plusieurs années. » Le pigeonnier, ainsi désigné, n’en était pas forcément un : les ancrages ne correspondent pas, les niches sont très petites, et une tête de taureau sculptée laisse imaginer un culte de Mithra, avec des espaces possibles de cérémonie, voire d’autel de sacrifices. « D’où la relation possible avec le lieu sur lequel nous portons nos recherches, qui pourrait être un bassin de baptême. » En passant derrière, dans la falaise proche de ces deux éléments, peut-être trouverait-on une explication ? La visite guidée du site fournit déjà une richesse d’interprétations.

 « Pour moi, le Conquil, c’est la falaise oubliée, avec quelques hypothèses émises, rien de concret, voilà pourquoi on s’investit sur d’importantes recherches, ça demande beaucoup d’énergie et de moyens. Mais on y croit. » Annabelle Braun

Immersion dans le passé

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Gardiens de ce temple du passé depuis 2014, gérant puis propriétaires depuis 2023, Annabelle et Baptiste Braun travaillent avec trois salariés à l’année et 13 en saison haute, période à laquelle le site peut accueillir de 6 à 700 personnes sur une journée. Les jeunes parents s’attachent toujours à réserver une journée par semaine en famille, pour casser le rythme intensif en été.

L’aventure humaine du renouveau du site est indissociable d’un parti-pris écoresponsable, avec l’objectif de décrocher un label d’écotourisme. Le cadre inspirant se prête à l’accueil de groupes scolaires, événements privés et journées de cohésion d’équipes proposées depuis trois ans aux entreprises, avec de multiples possibilités (escalade, etc). « Et nous accueillons des Eductour pour un partage entre professionnels du tourisme. » Les propriétaires souhaitent continuer à enrichir les visites avec la mise en place de son et lumière, des actions pédagogiques, des projets collaboratifs.

Ce lieu d’échanges et d’apprentissage vivant, dans la formule visite guidée, permet de repartir avec un morceau d’histoire et un respect accru pour la nature.