« Alexa avait déjà biberonné et rapatrié des renards, la responsable du centre d’Audenge m’a tout de suite dit que j’allais bien m’entendre avec elle ! ». Exercice pratique, Alexa avait d’ailleurs amené un renard lors de ce stage : Jany, de L’Arche de Noé, à Sourzac, venait de l’appeler pour récupérer l’animal chez elle. « On s’est rencontrées comme ça et on a gardé le contact. J’aime son parcours à la fois riche et généreux, ses connaissances, sa pratique, sa passion. La personne idéale pour les Renardises ! » Elles se sont retrouvées sur le sort des renards et des animaux dits nuisibles.
Arrivée en France il y a sept ans, venant de Belgique où elle a été assistante vétérinaire pendant 20 ans, Carine Gresse a repris le dessin animalier qu’elle avait délaissé et s’est investie dans les soins à la faune sauvage. En rejoignant la société française pour l’étude et la protection des mammifères, dont elle est devenue administratrice, Carine a développé un groupe “petits carnivores susceptibles d’occasionner des dégâts” qui apporte un argumentaire sur leur utilité à partir d’observations scientifiques. « Des agriculteurs ont bien compris le rôle gratuit de ces auxiliaires : le renard mange les campagnols dans les champs, plutôt qu’utiliser des rodenticides qui empoisonnent le sol et notre assiette. »
Au-delà du renard, Carine s’intéresse aux belette, martre des pins, fouine, putois « qui a presque disparu de France et devrait être protégé », raton laveur, hermine et blaireau…
Un nuisible pourtant utile
Avec leur projet de Clos des Renardises, Alexa et Carine ont la volonté de créer un refuge destiné aux renards roux contraints à la captivité définitive pour des raisons généralement inhérentes à des activités humaines. Il ne s’agit pas d’un centre de soins pour la faune sauvage ou d’accueil après des saisies réglementaires de l’Office français de la biodiversité, les animaux ne seront pas prélevés dans la nature ni élevé en captivité : il s’agit d’une alternative à l’euthanasie constructive. « Les centres de soin prennent en charge des animaux accidentés sur la route, écureuils blessés lors d’opérations d’élagage mécanique, etc. Mais ceux-ci ne peuvent pas accepter les animaux dits nuisibles. Audenge le peut car il est conventionné, il travaille avec des viticulteurs et agriculteurs qui les sédentarisent au moyen de terriers artificiels sur leurs parcelles bio. » Dans cet esprit, une fois les blessés soignés, ceci sans acharnement thérapeutique, le projet du Clos des Renardises consiste à favoriser la pérennité dans la nature de ceux qui ont pu être sauvés. Mais certains conservent un handicap et ne peuvent plus chasser, ou une imprégnation, un attachement excessif à l’homme, les empêche de revenir à l’état sauvage. Pour éviter l’euthanasie de ces individus pourtant sortis d’affaire, Carine et Alexa ont eu l’idée de créer une structure d’accueil associative en réponse à leurs critères biologiques, physiologiques et éthologiques. « On pourra s’appuyer sur cet accueil comme support pédagogique : des enfants savent différencier une panthère d’un jaguar – et c’est déjà très bien ! – mais ils ne font pas la distinction, dans la faune locale, entre une belette et une hermine. » Alexa ajoute aux propos de Carine que la méconnaissance touche même le milieu vétérinaire : « Je suis allée récupérer près de Cognac un renardeau d’un mois conduit chez un vétérinaire, qui avait interdit à ses équipes de le toucher. »
Le renard, ce mal aimé
À partir d’un lieu de sauvetage, toutes deux souhaitent donc véhiculer des informations. Elles assurent déjà des animations pour scolaires et publics divers, ateliers, conférences, sans oublier l’exposition des magnifiques portraits animaliers réalisés par Carine. On pourra apprendre comment faire si on trouve un bébé renard : il est interdit de le conserver (souvenons-nous du feuilleton de l’adoption de Zouzou, et le sauver pour le relâcher dans la nature revient à le condamner à mort, car il ne saura pas se débrouiller.
Le refuge que souhaite ouvrir Le Clos de Renardises servirait de base vivante et émotionnelle à tout un programme d’information. Ce type de lieu n’existe pas encore en France, seule l’arche de Cerise, en Alsace, possède quelques renards. Alexa et Carine recherchent un espace d’un minimum de 5 hectares pour l’implanter en Périgord afin de répondre à toutes les contraintes réglementaires. Carine a passé et obtenu un certificat de capacité pour détenir des animaux sauvages, en premier lieu des renards, et elle poursuit avec celui concernant les autres petits animaux. La pratique est en effet très réglementée, elle exige une grande expérience pratique et théorique, la constitution de dossiers pour acquérir ce certificat attribué par la préfecture et les autorisations d’ouverture de la Direction des territoires.