Rompre les solitudes, y compris celles des bénévoles, faire preuve de créativité dans l’altruisme : c’est l’ADN de LaMaison24, qui fabrique des solutions d’entraide à hauteur humaine. L’association donne la mesure de son implication en proximité : il est davantage question de “faire avec qu’à la place de”, une originalité soulignée par Paul Maso, conseiller départemental (Périgueux2). « On dépasse ici le cadre associatif, avec des valeurs qui vont au-delà du dispositif mis en place : une approche humainement intense. » Denis et son épouse Sylvie sont déjà pleinement investis dans leur mission, lui futur trésorier, et co-référents en duo pour la distribution du samedi : ils se chargent de la préparation, de la mobilisation des bénévoles… Tendre une main pour donner de la nourriture ne leur suffirait pas, il leur faut tendre aussi une oreille attentive. « Faire en sorte que des personnes dans le besoin soient un petit peu mieux après, c’est aussi simple que ça.»
Bénéfice humain cumulé
C’est une équipe incroyable, qui croise et cumule les compétences et les expériences pour arriver à une forte valeur ajoutée. La présidente de LaMaison24, Délia Wenta, se félicite de cette somme de riches personnalités. Un bénéfice humain cumulé dont il importe d’assurer la transmission et de préserver l’équilibre dans la durée. « Nous avons un projet de formation des écoutants sur la maîtrise des émotions. » Des missions valorisantes et enrichissantes, un sentiment d’utilité : oui, mais cette implication est source de fragilités qu’il importe de canaliser.
« Ce que j’aime ici, au-delà de ce à quoi je peux contribuer, c’est l’ambiance. » Certes, Maïté est arrivée en pays de connaissance, dans le sillage de son amie Anne-Marie (Ana pour tous ici, « parce que c’est plus facile à dire et retenir quand on ne parle pas français »), solide pilier de l’association, mais elle s’est rapidement coulée dans l’esprit maison (24). « Ici, pas de jugement, l’important est de trouver une solution : quand l’un ne peut pas se libérer pour venir comme prévu, un autre le remplace. On s’adapte, même si on a tous un rôle défini. » Maïté a choisi de s’investir à l’accueil, un poste toujours tenu en binôme.
Une centaine de bénévoles
Ils sont une centaine à graviter ainsi autour de la maison, déclinaison de la fameuse Casa née au Portugal où une vingtaine de site sont quasi-institutionnalisés. En groupe d’amis ou en solo, ils rejoignent la cause par le chemin du cœur. Pour Maïté, tout a commencé avec un rôle de Maman Noël en 2021, puis l’envie de revenir, un peu, plus souvent. Jusqu’à la mission d’écoutante des nouveaux inscrits. Un cadre précis mais pas trop, qui permet d’accueillir en suivant un guide d’entretien qui laisse une marge personnelle face à « toutes ces premières fois », ces « 200 euros de reste à vivre pour le mois » qui ne s’en sortent plus. Ces personnes donnent pourtant un euro de participation à réception de leur colis. Question de dignité.
La plus belle émotion de Maïté ? « Une jeune femme étrangère vue au Noël précédent, parlant mal le français, qui m’a reconnue et m’a tendu les bras dans un grand Ah ! Maman Noël ! » Chacun arrive ici avec de gros problèmes qui sont autant de cas particuliers. Comme cette Africaine qui confie avoir fui son pays pour éviter l’excision à sa fille.
Dix ans au cœur de la cité
Voilà 10 ans que LaMaison24 consolide les fondations d’une action alors lancée pour parer à l’urgence, place Tourny, à Périgueux, pour nourrir des familles. Des distributions de colis et de vêtements se sont ajoutées avec l’installation dans le quartier Saint-Georges. Prenant le relai des maraudes à l’occasion, l’équipe a conservé un point fixe de distribution près du musée Vesunna, à Périgueux, ouvert à tous ceux qui se présentent devant le camion, sans poser de question.
Et comme il n’y a pas que la nourriture du corps qui donne vie à l’entraide, du soutien scolaire et des séances de conversation tracent le chemin d’un avenir meilleur. Une quarantaine d’étrangers, Syriens, Afghans, se familiarisent avec notre langue à la médiathèque Pierre-Fanlac de Périgueux, qui accompagne cet apprentissage. Et des cours de français sont proposés avec le centre social du Gour de l’Arche. « Donner plus que des colis, nourrir les corps et les âmes », c’est l’engagement formulé par Délia Wenta au nom de l’équipe de bénévoles. La solidarité fleurit aussi dans un jardin (largement) partagé et des ateliers offrent du bien-être, des astuces de cuisine ou encore l’art des couleurs. Et le cercle de femmes laisse les mots rompre des silences parfois lourds. Cette année, un atelier piloté par Vélorution, avec Le Chemin et la Prévention routière, “tournera” autour du vélo, de la mobilité possible grâce à lui aux réparations utiles. Avec un peu d’accompagnement social au passage, en roue libre, l’air de rien.
Un atelier est particulièrement dédié aux bénévoles, qui ont besoin de se ressourcer pour mieux se consacrer au public accueilli : un sophrologue a souhaité leur offrir ces moments privilégiés. « Nous recevons beaucoup de propositions, mais nous devons rester organisés. » La présidente et l’équipe s’attachent à s’ouvrir à tous, au voisinage avec le concours de Myriam et Serge Périer, du comité de quartier Saint-Georges, aux habitant de Périgueux en général et aux bénéficiaires potentiels en particulier, pour les inviter à pousser la Maison hors ses murs des Mondoux, pour partager toujours plus d’activités, de cafés en conférences au jardin socio-culturel avec cabanon et barnum.
Éducation populaire
L’association doit savoir compter et calculer pour mener à bien ses actions : pour accompagner 20 % de bénéficiaires de plus cette année, les chiffres sont ses alliés indispensables, dons de particuliers, d’entreprises, de collectivités… et les 90 000 euros reçus dans le cadre de France Relance qui ont permis le recrutement en CDI de Christophe Chaudemanche, animateur permanent de la structure, veilleur de la mixité sociale qui circule dans cet espace sans frontières où celui qui aide peut aussi être aidé, où les uns ne sont pas séparés ni si différents des autres. Ainsi la joie de servir se propage-t-elle dans une contagion propre aux mouvements d’éducation populaire. Ainsi la Maison de Périgueux a-t-elle essaimé, ses visites hebdomadaires à Plazac depuis 7 ans laissant place à une véritable antenne Vézère, à quelques mats de prière des attaches spirituelles bouddhistes de l’association.
Marie Cherbero, conseillère municipale de Périgueux déléguée à la vie associative et à la vie des quartiers, résume le caractère de LaMaison24 dans sa capacité à faire coïncider une structuration millimétrée et la liberté de tisser des liens, le cadre et l’improvisation, le sérieusement pensé et l’intuitif… « avec le petit plus qui correspond au projet : le plaisir ».
À portée de tous
Samedi 11 février, de 10h à 16h, la friperie de LaMaison24 sera ouverte avec des vêtements, chaussures et accessoires à tout petits prix. À 12h30, les visiteurs pourront partager avec les bénévoles un repas-buffet préparé par l’atelier cuisine de l’association (participation libre).
• Café jardin socioculturel, 33 rue Gabriel Lacueille, Périgueux