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La véritable histoire du château de l’Herm

En chantier © H.C.
RÊVE DE GOSSE. Un passionné mène un énorme chantier pour relever la célèbre ruine popularisée dans le roman Jacquou le Croquant. Elle se visite pour ces journées du Patrimoine.

Dans l’imaginaire du Périgord, c’est le château du méchant Comte de Nansac incendié vers 1830 par le jeune Jacquou à la tête de ”croquants”, surnom des paysans révoltés. L’histoire est une fiction due à l’écrivain Eugène Le Roy, publiée en 1900 et surtout popularisée par un mythique feuilleton télévisé de 1969. Depuis des décennies, les visiteurs de ce coin de campagne sur la commune de Rouffignac-Saint-Cernin de Reilhac, croient dur comme de la pierre à cette destruction par une jacquerie. D’autant qu’une plaque commémorative des Amis d’Eugène Le Roy installée sur place laisse planer le doute !

De la fiction à la réalité

Nicolas De Laage © H.C.

Nicolas de Laâge de Meux, expert-comptable bordelais, connaissait bien cette histoire, mais il avait surtout un rêve de jeunesse de posséder et de rénover un château. « C’est un projet pas ordinaire dont je rêve depuis l’âge de mes 15 ans », sourit ce sexagénaire. L’Herm, visité au cœur de l’hiver 2018, lui tape dans l’œil. Le monument du XVIe siècle est bien à vendre, mais il est très délabré. « Les murs étaient solides mais c’était une coquille vide. Je savais déjà que ce serait un long chantier pour lui redonner son aspect d’origine. » Les documents et l’archéologie en témoignent : ce château n’a pas brûlé dans la réalité comme dans la fiction d’Eugène Le Roy. Mais il a servi de magasin de matériaux au début du XIXe siècle. La toiture, les poutres, les planchers, les portes et les fenêtres ont été vendus à la découpe par les propriétaires de l’époque.

Restituer les parties disparues

Après une année d’études et de réflexions, accompagné par l’architecte du patrimoine Olivier Salmon, Nicolas de Laâge de Meux se lance dans l’aventure. Il met tous ses moyens personnels, issus d’une vie de travail, dans l’affaire et s’endette. Il cherche aussi des aides comme celle de l’État qui apporte des subventions au titre de monument historique, ainsi que celle de la Fondation du Patrimoine qui motive des dons privés. Les dépenses sont estimées à six millions d’euros.

L’Herm en ruine © collection particulière

Les obstacles administratifs sont nombreux. Le propriétaire doit convaincre la Drac, la direction des affaires culturelles de Nouvelle Aquitaine, de sa volonté de ne pas dénaturer ce château en le reconstruisant. Des recherches à travers la Dordogne trouvent des similitudes, par exemple avec le château de La Chapelle-Faucher qui donne des indications précieuses pour restituer les parties disparues. « L’Herm a comme particularité de ne pas avoir été remanié au cours de son histoire. Il était resté dans son aspect d’origine avant d’avoir été démantelé. » Tant qu’il a été habité et entretenu, il a conservé les éléments caractéristiques de son style gothique flamboyant.

Dès 2020, le propriétaire lance une première tranche de chantier en faisant travailler des entreprises de Dordogne spécialisées dans la restauration historique. Il recherche des matériaux anciens déjà patinés. Les poutres sont en vieux chêne et certaines tuiles ont 150 ans. Même reconstruit, ce château de 500 ans n’aura pas l’air neuf !

Dix ans de travaux

Des sols en pisé reconstitués © H.C.

Au bout de quatre ans de chantier, un énorme chemin a déjà été parcouru, comme peuvent le constater les visiteurs lors de Château en fête, au printemps, et des Journées européennes du Patrimoine, à l’automne, les deux seuls créneaux d’ouverture du chantier au public (lire plus bas). Il faudra sans doute près de dix années pour arriver au bout. Mais déjà l’Herm a retrouvé de belles toitures pour coiffer ses hauts murs et bientôt toutes ses tours. Lucarnes et fenêtres apportent de la lumière à l’intérieur. Les cheminées monumentales ne sont plus suspendues aux murs. Les pièces sont accessibles par des planchers via les escaliers. On apprécie de près les sculptures et les armoiries de la famille Calvimont qui l’a construit au tout début du XVIe siècle. De très beaux sols en pisé traditionnel, constitués de petites pierres, ont été reconstitués.

Clin d’œil sur les vitraux avec l’incendie du château de Jacquou le Croquant © H.C.

Nicolas de Laâge de Meux et son architecte restent très fidèles à la réalité historique. Ils n’ont ajouté que quelques clins d’œil sur les vitraux des fenêtres de l’étage avec des scènes évoquant Jacquou le Croquant… dont le mythique incendie du château.

Ce château n’est pas rénové pour être habité : « c’est impossible à chauffer », sourit le propriétaire. Il n’espère même pas rentrer dans son investissement ou viser la rentabilité. C’est un projet de vie qui va l’occuper pour sa prochaine retraite, et léguer à la postérité.

Rêves de gosses

Des cheminées sculptées © H.C.

Dans son idée actuelle, ce sera un lieu culturel ouvert aux Périgordins. Les idées d’utilisation ne manquent pas. « Des visites ouvertes aux écoles et collèges permettront l’attachement à notre patrimoine, et peut-être de susciter des vocations dans les métiers qui y sont liés. » Et de faire naître de nouveaux rêves de gosses.

Des visites exceptionnelles

Sous la toiture © H.C.

Le chantier n’ouvre que rarement au public. Pour les Journées européennes du patrimoine, le propriétaire a organisé cinq jours de visites, du mardi 17 au vendredi 20 septembre 2024, ainsi que le dimanche 22 septembre, visites guidées de 9 h 30 à 17 h 30. Entrée 10 euros par personne en liquide ou par chèque. Parking à l’entrée du hameau, l’accès au château étant trop étroit.

Réservations obligatoires par mail pour annoncer le nombre de personnes prévues : chateaudelherm@gmail.com.