On dit que son déclin fut provoqué par la maladie de l’encre qui nécrose la base du tronc et des racines, par la surexploitation du bois pour ses tanins servant autrefois au travail du cuir. Mais des documents historiques démontrent aussi que l’État royal puis républicain craignait de ne pouvoir lever l’impôt sur des fruits tombant seuls de l’arbre, au détriment des céréales dont les producteurs payaient des taxes. On sous-entendait même que l’assurance-vie que représentait “l’arbre à pain” (2 à 3 kilos par jour et par famille assurant la survie quand la famine gagnait d’autres régions) rendait les autochtones fermés sur le monde.
L’Atelier de la châtaigne de Dournazac
L’atelier a été créé sous forme associative dans les années 70 sous l’impulsion du docteur Biguet, parti en quête de solutions de mécanisation pour alléger la tâche. Il voyait la population s’éreinter dans un premier pelage manuel. L’enveloppe était enlevée d’un savant coup de peladou, couteau à bout courbe. Puis venait l’étape du blanchissement des châtaignes dans une marmite en fonte. Il s’effectuait sous l’action de l’eau frémissante et du bouéradou, un bâton cranté en forme de croix de Saint-André, dont le maniement permettait finalement le décollement de la petite peau restante.
C’est la belle histoire de cette modernisation, d’un essor et d’un développement commercial réussi, que nous raconte Alexeï Delouis dans le podcast à suivre. Il est l’actuel gérant de l’Atelier de la Châtaigne, labellisé « Valeurs du Parc Naturel Régional Périgord Limousin ».
Quand Varaignes rime avec châtaignes
En 1983, Denis Bourgin rachète 8 ha de terres qui sont sur la propriété familiale depuis 1903. Il plante ses châtaigniers en 1995 et attend jusqu’en 2002 pour effectuer une reconversion professionnelle à 39 ans, directement en bio.
« Planter les châtaigniers, c’est 3000 euros à l’hectare, qui commencent à donner cinq à sept ans plus tard et se rentabilisent au bout de quinze. » D’où la nécessité pour lui d’introduire des moutons au milieu des arbres pour s’assurer un complément.
Bio, les châtaignes sont ramassées et épluchées entièrement à la main (le secouage par filets ne préserve pas toujours les meilleures). Seul le séchage est mécanique grâce à un tambour de machine à laver en rotation devant un chalumeau. L’épluchage est manuel sans vapeur ni eau chaude, afin de préserver nutriments et saveur. Le surcoût au kilo est de 2 à 3 euros, mais la qualité est à ce prix : « On paie plus cher, mais on évite une visite chez le médecin », dit en souriant Denis Bourgin. Il cultive surtout l’espèce « marigoule », qui se reproduit par marcottage, plus résistante à la maladie de l’encre. « Le goût dépend du sol comme les merlots et les cabernets », précise-t-il et chaque hectare, séparé par des mini-forêts afin de respecter au mieux les équilibres naturels, donne parfois sa nuance.
En parallèle, il développe une activité de tourisme à la ferme avec trois chambres d’hôtes “Bienvenue à la Ferme”. Il investit aussi dans une nouvelle châtaigneraie à Dournazac. Saveur d’or 2021 Nouvelle Aquitaine, sous la marque “la Châtaigne gourmande“.
Dans ce podcast-archive de 2018, retrouvez Denis Bourgin, au pied du Sacré Cœur, pour le Périgord à Montmartre, sous les coupoles de l’architecte Abadie qui conçut aussi celles de la cathédrale Saint-Front de Périgueux.
Laurent SEITMANN
Les châtaignes ne sont pas des marrons
Le marron est le fruit du marronnier d’inde et n’est pas comestible. Sa bogue est beaucoup plus petite et ses piquants sont recourbés et presque doux. La châtaigne a une très grosse bogue qui la préserve mieux de l’appétit des sangliers et des moutons. Il vaut mieux être équipé de gants solides car les piquants sont drus et pointus. On y trouve plusieurs fruits à la différence du marron. En cas de doute, une houppe, une petite queue, « le péricarbe », surmonte le fruit. Pour avoir l’appellation marron, on ne doit pas trouver de cloison intermédiaire sous l’enveloppe marron clair. Le fruit se trouvant donc sans brisure est de qualité supérieure. L.S.
En campagne
C’est en s’appuyant ouvertement sur une vision traditionnelle que l’Union Interprofessionnelle Châtaigne Sud-Ouest interpelle le consommateur sur sa capacité à devenir l’alimentation de demain. Son image se structure dans un esprit de proximité, d’écologie et d’économie circulaire. Il est dit que « les châtaigneraies sont des puits de carbone, productrices de miel et de bois » et surtout que la châtaigne est le fruit d’un environnement, un aliment « naturel, sans gluten, riche en amidon digeste, équilibré, source de fibres et de minéraux ». Cette redécouverte s’accompagne d’idées de recettes pour diversifier nos assiettes à tendance flexitarienne : ce fruit a une teneur en minéraux élevée, notamment en potassium. S.B.T.
Le poids de la châtaigne
La châtaigne est une authentique production, avec des plantations conçues pour la récolte. On compte environ 1 800 ha de châtaigneraies, la surface ayant augmenté de 46 % depuis 2000 avec une aide à la restauration de vergers en Dordogne (Conseil Départemental) : plus de 500 ha devraient entrer en production dans les 10 ans. Car la production du bassin (Dordogne, Lot, Corrèze, Haute-Vienne) est toujours insuffisante pour approvisionner les entreprises de transformation qui y sont implantées. La filière agit pour se développer à la source et aller au-delà des 3000 tonnes récoltées par un millier de producteurs. À noter que 1 425 ha sont engagés en Agriculture Biologique. S.B.T.