L’exposition consacrée à la présence, sinon l’existence, des femmes dans les archives est ouverte gratuitement au public jusqu’au 23 septembre aux Archives départementales de la Dordogne, à Périgueux : un “retour aux sources”, de l’Ancien Régime au siècle dernier, sur le chemin de leur émancipation jusqu’au plus profond des zones rurales.
Organisée autour de repères chronologiques pour suivre les femmes dans la cité comme dans la société française, rappels essentiels de leur accès à l’instruction et aux droits, à leur reconnaissance dans le travail, à leur courage en temps de guerre, cette plongée dans les trésors d’archives locales commence avec l’Ancien Régime dans l’espace privé… vraiment privé, de tout ce qui pourrait les émanciper de leur famille ou de leur condition. Femmes soumises et/ou idéalisées, que Fénelon destine dans son Traité de l’éducation des filles (1687) à « gouverner un jour leurs ménages, et obéir à leurs maris sans raisonner », sans s’aviser d’être savantes ou trop curieuses.
Grossesses dangereuses, violences conjugales, esclavage domestique… cela ne les empêche déjà pas de se mobiliser et déclencher des émeutes, au bénéfice de la communauté.
Droits de la femme et de la citoyenne
Femmes à l’ombre des Lumières, souvent confinées aux intrigues de salon, soutenues dans leur quête de savoir par Condorcet, elles ne parviennent pas encore à « faire conjuguer le mot citoyen au féminin ». C’est ce qu’elles tenteront avec la Révolution, quitte à finir sur l’échafaud comme Olympe de Gouges, laissant à la postérité sa remarquable Déclaration.
À l’éducation morale et religieuse succède bientôt l’instruction voulue par la République, quand la famille rurale ne retient pas ses enfants aux travaux de la ferme. La mixité entre bientôt dans les classes et les cours d’école, en témoigne (l’un des nombreux enrichissements sonores de l’exposition) une institutrice soucieuse d’une égalité de traitement : elle intervient aussi un peu plus loin sur sa rude formation à l’École normale de Périgueux. Les documents sortis des réserves, bulletins et certificats d’études, registres d’appel et photographies scolaires donnent du corps à cette ”école des femmes” qui gravit bientôt les marches vers l’enseignement secondaire, puis universitaire.
De l’école des femmes au travail d’appoint
« Le travail quotidien de la femme paysanne est largement ignoré des archives publiques. » Un autre témoignage sonore vient soutenir les panneaux consacrés à « l’invisible travail des femmes » : une syndicaliste à la MSA évoque leur condition avant l’avènement du statut de « conjoint collaborateur » qui gagne aussi le commerce et l’artisanat… à l’orée du XXIe siècle ! Le récit enregistré auprès de Françoise Ganiayre, médecin à la retraite, en dit long sur la difficulté d’ouvrir un cabinet dans les années 70 en milieu rural (on l’écoute aussi, plus loin, dans son engagement pour le Planning familial de Périgueux)… Pendant des siècles, les soins du corps étaient confiés aux religieuses.
Dans ce département rural, « les femmes complètent souvent leur travail à la ferme par du travail à façon à domicile, source de liquidités monétaires ». Quand elles ne traitent pas du chiffon chez elles, ou confinées à des tâches de caisse ou de clavier, elles sont difficilement acceptées dans des univers masculins : il faut écouter le récit d’une travailleuse arrivée dans le monde de l’imprimerie en 1976.
Aux urnes, enfin !
Ce cheminement local aux côtés des militantes et des femmes engagées, des féministes revendiquées et combattantes plus discrètement obstinées, les montre dans leur quête d’existence et de reconnaissance dans tous les champs de la vie de la cité ; en politique, comme Suzanne Lacore avant même que le droit de vote soit accordé aux femmes, non par le Front populaire qui l’a nommée sous-secrétaire d’État en 36 mais par le Général de Gaulle, en 44. Deux panneaux montrent ce que furent leurs guerres, les femmes « réquisitionnées » et la Résistance au féminin, avec la voix rebelle de Jeanne Grillon à se mettre au creux de l’oreille et la Légion d’Honneur de Joséphine Baker… en 1961.
Des figures locales, autrices, artistes (George de Peyrebrune, Rachilde, Jane Poupelet), ont ouvert les consciences, tout comme des sportives rebelles. C’est dans la sphère personnelle qu’on mesure véritablement les injustices quotidiennes et le mépris complice des plus proches, la maternité subie et les avortements clandestins jusqu’au combat de Lucien Neuwirth et Simone Veil.
Aller plus loin
• Pour prolonger cette visite, l’ouvrage édité par les Archives départementales est un complément indispensable qui développe bien des chapitres qui n’ont pu être exposés, avec une foule de documents manuscrits et iconographiques et des portraits choisis au fil des époques, sous la plume de spécialistes. (176 pages, 12 euros)
• C’est l’occasion aussi de redécouvrir la richesse des ressources audio des Archives départementales de Dordogne sur la thématique des femmes ; et de plonger dans la liste des suggestions de consultation vidéo.
• Enfin, cette exposition s’est accompagnée d’un cycle de conférences, au printemps, toutes enregistrées et à retrouver prochainement sur l’espace dédié du site des archives.