De l’invention de la charrue à l’avènement de l’agriculture intensive, le surlabourage et l’épandage de produits chimiques ont épuisé les sols. Dans les projections à 60 ans, les terres arables auront complètement disparu. Le film de Joshua Tickell, Mission régénération, sorti en salle en novembre 2022, montre que l’on peut guérir la planète, sauver les espèces, en sauvant le sol, et en réduisant drastiquement l’intervention de l’homme.
Une désertification dévastatrice
Affaiblis, les sols captent de moins en moins de carbone. Asséchées, les terres se transforment progressivement en poussière. Ce phénomène d’altération est dissimulé par les engrais synthétiques. Les cultures génétiquement modifiées, pour résister aux épandages, alimentent un cercle vicieux dangereux. Les deux tiers du monde sont actuellement en désertification, poussant 40 millions de personnes à quitter leurs terres chaque année. Outre l’appauvrissement des sols, plus de 200 études scientifiques ont montré la nocivité des engrais chimiques et des produits comme le glyphosate : troubles de l’attention, cancers, anormalités congénitales. Le combat est-il perdu d’avance ?
Le carbone, un moteur pour faire tourner le système.
Ceux qui pensent et veulent croire qu’il est possible d’inverser la tendance sont de plus en plus nombreux. Il suffirait que l’homme coopère avec la nature plutôt que de s’opposer à elle. Un message facile à comprendre, mais pas si simple à faire passer et à mettre en œuvre. Le sol est vivant et riche d’une diversité microbienne, indispensable à sa santé et à celle des espèces animales, végétales et des hommes.
À l’exception des océans, le sol constitue le premier stock de carbone au niveau mondial. En captant le CO2 dans l’air via la photosynthèse, les végétaux absorbent le carbone. Quand ils se décomposent dans le sol, ils le lui restituent sous forme de matière organique. Enrichie, la terre est plus fertile et plus résiliente. La solution serait de remettre de la vie dans le sol. L’un des principaux leviers pour limiter les gaz à effet de serre. La bioséquestration permet de piéger le carbone dans le sol, en utilisant les plantes, les arbres, les vivaces.
Sur 30 ans, il serait possible d’inverser le réchauffement climatique.
Mais la concrétisation de cette solution à l’échelle de la planète constitue une vraie question politique.
Le programme 4 pour 1000
Élaborée par des chercheurs de l’INRAE, la solution 4 pour 1000 vise à restaurer la fertilité des sols et à piéger les gaz à effet de serre. Présentée par la France en 2015, lors de la Cop 21, elle utilise le vivant comme amortisseur climatique.
En augmentant la matière organique des sols agricoles chaque année de 4 grammes pour 1000 g de CO2, on pourrait compenser l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre produits par la planète en un an.
Cette approche, dans le prolongement de l’agroécologie, implique un changement des modes de production et de notre rapport à la nature.
L’agriculture : un levier pour lutter contre le changement climatique
Amélioration des techniques de fertilisation permanente des sols, agroforesterie, abandon du labour, polyculture et polyélevage ; autant de pratiques pour protéger le sol et le reconstituer. Difficile pourtant pour des agriculteurs conventionnels de les mettre en œuvre.
Comment se passer du labour ? Comment ne pas travailler la terre et mettre à la place des rotations et des couverts végétaux ? Enfin, comment associer productivité et préservation de la biodiversité ?
Les bénéfices sont multiples sur le long terme : production qualitative, relation durable entre l’agriculteur et la nature, amélioration de la rétention en eau et du stockage du carbone, productivité maintenue ; enfin, une meilleure image de démarche vertueuse auprès des consommateurs.
Cette transition nécessite un accompagnement à la fois technique et financier. Pour cela, il est indispensable que les instances régionales, départementales, encouragent et favorisent ce type de pratiques ; mais également que les aides européennes avantagent l’agriculture respectueuse de l’environnement, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui.
À notre niveau, en tant que consom’acteurs, nous avons aussi le pouvoir d’appuyer ces transitions. Nous pouvons renouer avec les circuits courts, que nous avons pour la plupart abandonnés après la crise sanitaire, et revenir vers nos producteurs locaux.
Témoignage d’Alice de Mascarel,
Après une carrière dans une collectivité territoriale en Normandie, Alice est agricultrice bio depuis 2019 et a créé « Les p’tits délices d’Alice ».
Elle exploite un verger diversifié avec des cultures multi-étagées. Entre les rangs d’arbres et d’arbustes fruitiers, alternent des plantes maraichères et des plantes aromatiques. Au-delà de la production, Alice transforme et propose ses délices. Influencée par l’agroforesterie, elle s’est particulièrement inspirée du livre d’Évelyne Leterme fondatrice et responsable du Conservatoire des Espèces Fruitières d’Aquitaine depuis 1979, et depuis 1997, directrice du Conservatoire Végétal Régional d’Aquitaine ( La biodiversité, amie du verger – Éditions du Rouergue).
Pour Alice, le plus gros avantage de l’agriculture basée sur la régénération des sols, consiste en l’apport de matière organique. Installée sur un sol sableux, « cet apport renforce l’enrichissement du sol et l’amélioration de la capacité de rétention d’eau. En outre, la matière organique laissée en surface, constitue un paillage permanent assurant la couverture du sol et évitant l’évaporation ». Enfin, l’utilisation de bois raméal fragmenté (BRF) favorise l’activité biologique de la faune et des champignons.
La diversification de ses cultures lui permet, lors d’une période de gel tardif, de pouvoir disposer d’autres sources de revenus. D’ici 2025, son exploitation à maturité lui donnera l’occasion de bénéficier d’une production à forte valeur ajoutée, et d’en exploiter tout le potentiel.
Aux actes ! Prêts ! …
Application mobile gratuite, développée dans le cadre de la Maison numérique de la biodiversité, Aux actes ! veut faciliter la participation des citoyens à la transition écologique sur leur territoire. Elle propose trois espaces : infos, actualités et analyses, agenda d’événements et d’opérations et espace de partage et de contribution. Détenue par le Conseil départemental de la Dordogne, cette application est gérée et animée par le CAUE. Ses contenus sont élaborés par les structures partenaires : collectivités territoriales, établissements publics, organisations professionnelles, associations.