Raymonde et Lucien se sont mariés le 6 août 1962 et ils sont fiers de partager leur vie depuis 61 ans. « Nous avons en commun d’avoir perdu nos parents assez jeunes. Je suis devenu orphelin à mon retour d’Algérie et Raymonde peu de temps après notre mariage », explique Lucien dit Lulu.
Des racines fortes
Après un voyage de noces qui les mènera jusqu’à Venise en 2 CV, ils s’installent dans la propriété familiale des Dessagne acquise en 1846 à Beauronne, où naitront leurs trois filles. Lucien reprend le commerce des bestiaux comme son père et son grand-père avant lui. « J’ai arrêté au bout de neuf ans car les trajets en voiture étaient trop éprouvants et j’avais peur de l’accident. Mon grand-père, il prenait le train à Mussidan pour aller acheter les bêtes et les ramener à la maison, j’ai encore son livre de comptes de 1878 ! », dit-il, là aussi très heureux. Il devient ensuite agriculteur comme Raymonde qui, dès leur mariage, loue des terres afin de cultiver les céréales qui nourrissent vaches, oies et canards.
La vie avec la nature
Pas d’élevage industriel chez les Dessagne, les canards sont gavés mais en nombre limité. De même, les vaches vivent dehors toute la journée. « Nous avons des parcelles boisées où elles peuvent naturellement s’abriter, même en hiver. Il faut dire que la race Limousine est adaptée aux sols acides de la Double,» détaille Raymonde.
Habituée à vivre avec le diabète depuis plus de 40 ans, Raymonde explique ainsi son besoin d’activité physique quotidienne… Mais c’est aussi dans sa nature : « toute petite déjà, je prenais mon seau pour aller chercher l’eau à la source près de chez moi, narre-t-elle. Et au début de notre mariage, nous n’avions toujours pas l’eau courante. Celle du puits ne suffisait pas : pour le linge, il fallait se rendre avec la brouette à la Beauronne en contrebas ». Une vie normale à l’époque, que l’on qualifie maintenant d’« à la dure ». Elle forge cependant les caractères et les corps et répond aux envies de Raymonde : « J’ai toujours aimé travailler dehors, l’administratif ce n’est pas pour moi. » Lucien acquiesce en souriant et il complète : « j’ai pris ma retraite à 62 ans et depuis 25 ans, c’est elle qui commande. Comme je suis d’un caractère facile, je l’accepte ! »
Un temps pour chaque chose
Les foins sont faits, les vaches s’abreuvent dans l’étang, tout continue comme avant… ou presque. Cette année, Raymonde s’est fait opérer d’une épaule et la convalescence est longue, entre la rééducation chez le kiné et les anesthésies mal digérées. Mais comme le dit Lulu, « jusqu’à l’an dernier, elle était catégorique et ne voulait pas s’arrêter. Là, elle est tout aussi décidée à partir à la retraite. » Cela se fera d’ici la fin de l’année avec quelques réflexions à nourrir encore : avoir des moutons pour leurs filles, attachées elles aussi à la nature et aux animaux ? Garder ou non des parcelles pour le foin ? De toute façon, il y a encore le gîte pour s’occuper ainsi que les fleurs et le potager. Et surtout, la vue sera toujours belle sur les prés et les chênes qui accompagnent les Dessagne depuis tant de générations.
Myriam POUPARD