Lorsque des salariés revendiquent des droits pour leurs conditions de travail, ils font la grève. De la même façon, lorsque les personnes privées durablement d’emploi défendent leur droit à l’emploi, elles font la Grève du chômage.
La grève du chômage
« Nous revendiquons que le chômage n’est ni acceptable, ni inéluctable et qu’il existe des solutions », témoigne Barbara Laurent, chargée d’accompagnement et de formation des territoires pour TZCLD.
La loi de financement par l’Etat est valable 5 ans, pour un montant compris dans une fourchette de 53 à 102 % du salaire des chômeurs longue durée sur la base du SMIC. « Jusqu’à présent, le taux était de 102 % mais cette participation est révisable tous les ans et en juillet dernier, il est passé à 95 % », explique Barbara qui ajoute, soulagée : « nous avons eu quelques retours de l’Assemblée Nationale, il semblerait que les nouvelles soient bonnes et qu’il n’y ait pas d’autre baisse prévue pour le moment. »
Un combat exemplaire de longue haleine
Porté à sa naissance par plusieurs associations dédiées à l’entraide et la solidarité comme ATD Quart Monde, le projet TZCLD est devenu un dispositif autonome. Lancé en phase de test sur 10 territoires en 2017, il existe à ce jour 67 projets en France dont celui soutenu par Prever depuis 2 ans.
Pour parvenir à ses fins humanistes, l’association compte maintenant 2 chefs de projet salariés car, comme le rapporte Régis Defraye maire de Verteillac et secrétaire de Prever, « la création d’une Entreprise à But d’Emploi (EBE) nécessite une habilitation délivrée par le Ministère du Travail sur la base d’un solide dossier administratif, en cours de réalisation. »
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Une solution adaptée au local
Danielle Delpey, conseillère municipale et présidente de Prever, se réjouit des liens noués autour du projet : « la Maison Départementale liste les chômeurs longue durée sur notre territoire d’action et nous transmet les informations. Nous travaillons également main dans la main avec la Mission Locale et Cap Emploi. »
Comme l’a prouvé le passage du sénateur Serge Mérilhou et du maire de Ribérac Nicolas Platon lors de la grève, les élus sont de la partie. « C’est un projet apolitique mais qui porte une responsabilité politique : face à la baisse des services dans les zones rurales, il faut renouer le contact entre les gens avec des initiatives hyper-locales qui apportent des solutions aux besoins de la population, sans être concurrentielles avec les entreprises. Par exemple, changer une ampoule pour une personne physiquement dépendante, c’est un service qui n’existe plus. C’est d’autant plus important qu’avec l’inflation que nous subissons actuellement, les gens ont plus de difficultés à subvenir à leurs besoins primaires », soutient Régis Defraye.
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Et en plus, tout le monde y gagne
Financièrement, c’est un projet viable : on estime le coût du chômage à 18 000 € par an pour une personne. Si cette somme est investie dans le TZCLD, non seulement elle est équilibrée par l’activité économique générée mais l’Etat y gagne même grâce à la baisse des coûts cachés (dépenses induites par les conséquences sociales du chômage). Le salaire des encadrants n’étant pas inclus dans le financement de l’Etat, il faut aller chercher ces fonds auprès de l’Europe, de la Région et des communes.
Un professeur de la Cité Scolaire Arnaut Daniel est venu faire sa pause-café avec les grévistes car, pour lui, tout est lié : son engagement professionnel le porte à soutenir au mieux les élèves afin qu’ils s’accomplissent dans leur vie d’adulte. Or, si les parents rencontrent des difficultés, les enfants en souffrent.
Au-delà des données économiques, les personnes salariées des EBE reprennent confiance en leurs capacités et leurs compétences, bases du travail qu’elles accomplissent dans ce système. Et cela n’a pas de prix.
Le témoignage de Séverine
Auparavant intermittente du spectacle, elle reçoit en 2022 un courrier de la Maison Départementale l’informant de la réunion de présentation du projet TZCLD dans le Ribéracois. Intriguée et séduite, elle y assiste et rencontre Patrick Valentin, entrepreneur dans l’esprit duquel a germé l’idée il y a des années de cela.
« C’est un projet basé sur le bon sens, le partage et la vie en communauté que l’on a un peu oubliés. Pour moi, une société qui se porte bien est à l’image d’une tribu indienne ou à l’échelle d’un village : tout le monde y a sa place », explique Séverine.
Elle croit en ce TZCLD et s’y implique en utilisant ses talents en dessin pour refaire les tracts, par exemple. Mais elle craint également un essoufflement car, lors de la vite de l’EBE de Castillon-la Bataille, elle s’est rendu compte de l’énergie et de la rigueur nécessaires. Pour contrer cela, elle complète :
« Il faut que le mouvement prenne de l’ampleur et soit encore plus connu et soutenu. Je donne de mon temps pour que l’entreprise puisse être créée sur notre territoire, c’est motivant et ça me fait du bien. » Avant de partir, elle donne un conseil : « regardez Nouvelle cordée (film documentaire réalisé par Marie-Monique Robin sur le sujet), cela donne de l’espoir. »
Myriam POUPARD