Tout commence avec un grave accident de voiture dont sont victimes Marie-Astrid Védrenne-Eymerit et son mari, Philippe. À l’hôpital sont d’abord soignées les souffrances corporelles, « mais je me retrouve aussi dans une grande détresse psychologique parce que mes parents avaient eu un accident à cet âge-là, et maman y avait perdu la vie. » De retour chez elle, pour garder un équilibre et alors qu’elle est immobilisée, Marie-Astrid se raccroche à la créativité qui l’anime depuis toujours, et qu’elle exprime notamment dans la réalisation de bijoux et de lampes. Ses amis, son mari, ses enfants, s’organisent autour d’elle pour trouver les petits trésors nécessaires à ses compositions, des opalines essentiellement. Une collab’ fructueuse, en plus d’un soutien moral essentiel.
Nous sommes en novembre 2021 et l’heure est à l’entrée de Joséphine Baker au Panthéon. En suivant la rétrospective du formidable parcours de l’artiste et de la femme, une idée “lumineuse” s’impose à elle : les contours et les courbes de ses éléments de lampes lui inspirent une série sur Joséphine, dans la forme… mais surtout sur le fond.
Femme de tous les engagements
« Je me suis lancée, en commençant par la fameuse ceinture de bananes. » Et, en tirant le fil, la lutte contre les discriminations, de l’amour et de la fraternité. Par son métier dans la prévention santé et l’éducation sexuelle dans les écoles, Marie-Astrid cultive auprès des jeunes les valeurs qui étaient aussi chères à Joséphine, et qu’elle retrouvera dans l’exposition de la Licra aux Milandes. « Peu à peu, se sont imposées dans mon esprit douze valeurs incarnées par Joséphine tout au long de sa vie d’artiste et de femme, et j’ai créé douze pièces pour les illustrer. »
Son inspiration la guide : de l’audace de la danseuse de la Revue Nègre en 1925, qui charme le tout-Paris, jusqu’au courage du retour sur scène à Bobino, en 1975, Marie-Astrid a cheminé avec sa “Lumineuse Joséphine”, titre de la série, en éclairant chacune de ses facettes. La résistante engagée lors de la Seconde Guerre mondiale, la militante pour les droits humains lors de la Marche sur Washington aux côtés de Martin Luther King en 1963, l’amoureuse des animaux… toutes les Joséphine brillent de mille feux dans l’exposition que lui consacre l’artiste sarladaise, guidée par un verset du psaume 119 : “Une lampe à mes pieds… Une lumière sur mon sentier…”, car une même croyance unit les deux femmes. « Je retiens d’elle aussi la résilience et l’espérance : c’est une femme qui avait vraiment la foi, elle disait qu’elle croyait en la prière, que c’était le meilleur moyen pour puiser de la force du Paradis, des choses positives ; elle était profondément croyante, donc lumineuse. »
Fraternité universelle à l’échelle familiale

La série de créations passe par une variation de formes, comme une ode à la différence et au refus des stéréotypes, et rayonne dans un tableau final magnifiquement coloré, consacré à la maman de la tribu arc-en-ciel, expression d’une fraternité universelle réunie à l’échelle familiale. Aux douze enfants adoptés par Joséphine, l’artiste a tenu à ajouter un symbole de la fausse-couche qui a privé Joséphine de la possibilité d’enfanter et qui est à l’origine de ce rêve fou devenu réalité. Les petits anges stylisés dont elle a d’abord eu l’idée, formés d’opalines et cristaux, s’animent grâce à des photophores aux intensités et couleurs variées : ainsi s’anime la tribu arc-en-ciel.
Opalines et Murano

Marie-Astrid Védrenne-Eymerit manie et assemble des objets qui ne sont plus utilisés, souvent des opalines, pour leur donner une seconde vie. « Je choisis toujours une belle matière, souvent ancienne, mais je peux aussi aller chercher du cristal de Murano lorsqu’il s’agit d’évoquer la salle de bain de Joséphine », fameuse composition mosaïque dédiée au parfum Arpège, de Lanvin, « la naissance d’un mythe » dans un intérieur de château où Joséphine exerçait son goût pour les décorations sublimes.
Une série d’expositions
La pièce qui marque le statut d’ambassadrice de la haute-couture française de Joséphine — « elle a fait énormément pour les couturiers français, notamment aux États-Unis » —, élégance rouge et noir de plumes et de courbes, a d’ores et déjà trouvé un admirateur, un ancien du collège Saint-Joseph de Sarlat, où Marie-Astrid a elle aussi effectué son parcours scolaire et où elle exposait à l’occasion de la fête des anciens, ce dimanche 23 mars. L’œuvre est réservée, Stéphane Picard la récupèrera à l’issue de prochains rendez-vous d’exposition.
Car après avoir été présentée au château des Milandes, fin 2024, au milieu des collections et évocations de Joséphine, la série va trouver place dans les vitrines des commerçants de Sarlat qui mettront Joséphine en valeur en avril prochain, à l’occasion du baptême du Lycée Pré de Cordy (il prendra officiellement le 11 avril le nom de la célèbre artiste humaniste) ; puis les œuvres devraient rejoindre le château des Milandes à l’occasion du festival Joséphine de la Licra. « Si mes lampes ont pu être exposées au Milandes, dans ce château où Joséphine a vécu, au milieu d’objets qui lui ont appartenu, c’est parce qu’une amie d’enfance d’Angélique de Labarre s’est arrêtée à ma petite boutique de Montfort, où j’avais disposé la lampe « ceinture de bananes » : elle m’a convaincue de contacter la propriétaire des Milandes, de sa part. » Et celle-ci est venue la rencontrer, tombant sous le charme de la série. « Angélique de Saint-Exupéry est très sensible à l’art, elle m’a fait ce magnifique cadeau d’une exposition “vivante”, dans les salles du château. »
Mise en valeur

Dans cet alignement de coups de cœur, il faut aussi compter avec le talent de Bertrand Lesort, lui aussi ancien de Saint-Jo à Sarlat, artiste photographe (qui exposait lui aussi au collège pour la fête des anciens, ce 23 mars) : on lui doit les photographies qui figurent sur les cartels de présentation de chaque lampe, assortis d’une pensée ou citation ; et les portraits « officiels » des lampes en situation, près de leurs modèles ou de ce qui les a inspirées, dans le cadre des Milandes qui célèbrera bientôt quelques anniversaires marquants… À suivre !