Il y a 80 ans la Dordogne était l’un des coins de France où la Résistance était la plus active, provoquant une intense répression de l’occupant allemand et de leurs collaborateurs. De vastes étendues boisées permettaient aux maquisards de se cacher et d’organiser des actions pour préparer la libération du pays. À partir de juin 1944, elles avaient aussi pour but de ralentir la remontée de troupes allemandes vers la Normandie où les alliés avaient débarqué. Cette époque a laissé des traces importantes dans la mémoire locale.
Olivier Peny a été nourri depuis son enfance par ces souvenirs racontés par ses parents et grands-parents. En 2017, avec un groupe de copains, il a eu envie de les faire revivre : « Nous avons créé l’association La mémoire de nos pères pour transmettre cette histoire aux jeunes générations ». Ils ont choisi la reconstitution historique en présentant objets et documents de l’époque. En quelques années, l’association est devenue incontournable lors des commémorations en Dordogne pour évoquer les résistants de manière réaliste, avec leurs tenues dépareillées et leurs armes d’un autre âge. À la demande, ils reconstituent des campements dans les bois sur les lieux où des maquis étaient installés.
Jusqu’à 600 maquisards
On les a retrouvés durant plusieurs années à Durestal en Pays Vernois, mais il interviennent désormais plutôt dans la Double où la Résistance était bien installé. Autour du 27 juillet, ils étaient à Saint-Étienne de Puycorbier, pour évoquer le maquis de Virolle qui a compté en 1944 jusqu’à 600 maquisards. Certes ils n’étaient qu’une vingtaine en 2024 pour en parler, mais ils avaient amené du matériel pour évoquer les parachutages de matériel reçus de Londres, l’entraînement aux armes et la vie dans les bois. Cette date était importante pour commémorer les 80 ans des combats d’Espinasse, un lieu-dit de la commune de Saint-Germain du Salembre situé non loin de là, où des soldats allemands et leurs supplétifs ont tué 37 personnes : maquisards, fermiers qui les aidaient et personnes qui se trouvaient sur leur chemin.
La Mémoire de nos pères porte bien son nom pour évoquer grandeur nature ceux qui ont laissé leur vie pour retrouver la liberté de leur pays. Pour cette commémoration, des silhouettes à taille réelle plantées dans un champ, incarnaient ces victimes. Cette mise en scène forte avait été réalisée par le musée Voulgre de Mussidan et son conservateur Ludovic Chasseigne, qui a créé depuis 2018 un mémorial de la Résistance permanent à Saint-Étienne de Puycorbier. Chaque silhouette porte le nom, voire la photo et les éléments connus des martyrs, grâce aux travaux de recherche des historiens périgourdins Patrice Rolli et Bernard Reviriego.
Un musée à ciel ouvert
Les bénévoles de l’association, ont faire revivre ce camp dans un sous-bois près du bourg, avec leurs collections d’armes, de parachutes et de containers, de papiers et d’objets de la vie quotidienne. « On a comme un petit musée à ciel ouvert, nous veillons à l’exactitude historique », explique le président de l’association face à un impressionnant arsenal. Dans la vie, Olivier Peny, 39 ans, est chauffeur-livreur. Ce reconstituteur et ses amis se transforment en maquisards avec armes et bagages, passent leur week-end à la dure sous la tente, à faire cuire leur repas au feu de bois. Leur présence illustre les commémorations.
Avec les 80 ans de 1944, ils n’arrêtent pas d’intervenir à travers la Dordogne et jusqu’en Charente. Ils donnent du sens aux innombrables stèles et monuments qui parsèment les campagnes sur les lieux où des résistants, des habitants ou des réfugiés juifs ont été tués. Autour du 20 août, ils seront près d’Excideuil lors des cérémonies pour le crash d’un avion anglais en 1944, alors qu’il venait parachuter des armes pour la résistance. L’histoire de France et l’histoire locale se rejoignent ici.
Un mémorial pour la Double
Derrière la mairie du village de Saint-Étienne de Puycorbier, le mémorial de la Résistance rappelle le rôle important joué par les maquisards dans cette région de l’ouest de la Dordogne. Cet espace extérieur sobre et émouvant, ceinturé de murs de bétons et de piliers d’acier, présente de nombreuses photos et textes. Au sol, une carte évoque les lieux où se sont déroulés des événements dans le secteur.
Un petit musée est aménagé dans une pièce sous la mairie, avec des vitrines présentant des objets et des documents d’époque. Des films donnant la parole à des témoins sont diffusés dans une petite pièce. Ce lieu de mémoire a été réalisé par le Musée André Voulgre de Mussidan avec l’historien spécialiste de la Résistance Patrice Rolli et il est géré par la communauté de communes Isle et Crempse en Périgord. Il est ouvert tous les jours, entrée libre.