Animée par son amour des animaux, Claire, directrice de trois crèches (dont celle de Sanilhac, « Les Lutins d’Edith »), a récemment entamé un projet d’envergure. « Mon envie c’était d’avoir une présence animale à la crèche en continu ». Claire s’est alors questionnée : comment créer un lien entre les enfants et les animaux à la crèche ?
La naissance du projet
La médiation animale, une approche qui s’appuie sur le lien entre l’Homme et l’animal pour améliorer le potentiel cognitif, psychosocial et affectif des enfants, lui a semblé être la méthode adaptée. Son projet s’est ainsi doucement dessiné, finissant par faire de la médiation animale une partie intégrante de son quotidien. C’est en partie grâce à la charte d’accueil du jeune enfant, mentionnant que « le contact réel avec la nature est essentiel au développement du jeune enfant », que la médiation animale a pu être inclue dans l’objectif pédagogique. Le sujet a d’ailleurs longuement été travaillé, en équipe, à chaque fois.
« Je voulais développer ce point-là en priorité, et cette charte nous a beaucoup aidé pour mettre en place la médiation animale dans nos crèches » explique la directrice.
Après validation du projet par sa cheffe de service, Claire est partie deux semaines se former auprès d’une vétérinaire comportementaliste, d’une coach et d’autres professionnels de la médiation animale, avec son chien. « J’ai terminé la formation en mai, le projet en juin, et nous y voilà. »
Pour Claire, le fait de travailler en zone rurale l’a portée dans son projet : « Les petites crèches rurales ont la chance de pouvoir facilement imbriquer la nature dans l’éducation des enfants. On a déjà eu un hôtel à insectes, un compost. On peut se permettre de faire ce genre de choses en habitant à la campagne. Pour elle, le lien à la nature, aux animaux et à l’environnement de manière générale est essentiel, d’autant plus lorsqu’il s’agit de jeunes enfants, qui ont encore tout à apprendre, à découvrir..
Un programme ludique, des bénéfices rapides pour les enfants
Avec son chien Gimli, un Pinscher croisé Jack Russell, Claire a depuis un mois créé un programme pour les enfants. Au travers de petits jeux anodins, elle aborde des thématiques importantes, comme le respect de l’animal, la vie en collectif, le consentement. Les enfants sans s’en rendre compte, développent alors des valeurs de vivre-ensemble, toujours en s’amusant. « Et Gimli aussi est super content ».
Le projet est encore tout récent, mais déjà certains bénéfices ont pu montrer le bout de leur nez. Ces petites séances à visée ludique et éducative renforcent la confiance et l’estime des enfants.« Quand on voit les réactions des enfants pendant les activités, leur regard plein de fierté quand le chien s’assoit, on ne peut qu’être satisfait ». Pour elle, l’estime de soi dont tout le monde parle aujourd’hui, s’acquiert aussi au contact des animaux, et dès le plus jeune âge. « Quand le chien fait le petit slalom en laisse avec l’enfant, et s’assoit quand l’enfant dit « assis », l’enfant voit qu’il est capable, qu’il peut réussir. Et ça lui donne confiance en lui ».
En plus de l’estime de soi, ces petits jeux inculquent aussi la patience. Pendant que l’un passe, les autres enfants attendent leur tour. « C’est important pour la socialisation : on passe chacun son tour. Les enfants sont hyper patients dans ces exercices-là alors que pour certaines choses ils ne le sont pas du tout. Même pour les relations entre eux, au niveau du partage, c’est très enrichissant ».
Gimli aide non seulement pour le développement personnel des enfants, mais également pour un problème assez récurrent : la séparation avec les parents. Pour les nouveaux enfants inscrits à la crèche, les premiers moments de séparation sont parfois très durs. La présence du chien fluidifie ce passage. « Ils vont directement vers le chien, du coup les parents sont moins stressés, finalement ça a des répercussions positives sur tout le monde. »
« Maintenant quand j’arrive le matin, les enfants vérifient à mes pieds si Gimli est bien là. »
Le pouvoir des animaux
Cet apprentissage réciproque permet également à Claire de découvrir des aspects de son chien qu’elle ne connaissait pas. « Je découvre des nouvelles facettes de mon chien, je savais qu’il serait super mais il m’impressionne parfois. » Notamment concernant le quotidien des enfants, elle observe des changements importants. Claire se souvient de plusieurs moments qui ont marqué les premières semaines avec Gimli. « Il y avait une petite qui avait beaucoup de mal à aller au dortoir. Je lui ai dit qu’après la sieste elle pourrait jouer avec Gimli. Ce jour-là, elle est allée se coucher sans faire de crise, et elle a super bien dormi ». La présence de Gimli est très enrichissante pour les enfants, mais aussi pour les équipes. Les trois crèches sont ravies du projet, et les familles aussi.
Pour Claire, ce pouvoir qu’ont les animaux sur nous est une chose précieuse qu’il faut continuer à explorer, car il reste encore tant à découvrir. « Il y a une vraie puissance d’apaisement dans l’animal, qu’on sous-estime souvent ». Elle se souvient d’un moment qui l’a marquée: « L’autre jour je faisais manger un bébé très nerveux qui tapait des pieds à chaque cuillère, c’était très compliqué. Le chien est venu s’asseoir à coté, le bébé a fixé le chien, il a posé sa main sur lui. Et le petit a fini de manger son assiette, calmement ». Ce contact physique avec l’animal est très important pour les enfants puisqu’il participe à l’éveil des sens en stimulant le toucher.
Pour autant, Gimli a aussi ses limites. Quand beaucoup d’enfants s’agitent autour de lui, il a besoin de retrouver du calme. « Ce qui est intéressant avec ce chien c’est que quand il en a marre, il s’isole. Il ne va pas être agressif, il s’en va et on comprend qu’il faut qu’on le laisse tranquille. »Ce sont des valeurs importantes qui sont alors peu à peu acquises par les enfants, comme le respect de l’autre, le consentement, ou encore l’acceptation des règles (ne pas lui donner à manger, ne pas le déranger quand il dort..).
Liliane Gonthier, vice-présidente du Grand Périgueux en charge de la petite enfance enfants, insiste sur les bénéfices de la présence de Gimli : « les enfants apprécient la présence du chien car l’animal ne les dispute pas, ne les juge pas. Il ne parle pas non plus donc ils sont sur un pied d’égalité, ce qui leur permet de s’identifier facilement ».
La médiation animale à temps plein, un projet innovant en France
Dans les EPHAD et les hôpitaux, on voit souvent des chevaux, des ânes ou encore des chiens rendre visite à des personnes malades, âgées, handicapées… La médiation animale est très développée avec ces publics, mais en crèche avec des enfants qui n’ont pas de problématiques particulières, c’est assez rare. Pourtant la présence d’un animal apporte énormément de bienfaits sur le développement psychique de l’enfant, mais aussi au niveau de l’éveil des sens, des émotions, de la socialisation, de la découverte.. Certains enfants ne connaissent pas les animaux, ils apprennent donc à ne pas tirer la queue, à faire doucement, et pour certains, à ne pas en avoir peur.
« Pierre avait très peur des chiens au début, maintenant il peut faire le petit slalom avec Gimli et il est très fier de lui. » Claire Perron
Mais ce qui innove surtout, c’est la présence à temps plein de Gimli. Certains professionnels se déplacent dans les crèches avec leurs animaux, chiens, chats, lapins, le temps d’une heure ou d’une journée. Claire a voulu aller plus loin, pour mettre en place une présence animale journalière au sein de l’établissement: « Mon envie c’était d’avoir une présence animale à la crèche en continu, pas juste une heure par jour ». Pour elle, la nuance est importante, car cela permet de développer un vrai lien avec l’animal, avec des bénéfices beaucoup plus stables dans le temps.
« Gimli se lève le matin pour aller au travail, et on le paye en croquettes »
Des répercussions positives sur tous
La présence d’un chien à la crèche a non seulement pour effet de procurer du bonheur aux enfants, parents, professionnels, mais les bénéfices concernent aussi Claire, qui vit ce projet comme une nouvelle naissance. « Ça m’épanouit dans mon travail, ça fait 14 ans que je travaille en crèche, j’avais un peu fait le tour, et là me relancer dans un projet, ça me fait beaucoup de bien. Gimli aussi est super content ».
Liliane Gonthier, vice-présidente du Grand Périgueux en charge du pôle éducation, manifeste elle aussi un vrai engouement pour le projet, et rappelle qu’il y a une véritable volonté de la crèche d’amener les enfants à s’épanouir, grâce à différentes approches. « Ils font beaucoup de sorties, à la bibliothèque, à l’aquagym, pour favoriser leur développement. Il y a aussi des intervenants à l’intérieur des crèches, ça permet d’attiser leur curiosité. La médiation animale fait partie de cette mouvance : c’est un plus dans l’apaisement des enfants, et dans la découverte de l’animal.
« Je voyais bien que c’était un projet qui lui tenait à coeur, alors je me suis dit pourquoi pas, allons-y. Je crois que Claire a réussi à me convaincre avec sa passion, et un projet bien construit », Liliane Gonthier.
Un élu du village se rappelle : « la crèche s’appelle le Lutin d’Edith car la propriétaire de cette maison s’appelait Edith. Elle fait partie d’une des plus vieilles familles de la commune. Et elle a toujours eu des petits chiens.. Je pense qu’elle aurait été fière qu’on monte un projet comme ça dans la crèche ».
Des projets futurs : la médiation animale à visée thérapeutique
Claire a déjà mis des activités en place, notamment ce fameux slalom avec récompense à la fin de l’exercice. Mais bien d’autres possibilités sont à creuser. « Ce projet est tout récent, on a commencé le 16 août, c’est tout nouveau. J’ai eu pleins d’outils pendant ma formation que j’aimerai mettre en place ».
Dans les mois à venir, Claire aura donc de nouvelles choses à nous raconter. Mais un projet en particulier l’appelle : « en tant que professionnel de la petite enfance, on est amenés à repérer les enfants qui ont des troubles neuro-développementaux (spectre autistique, hyperactivité, TDAH..). On en accueille parfois en crèche. Le contact avec les animaux pourrait aider à communiquer davantage avec ces enfants-là, car parfois on est vraiment en difficulté pour interagir avec eux. L’animal pourra aider les équipes et fera vraiment son rôle de médiateur ». Pour l’instant, l’approche mise en oeuvre à la crèche s’axe principalement sur des jeux ludiques à visée éducative, mais peu à peu, cela pourra aller vers un aspect plus thérapeutique. La médiation animale pourra participer à l’apaisement d’enfants agités, ou encore aider les enfants introvertis à communiquer. Arriver à faire le lien avec le monde extérieur, ce pourrait être ça, le futur rôle de Gimli. Le champ des possibles semble donc infini, il n’y a plus qu’à explorer…