Cuisinière : le mot est cher à Danièle Mazet-Delpeuch, qui s’est toujours présentée ainsi. Danièle Mazet-Delpeuch (prononcer « peu ») avait un caractère trempé, souvent adouci au hasard des rencontres du moment, comme le pain de campagne plongé dans la soupe paysanne qu’elle partageait simplement et délicieusement au coin de l’âtre de La Borderie, sur le causse (truffier) de Chavagnac, propriété familiale où elle inventa au mitan des années 1970 — heureux moyen d’élever ses quatre enfants — de fameux week-end foie gras repris par bien des fermes auberges.
De la terre et du monde
Au-delà de son carré potager, elle y a cultivé ses racines, intactes après ses tours du monde gastronomiques (cours de cuisine et shows culinaires aux États-Unis dans les années 80, mission d’un an en terres australes en 2000 auprès d’une expédition scientifique, séjours d’explorations-démonstrations au Japon dans le sillage de la célèbre Mariko Ueno rencontrée en Périgord, truffière en Nouvelle-Zélande…) et son passage en haut lieu de pouvoir (cuisinière personnelle du président Mitterrand de 1988 à 90, expérience retracée dans ses Carnets de cuisine, qui inspira le film Les saveurs du Palais, avec Catherine Frot).
Femme de la campagne revendiquée
Danièle transposait en cuisine d’éternels combats de femmes pour la liberté, conjuguant tradition et émancipation, sans jamais se départir de délicieuses sentences de persuasion massive, arguments de bon sens servis avec distinction et caractère. Héritage naturel et perspectives raffinées. Ces ingrédients d’un parcours indocile et curieux alimentent une langue féminine commune qui traverse le temps pour se comprendre en silence, en maniant avec talent et inspiration les armes pacifiques et diplomatiques de la batterie de cuisine au service des bonnes choses. Dans le secret de recettes de vie qu’on dévoile finalement aussi peu que celles de cuisine.
Partager et transmettre
Danièle Mazet-Delpeuch demeurait en ce lieu cher où son enfance a véritablement commencé, même née en région parisienne, fidèle au souvenir de sa grand-mère maternelle ; en acceptant quelques escapades parfois lointaines, de moins en moins mondaines, et tout en envisageant, dernier feu d’humanisme, d’accueillir un jour à La Borderie des réfugiés de tous horizons.
La cuisinière-raconteuse-aventurière, comme la baptisait Romain Bondonneau dans Femmes en Périgord, publié en 2022, nous a quittés le 30 septembre, à 82 ans. Elle manque déjà à nos papilles du cœur.