Valérie Guillet maître de conférence, Aurélia Tauzin, Giacomo Mosconi, enseignants à l’IUT, Marie-Claire Besson et Fabrice Claude, respectivement professeure documentaliste, responsable du CDI et professeur de physique-chimie au lycée Laure-Gatet, sont les porteurs de ce projet. L’atout maître de cette conférence dialogue : Léa, Kézia et Nathan, étudiants en génie chimique et génie des procédés (GCGP). Ils ont étudié les phénomènes chimiques et biochimiques de la fabrication du vin, du raisin jusqu’au jus de raisin.
Des lycéens auditeurs et acteurs
Destiné à renforcer les liens entre l’IUT et les lycéens, les conférences-dialogues s’inscrivent dans une démarche différente d’apprentissage. Pour les étudiants, explique Fabrice Claude, il s’agit d’exposer le résultat de leurs travaux en s’exposant au regard critique. Un aspect particulièrement important en sciences. » Paramètre important, les échanges avec la salle, qui nourrissent la démarche scientifique. « Pour les lycéens, poursuit l’enseignant, c’est l’approche d’une matière scientifique autrement, dans un cadre qui ne leur est pas familier. Ils peuvent ainsi voir qu’ils sont préparés à l’enseignement supérieur ».
Le vin, un mélange idéal pour le chimiste
« En caricaturant, explique Valérie Guillet, le vin est constitué de jus de raisin et d’alcool. Il est en réalité bien plus complexe que cela par ses composants et ses constituants. 80 à 90% d’eau, des alcools, notamment l’éthanol, des acides (tartrique, malique, citrique), des sucres résiduels; également des composés aromatiques, (esters et acétaldéhyde), des polyphénols à l’origine de la couleur du vin, et des sulfites ». D’autres facteurs, comme la composition du sol, influent sur les caractères organoleptiques du vin. » La nature de la roche-mère, l’évolution des composants minéraux et organiques, influent sur les caractéristiques physico-chimiques des sols. Les cépages s’y exprimeront différemment.
La production de vin soumise aux facteurs climatiques
L’analyse des vins, celle des sols viticoles montrent les relations entre les propriétés organoleptiques des vins et les facteurs climatiques environnants. « Ainsi, précise l’enseignante, l’ensoleillement favorise la photosynthèse des sucres. Plus le nombre d’heures d’ensoleillement sera élevé, plus le vin contiendra de polyphénols, molécules influant sur les propriétés gustatives (tannins) et sur la robe du vin. La température agit sur l’acidité ; en dessous de 10°, la photosynthèse est déréglée et la vigne ne produit plus. Quant à la pluviométrie, elle peut perturber, surtout en fin de culture, la maturation des raisins. L’excédent de pluie dilue tout ce que le raisin contient, conduisant à un vin de moins bonne qualité. »
Enjeu majeur du secteur de la vigne et du vin, le changement climatique a déjà des conséquences sur les vignobles. L’augmentation des températures, les variations de pluviométrie, le stress hydrique, les aléas climatiques, provoquent l’avancée de la date des vendanges, la baisse des rendements, ainsi que la modification des caractéristiques des vins. Deuxième producteur de vin au monde avec 37,6 millions d’hectolitres, l’enjeu est de taille pour la France. Il nécessite déjà depuis plusieurs années l’adaptation des viticulteurs et des viniculteurs.
La seconde vie du vin
« Longtemps considérés comme des déchets, les sous-produits du vin sont aujourd’hui valorisés, explique Giacomo Mosconi, enseignant GCGP à l’IUT. Les marcs de raisin, les lies et les vins excédentaires sont récupérés par les viticulteurs et livrés aux distilleries, notamment celle de Coutras (UCVA). »
« Résidus solides constitués de la peau, des rafles, de la pulpe et des pépins, précise l’enseignant, les marcs de raisins sont ensilés, compactés et drainés. Le jus récupéré est distillé pour produire du biocarburant et de l’alcool pur. Ce qui reste du marc est séché et pressé. Une partie est consacrée à la nourriture animale et l’autre alimente le séchoir. »
Dépôts liés à la fermentation ou au stockage, les lies sont distillées et transformées en vinasse ; elle-même transformée en biogaz par la méthanisation. Les pépins de raisins serviront à produire de l’huile et les rafles finiront en compost.
Au terme du procédé, le tartrate de calcium produit sera utilisé comme conservateur alimentaire ou retardateur du séchage du béton et du plâtre.
Ces sous-produits, transformés et valorisés en co-produits montrent si l’on en doutait encore que « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
Exposer et s’exposer
Dans le cadre de leurs activités d’ouverture et de personnalisation (AOP), Léa Dupin, Kézia Garrigues et Nathan Saussier ont procédé à la fermentation de jus sucré, issu du raisin et à l’analyse du vin obtenu. Un projet qu’ils ont réalisé en autonomie avec l’appui et l’écoute de leurs professeurs.
Après des recherches bibliographiques, les étudiants ont visité le château Sainte-Marie à Libourne et ont élaboré un plan d’action. Ils ont choisi du raisin muscat et du raisin de table, qu’ils ont compressé à l’aide d’une presse pneumatique, pour récupérer les jus.
Ils ont procédé à plusieurs analyses pour étudier l’évolution des différentes molécules au cours de la fermentation. À l’aide d’un réfractomètre à main, ils ont mesuré le degré Brix, (pour connaître le taux de sucre et la densité), et le titre alcoolémique volumique par densimétrie électronique. La chromatographie en phase liquide à haute performance leur a permis de rechercher les acides organiques du vin.
La cuvée de l’IUT pas encore à maturité
La fermentation alcoolique s’est déroulée sur une période de 30 jours, mais il n’a pas été possible d’obtenir un vin du fait du taux d’alcool trop faible. Le jus de muscat présentait un taux de 6,1%, insuffisant pour être qualifié de vin. « En effet, ce taux, rappelle V. Guillet, doit être compris entre 8,5 et 15%. »
Les étudiants ont ainsi pu formuler des hypothèses et les exposer. Plusieurs facteurs peuvent selon eux expliquer le résultat : Le conditionnement en bouteille et non en barriques, le fait que les bouteilles étaient à température ambiante, sans chauffage, alors que l’IUT était fermé deux semaines durant les vacances de Noël. Enfin, la durée de fermentation trop courte.
Une vraie expérience scientifique stimulante où la chimie s’est exprimée à chaque étape.