Florence Amardeilh, codirigeante de Elzeard, structure adhérente de la FTPV, indique d’emblée ce qui a motivé son investissement dans une démarche RSO (responsabilité sociétale des organisations) : une expérience précédente chez un éditeur de logiciels, à Paris, dont le fondateur a été évincé… et les valeurs humaines qui allaient avec, aussi.
En créant leur startup en 2019 pour préparer l’application dédiée aux maraîchers qu’ils ont commercialisée ce début décembre, après des mois de labeur, les trois fondateurs se sont attachés en premier lieu à lui donner des statuts de l’ESS (économie sociale et solidaire). « C’est une entreprise à mission dont l’objectif consiste à réinstaller des fermes sur le territoire, pour accompagner les producteurs dans leur quotidien, de la planification jusqu’aux livraisons, pour pérenniser l’activité et fixer des emplois indirects en ruralité. Il n’y a pas encore beaucoup de tech dans l’ESS… Les jeunes cherchent pourtant des entreprises sur des critères de valeurs et nous avons pu recruter sans problème. Nous avançons en coconstruction avec les salariés, nous travaillons aussi des solutions avec les parties prenantes : ainsi, nous n’avons pas écrit une ligne de code pendant deux ans, nous avons surtout été au contact des exploitants de toutes sortes, bio ou pas, circuit court ou pas, des chercheurs et techniciens pour les questionner. » La méthode, résolument inclusive, prend aussi en compte les spécificités du numérique en agriculture, avec des données sensibles liées à la charte datagri : Elzeard est labellisée par le pôle de compétitivité spécialisé Agri Sud Ouest Innovation et a obtenu le label Agri0, ouvrant au fond French Tech Seed.
Partager pour faire “mieux” plutôt que ”plus”
L’aboutissement du projet, c’est un modèle de données ouvert et évolutif, partagé en open source avec une communauté. L’application fonctionne avec un simple navigateur web, en multi-supports et hors connexion, et s’intègre à des standards existants pour un produit tout en un. Florence Amardeilh a suivi le programme Économie de la Fonctionnalité et de la Coopération (EFC) de l’Agence de développement et d’innovation (ADI) Nouvelle-Aquitaine, avec un accompagnement pour favoriser l’économie circulaire plutôt que vendre toujours plus, et proposer des services autour de produits existants. La startup tient aussi à réduire l’empreinte numérique et être moins gourmande en échanges de données, pour moins dépendre de datacenters : « bref, faire mieux plutôt que plus ». Une nouvelle économie raisonnable et collaborative. Cela ouvre donc des perspectives, au-delà de l’édition de logiciels : formation, services et fonctionnalités associés…
L’essence même de la startup est de continuer à soutenir des agriculteurs légumiers et maraîchers qui ont été en première ligne sur le front de la crise sanitaire, ne pas lâcher les circuits courts et travailler à la racine à l’heure où bien des intervenants du numérique cherchent plutôt à “verdir” quelques ramures de leur activité. Les consommateurs sont plus sensibles aussi à ce défi.
Des fonds financent des projets à impact et de plus en plus d’indicateurs clignotent au vert sur ce type d’écosystème : cela permet de faire émerger des initiatives qui avaient du mal, jusque là, à lever des fonds. Dans une Région Nouvelle-Aquitaine qui exprime un intérêt réel, et ancien, pour l’innovation sociale : ce chemin du changement va au-delà de la communication puisqu’il est porteur de recrutement, de création d’activité. Elzeard creuse le sillon de l’ESS à la lisière des mondes digital et agricole, avec d’autres idées pour l’arboriculture, l’agroforesterie, etc. pour pousser des pratiques agricoles qui aident à prévenir plutôt que traiter. « Nous allons aussi recenser des itinéraires culturaux, collecter des données et cocréer une base de connaissances au bénéfice de la filière, à partager avec des jardins ouvriers ou familiaux… pour contribuer au bien commun.»
À écouter sur BIEN en Périgord : l’intervention de Céline Lassort (Suez) sur la RSE.