À 53 ans, cet ingénieur, père de trois enfants, au parcours professionnel atypique, partage avec ses lecteurs ses questionnements philosophiques et éthiques.
Une quête professionnelle de sens et d’utilité
Après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur en génie civil, Emmanuel Dufour prolonge par un DEA en mécanique des sols. Se destinant à la recherche expérimentale, il prépare un doctorat. Mais la lourdeur du quotidien des directeurs de recherche qu’il entrevoit ne le séduit pas. Il soutient néanmoins sa thèse dédiée à son père, lui-même ingénieur et auteur du barrage de Kéban en Anatolie.
S’appuyant sur ses prédispositions en informatique, il intègre en 2002 une société de services en ingénierie informatique en région parisienne ; il y travaille pour le secteur de la banque et de la finance de marché. Une expérience professionnelle de près de dix ans qui lui laisse un goût amer.
Les conditions de travail, métro, boulot dodo et quotidien en open-space, ne l’épanouissent guère; surtout, il ne supporte plus de contribuer à un système qui heurte ses valeurs.
« En travaillant pour la finance, je participais à enrichir des gens déjà très riches, au prix de l’appauvrissement de gens dans le monde qui sont déjà très pauvres ». Et d’argumenter. « La finance de marché ne produit pas de valeur elle-même, c’est uniquement de la spéculation. Elle s’appuie sur les mêmes théories mathématiques que les jeux de casino. Pour que quelqu’un gagne, quelqu’un à côté doit perdre ».
S’il gagne très confortablement sa vie, le stress, le sentiment de ne pas être utile voire d’être néfaste en contribuant à un système pernicieux le taraudent. Le soutien et les conseils de son ex conjointe le conduisent progressivement à envisager une bifurcation professionnelle.
Plutôt intéressé par les métiers en lien avec le bâtiment, il passe son CAP de plombier ; il poursuit avec une spécialisation de frigoriste. En 2011, il crée son entreprise en Corrèze où sont installés ses parents. Une entreprise rapidement prospère, grâce au bouche-à-oreille et à l’engouement de la clientèle pour les clims et autres pompes à chaleur.
Rendez-vous avec soi
Fin 2005, alors qu’il travaille pour la société de services en ingénierie informatique, il écrit les premières lignes de son premier roman Rendez-vous ; il se rend compte à quel point l’écriture le rend heureux.
Pourquoi aller chercher très loin ce que l’on porte en soi ?
Dès lors, conjuguant activité professionnelle et passion, il profite de tous ses instants de liberté pour laisser libre cours à son imagination. S’il met neuf ans à terminer Rendez-vous, l’envie, la motivation, alimentent sa créativité. L’écriture prend de plus en plus d’importance dans sa vie. Les écrits de son adolescence laissent la place à une écriture plus mature, plus politique.
Au fil des années, il instaure un rythme, une organisation plus rigoureuse, y compris lorsqu’il devient chef d’entreprise. Les matins très tôt avant de partir sur les chantiers, les week-ends, autant de rendez-vous avec lui-même qui bientôt ne lui suffisent plus. Les deux confinements lui offrent l’opportunité d’augmenter la cadence. Il écrit Ogres, un thriller technologique et philosophique en seulement quelques mois.
Cette écriture salvatrice, oxygénante, l’imprègne toujours plus, et, comme une respiration, remplit son existence. Désireux de lui laisser encore plus d’espace, il réduit son activité d’un quart et y consacre tous les jeudis.
Entre-temps, il a fait la connaissance d’Andreea et nourrit le projet de la rejoindre en Périgord. Un département découvert à travers sa culture, son histoire et sa gastronomie à l’occasion d’un séjour de deux semaines, organisé par les profs de son collège, et dont les souvenirs sont encore vivaces. À la fin de l’année 2022, Emmanuel cède son entreprise, loue sa maison et débute un nouveau chapitre de sa vie en Périgord. Il y travaille désormais à un prochain roman d’anticipation se déroulant en 2050. Il y questionnera les funestes conséquences sociales, humaines, géopolitiques du monde de demain, englué dans les répercussions du changement climatique et de la progression inexorable de l’intelligence artificielle.
Ogres, un suspense haletant que l’on ne lâche à regret qu’à la dernière page. Mêlant les principes du thriller et du roman d’anticipation, l’auteur nous pousse à la réflexion quant à notre proche avenir, et imagine un dénouement pas si irréaliste que cela. Sans doute l’issue la plus respectueuse des humains que nous sommes, de notre planète et de tous les êtres qui la constituent.
Un roman, que le style d’Emmanuel Dufour rend très visuel et dont on verrait bien les droits repris pour le tournage d’un film.