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Du bois dont on fait de la chaleur

Plan du réseau avec extension © Ville de Périgueux
QUELLE ÉNERGIE ! Le réseau alimenté par la chaudière biomasse du quartier Bertran de Born serpente sous 7,3 km à travers Périgueux. Il utilise du bois provenant de forêts et de scieries du Périgord.

Quel est le point commun entre la piscine Lakanal, la clinique Francheville, la résidence Sainte-Ursule, le collège Montaigne, les archives départementales, la Sécurité sociale et le musée Vesunna ? Il font partie des 58 bâtiments de Périgueux alimentés par la chaufferie biomasse dont on voit émerger la cheminée entre la gendarmerie et la caserne des pompiers, toutes deux également reliées à ce réseau de chaleur à énergie bois. Mis en service en 2018, il a été souhaité par la Ville et confié au groupe multinational Engie pour sa construction et sa gestion.

Lors de l’inauguration de l’extension © H.C.

Grâce à une nouvelle extension mise en service fin 2024, il s’étend désormais sur 7,3 km depuis le quartier Bertran de Born, à travers Vésone vers l’ouest, à l’est à travers Saint-Georges Les Mondoux et au nord jusqu’au théâtre l’Odyssée.

Lors de l’inauguration du nouveau tronçon, le 18 février au musée Vesunna, le premier adjoint au maire Émeric Lavitola a parlé « d’énergie locale et renouvelable » et de « décarbonation écologique ». La chaufferie fonctionne pour 82 % avec du bois collecté à 80 km maximum de Périgueux, représentant 7300 tonnes par an. Deux chaudières à gaz assurent l’appoint ou le relais.

Bois d’élagage et déchets de scieries

Laurent Bouchard, directeur régional d’Engie Solutions, ne pouvait qu’aller dans ce sens, en ajoutant l’avantage économique. Avec la forte hausse des prix du gaz, le bois est devenu beaucoup plus compétitif, permettant au moins une économie de 5 % à ses clients.

Plaquettes forestières de bois déchiqueté © Fibois

Dans un département forestier comme la Dordogne, la ressource est abondante et utile à la filière. « Grâce à un maillage de fournisseurs sur le terrain, nous utilisons des bois d’élagage, d’éclaircies, des écorces et des déchets de scieries qui sont transformés en plaquettes forestières contenant de 30 à 40 % d’humidité », explique le responsable d’Engie.

Une « écologie gagnante » assurait le secrétaire général de la préfecture, Nicolas Dufaud, dont les services de l’État installés à la cité administrative sont désormais raccordés. Le bois fait partie des énergies renouvelables « dont la part est actuellement de 22 % en Dordogne, avec un objectif à 30 % dans les années à venir ». La combustion du bois produit moins de CO² que le gaz ou le fuel.

Récupération de la chaleur fatale

Ces installations sont largement financées par l’Ademe, l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui a apporté 970 000 euros de subventions sur trois millions investis dans cette extension.

Face aux questions et aux débats autour de l’exploitation de la ressource naturelle,  Mathieu Anglade, le directeur régional de cette agence d’État, défend son utilisation, surtout dans notre région : « nous n’avons pas de signaux de déforestation, la ressource est bien présente et les conditions d’exploitation sont bonnes. Toute la filière forestière est accompagnée ».

La replantation serait assurée jusqu’à deux arbres pour un coupé : « nous sommes dans une économie circulaire ». Les acteurs rappellent que l’énergie produite par le bois local remplace des énergies fossiles importées : « il faut raisonner globalement ».

La chaufferie est située boulevard Bertran de Born © H.C.

Du côté des chaufferies, l’accent est mis sur un matériel « de plus en plus performant, notamment sur la filtration des particules, qui n’ont rien à voir avec celles des cheminées domestiques », assure Engie. La récupération de la chaleur dite fatale perdue dans la nature, comme celle produite dans la chaufferie, s’améliore pour d’autres usages, notamment pour la production de froid.

Ouvert aux particuliers

D’autres idées d’extensions du réseau de Périgueux pour les années à venir sont évoquées, peut-être vers les autres chaufferies existantes (Chamiers, Gour de l’Arche) et de nouveaux bâtiments à raccorder dans le centre. Les particuliers situés sur le trajet du réseau peuvent s’abonner ; ils sont actuellement seulement une quinzaine.

Une opportunité pour l’archéologie

Ce vaste chantier à travers Périgueux, et notamment dans le quartier gallo-romain, a été accompagné par des archéologues. La société Evéha de Limoges a suivi ses différentes étapes. Le responsable d’opération, Pierre Dumas-Lattaque, a régulièrement présenté au musée Vesunna les découvertes faites dans les fondations de la chaufferie et les tranchées dans lesquelles passent les tuyaux. Il a également fouillé le site de la chaufferie avant sa construction.

L’archéologue Pierre Dumas-Lattaque et la carte de Vesunna antique © H.C.

Ces fouilles, obligatoires pour tout chantier, ont permis de compléter la carte antique de Périgueux où la vaste cité de Vesunna est enfouie parfois sous plusieurs mètres. Ces sondages sont un peu frustrants, car limités au passage des tuyaux. Ainsi, les archéologues ont pu trouver une rue bordée de bases de colonnes d’un mètre de côté vers la rue du 26e Régiment d’Infanterie, mais sans pouvoir dépasser de quelques mètres pour en savoir plus.

Boucle bouclée. Les axes nord-sud du cardo et celui du decumanus est-ouest (voies centrales des villes romaines) sont complétés par leurs observations. Un quartier de potiers a été découvert du côté de la rue Claude Bernard et une vaste pièce a été reconnue à proximité de la domus. Le péribole, l’enceinte du temple de la tour de Vésone, est désormais un peu mieux connu.

La domus de Vesunna était déjà chauffée au bois du temps des gallo-romains, avec un petit réseau de chaleur par le sol et ses fameux hypocaustes. Un retour sur histoire à découvrir lors d’une visite du site !