Le premier, en février, c’était La Rampe. Il avait fait le plein des gradins du petit théâtre du Palace à Périgueux. C’était un spectacle fort racontant les rafles et les déportations durant la Deuxième Guerre mondiale en Dordogne. La rampe, c’est celle où étaient triés les prisonniers arrivant en train au camp d’extermination d’Auschwitz.
Le deuxième, en juin, au Centre départemental de la communication Joséphine Baker, c’était Le fusil tordu, inspiré de l’étrange anecdote d’un soldat périgordin racontant la débacle durant la drôle de guerre, en 1940. Cette deuxième histoire se déroulant dans le Périgord occupé, nourrie de témoignages et d’anecdotes de témoins de l’époque, avait été commandée par le Département dans le cadre des commémorations de 1944.
Contenu historique
Pour ces deux spectacles au contenu historique, Patrick Ochs était seul en scène pour raconter avec sa belle voix profonde et sa gestuelle expressive, l’histoire de Max. Ce personnage fictif incarne des épisodes vécus par des Périgordins bien réels comme le jeune résistant Ralph Finkler, la Juste Hélène Dupuy, l’agente de liaison Valentine Bussière, le réfugié juif Willy Gruska et bien d’autres encore. L’ambiance est assurée par de vieilles chansons nostalgiques choisies par Isabelle Kostrzewa, qui accompagne l’auteur dans ses récits comme dans la vie.
Une obsession qui vient de loin
Patrick Ochs, qui a mis un terme à sa carrière de chanteur du groupe Rue de la Muette, avait envie de passer à autre chose. À la veille de fêter ses 70 ans, il s’est replongé dans le passé familial, toile de fond de ses créations artistiques. Le nom de son ancien groupe musical vient de la cité de Drancy, près de Paris, où les juifs raflés étaient internés avant d’être déportés. Une obsession qui vient de loin. « Quand on a eu une mère juive de Pologne, un père juif allemand, qu’une partie de sa famille a été déportée, on ne peut pas oublier. » Ses parents ont réussi à traverser la difficile période de l’Occupation. « Mais quand j’étais enfant, mon père m’amenait en Allemagne pour me montrer d’anciens nazis », se souvient Patrick Ochs.
Précision et connaissances
Son personnage de Max, arrêté près de la gare de Périgueux, torturé par la Gestapo, est envoyé à Auschwitz puis dans d’autres camps. L’artiste a ciselé un texte dont la véracité a été encadrée par les connaissances de l’archiviste historien Bernard Reviriego. « Il faut être très précis et rester concentré dans le récit, c’est un spectacle mémoriel, explique Patrick Ochs, c’est à la fois un travail d’histoire, mais aussi de la poésie, de la bande dessinée et un peu un travail de militant. » Pour cette création engagée, Isabelle Kostrzewa parle de ”poésilitique“.
Année de commémorations
Face à la vague d’antisémitisme et aux idées qui reviennent avec l’extrême-droite, Patrick Ochs pense faire œuvre utile. Il cite Élie Wiesel : « Si je ne vous raconte pas cette histoire, de ces résistants, de ces roms, de ces migrants, de ces inadaptés, qui pourra la raconter ? Nous étions les premiers mais les suivants ne le seront plus ».
Isabelle Kostrzewa souligne le texte avec ses ambiances sonores de musiques des années quarante. « Il est important de soutenir l’attention et la curiosité du public. Nous rappelons aux jeunes que ce sont des faits réels. » Depuis leur création à Périgueux, les spectacles tournent. À Toulouse, Angoulême, Bayonne, Le Fusil tordu à Chancelade, Nontron et ils reviendront à Périgueux.
Un troisième volet en novembre
Le duo prépare déjà un troisième volet pour le mois de novembre à Périgueux autour du thème des enfants juifs cachés. Cette trilogie mémorielle a tout son sens pour cet anniversaire des 80 ans de 1944, année charnière qui a vu en Dordogne comme en France à la fois les pires massacres de la guerre et la Libération.
Les souvenirs de Rue de la Muette
Patrick Ochs est bien connu en Dordogne depuis 1999 pour son groupe de rock au son original, Rue de la Muette. Durant plus de vingt ans, il a fait vivre un univers peuplé d’ours savants, de cirques improbables, d’enfants soldats et de sa mère qui traîne au café, titre de sa chanson la plus connue. « Ma mère Tauba Ochs venait à la sortie de mes concerts pour dire au gens qu’elle n’allait pas dans les cafés », s’amuse l’artiste avec émotion, en mémoire de sa maman disparue. Le groupe a enregistré huit albums dont certains dans des labels comme le Chant du monde. Il a tourné dans toute la France et même à l’étranger, avec ses airs klezmer inspirés des juifs ashkénazes d’Europe de l’Est. Patrick Ochs est, depuis, passé à la photo, inspiré par le monde du cirque et des parcs zoologiques.
Isabelle Kostrzewa a touché à tous les domaines artistiques notamment en organisant des concerts, elle est aussi photographe et a exposé à l’Artothèque de Trélissac autour du handicap et au Maap de Périgueux sur des thèmes féministes.