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Des dessins dévoilés dans la grotte de Rouffignac

PRÉHISTOIRE. Des mammouths gravés et un visage humain très expressif, situés dans des parties difficiles d’accès, sont présentés grâce à deux fac-similés.

Aux portes du Périgord noir, Rouffignac est l’une des rares grottes ornées originales encore ouvertes au public. Depuis 1959, la famille Plassard, propriétaire de ce site dans un environnement naturel, le préserve et le fait visiter dans un petit train électrique fabriqué maison. Sur un vaste réseau de six kilomètres de galeries, à peine un kilomètre est accessible au public, mais il permet d’observer quelques uns des plus beaux dessins laissés par nos ancêtres d’il y a 17 000 ans.

Le petit train de la grotte de Rouffignac
Le petit train de la grotte © famille Plassart

Ils sont exceptionnels. « On trouve ici plus de mammouths que dans toutes les autres grottes ornées connues en Europe », résume Frédéric Plassard à la fois docteur en Préhistoire et gérant de la société familiale qui exploite la grotte depuis son grand-père. Baptisée “la grotte aux 100 mammouths”, Rouffignac en compterait 170 dessinés ou gravés. Mais tous ne sont pas visibles, car trop loin ou d’un accès compliqué.

Pour compléter la visite, il a décidé de faire reproduire deux panneaux inaccessibles au public : le plafond du salon rouge, qui recèle six figures géantes de mammouths gravées dans une fine pellicule d’argile ; et les dessins, dont un profil humain, sur une grande roche blanche située au fond d’un puits de six mètres de fond.

Un panneau découpé en six morceaux

e rocher dessiné au manganèse avec sa tête humaine entre Alain Dalis et Frédéric Plassart
Le rocher dessiné au manganèse avec sa tête humaine entre Alain Dalis et Frédéric Plassart © H.C.

Ces deux fac-similés, installés dans un coin sombre près de la sortie, complètent la visite. Frédéric Plassard les a commandés à Alain Dalis, le gérant de la société Arc et Os de Montignac, grand spécialiste des moulages et des reproductions préhistoriques. Ce Périgordin a réalisé une partie des fac-similés de Chauvet, en Ardèche, et de Cosquer, à Marseille, ainsi que des commandes un peu partout, dont la Russie. Les travaux complexes ne lui font pas peur : pour le grand plafond de huit mètres de long, il a réalisé un panneau suspendu de 600 kilos qu’il a dû découper en six morceaux pour le faire entrer dans la grotte.

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Le vaste plafond présenté à la sortie avec Frédéric Plassart et Alain Dalis © H.C.

Pour la réalisation, Alain Dalis a utilisé les relevés en 3D très précis de l’ingénieur Xavier Muth. La reproduction des supports a été commencée avec sa fraiseuse numérique géante fabriquée maison, assurée et modelée par de savants mélanges de matériaux, achevée avec la précision de l’œil humain et de la main pour reproduire les traits des dessins. À Rouffignac, ils sont noirs, réalisés avec du manganèse, et rouge ou brun avec de l’argile trouvée dans la grotte. Pour cette commande il a appelé en renfort deux autres artistes expérimentés en fac-similés, avec le regard d’expert de Frédéric Plassard, qui n’était jamais loin.

Le visage de notre ancêtre

L’intérêt, c’est de pouvoir approcher au plus près des œuvres reconstituées avec une très grande fidélité et nettoyées des scories de l’histoire, comme des graffitis contemporains. La grotte et ses œuvres n’ont été authentifiées comme préhistorique qu’en 1956 après une difficile controverse entre préhistoriens. Elle était bien connue depuis des siècles et ouverte à tous les vents, donc sans protection pour ses fameux mammouths. Le restaurateur Eudald Guillemet est intervenu dans les années 1990 pour enlever les graffitis les plus gênants.

Le fameux profil humain de Rouffignac
Le fameux profil humain © H.C.

Le choc, c’est la vision toujours rare d’un visage, certes caricatural, mais très humain d’un de nos ancêtres de la Préhistoire. Un homme à l’œil globuleux et au nez massif apparaît de profil avec un large sourire. « Ces représentations sont souvent associées à des bisons, comme celle bien connue du puits de Lascaux », remarque Frédéric Plassard. C’est donc le cas ici avec des animaux au trait sûr. Il n’y a pas que des mammouths à Rouffignac.

Parcourant la grotte depuis son enfance, le propriétaire reste toujours admiratif du talent de nos ancêtres et songeur autour des grandes questions qui les ont amenés à aller dessiner au fin fond des cavernes, avec les moyens limités d’éclairage de l’époque. Les tentatives d’explications ne manquent pas, mais le préhistorien reste prudent : « Scientifiquement il faut parfois s’en tenir à dire, je ne sais pas ». Et profiter de leur talent de dessinateurs du fond des temps.

Conservation et réouverture

Frédéric Plassart devant le plan de la grotte
Frédéric Plassart devant le plan de la grotte © H.C.

Après la fermeture hivernale annuelle, la grotte de Rouffignac a rouvert au public ce dimanche 6 avril. Le public pourra découvrir ces nouvelles reproductions après la visite commentée des œuvres originales. Le déplacement en petit train participe à la conservation du site. Le public éloigné des parois ne risque pas toucher les œuvres. La respiration des visiteurs, qui n’ont pas d’effort à faire, apporte moins d’humidité et de gaz carbonique néfastes à la conservation de ce milieu fragile.

La présentation de ces fac-similés, à deux pas de la sortie de la grotte, n’augmente pas trop la présence humaine limitée à 60 000 visiteurs par an, avec un maximum de 550 par jour. Tout le monde a en tête la surexploitation qu’a vécue la grotte de Lascaux durant une vingtaine d’années, qui a mis en danger ses fabuleuses peintures. Sa fermeture au public en 1963 et la réalisation de fac-similés préservent l’original pour les générations futures.

Autre nouveauté cette année : des réservations en ligne bien pratiques. Mais quelques créneaux sont conservés pour des visiteurs arrivant au dernier moment.