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Des BD qui font la peau aux discriminations

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TEXTES ET IMAGES. Améli Gorgues et Jérémie Courean, auteurs de bandes dessinées engagées, ont créé à Bergerac les éditions des Trois canards pour éditer leurs ouvrages et ceux d’autres auteurs si affinité. Ils seront présents au Festival de la BD d’Angoulême du 31 janvier au 2 février prochains.

Ils signent Anormally et Crouch, mais ce ne sont pas des personnages de BD. Dans la vraie vie, Améli Gorgues et Jérémie Courean éditent des livres : les leurs d’abord et ceux d’auteurs qui croisent leur route et avec lesquels « le feeling passe ».

Leur maison d’édition des Trois canards est bel et bien une vraie maison, auto-construite en bois blond, chaleureuse avec sa vue sur les collines au nord-ouest de Bergerac. C’est là qu’ils créent leur première bande dessinée, intitulée “Coup deux barres”, sur le thème de la grossesse non désirée et de l’avortement. « En fait, c’était notre histoire et on a souhaité l’écrire », explique Jérémie.

Pour ce faire, ils rencontrent l’autrice Désirée Frappier qui avait écrit sur le sujet (“Le choix” illustré par Alain Frappier, une BD publiée en 2014 à l’occasion des quarante ans du vote de la loi Veil sur l’IVG, NDLR). Elle préfacera leur BD qui sera éditée par une maison d’édition bordelaise. C’est un bon début qui leur ouvre des perspectives en matière de bandes dessinées qui ont des choses à dire et à revendiquer.

Mais le couple veut aller plus loin dans une démarche d’autogestion. « Notre travail devait refléter nos valeurs aussi bien pour les messages qu’il faisait passer que dans sa démarche créative », poursuit Améli. Décision est prise d’éditer soi-même les prochains ouvrages : les éditions des Trois canards étaient nées.

Une complémentarité fructueuse

Parmi les spécificités des deux jeunes créateurs, leur parfaite complémentarité est un atout. Capables de dessiner et d’écrire tous les deux, parfois, mais pas toujours, ils se répartissent les rôles. Ainsi Jérémie peut tracer les dessins (au crayon ou sur la tablette, au choix) qu’Améli s’emploie à revêtir d’une riche palette de couleurs. Les textes naissent d’une réflexion conjointe, mais c’est souvent Améli qui tient le stylo. Cette complémentarité est fructueuse et des BD paraissent à un rythme régulier.

Ainsi “À quoi tu joues” interroge les stéréotypes identitaires. Cette BD, qui s’adresse à un jeune public, sera la première d’une longue série.

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De l’isolement forcé du confinement émergera “Vent de face”, un ouvrage de témoignages magnifiquement illustré sur ces sujets identitaires qui divisent notre société : la transidentité, le port du voile, le handicap, les réfugiés… « C’était aussi l’occasion pour nous de donner la parole à des personnes invisibilisées, de les faire parler de leur vie. On s’est appuyés sur des statistiques que nous évoquons dans la BD pour donner le contexte social », souligne Améli.

Le sillon de l’engagement

Les deux auteurs s’orientent donc vers la dénonciation de toutes les discriminations. Ayant trouvé leur style, ils vont creuser ce sillon. Ils sont repérés à ce titre par des librairies engagées, comme la Mauvaise herbe, à Eymet (où ils ont fait une présentation de leur travail en juin dernier à l’occasion du Mois des Fiertés), Les mots à la bouche à Paris, La confiserie à Rabastens, dans le Tarn, ou encore Mazette, une librairie-jeux à Mazères, en Ariège.

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Travaillant au contact des jeunes pour des animations lors d’ateliers périscolaires, Améli et Jérémie décident d’écrire et de dessiner aussi pour les enfants. Avec “Kléa apprend le consentement”, ils abordent la question délicate du rapport enfant-adulte et ses interdits. « C’est une BD qui met en scène un chat et une petite fille pour que le message passe, sans choquer, auprès des plus jeunes, à partir de 4 ans », raconte Jérémie. Les auteurs ont pensé, avec cette BD, offrir un outil dont pourraient s’emparer les parents et les enseignants pour aborder ce sujet sensible dans un but de prévention. Ils réitèrent avec un ouvrage écrit en rimes pour que la musicalité du texte lu puisse toucher des enfants dès 2 ans. Leur BD, joliment intitulée “Juste un bisou”, est sous-titrée “Et puis quoi encore ?”

Enfin pour compléter ces ouvrages pour enfants, un cahier de coloriage leur est destiné. Il serait très efficace, assurent les auteurs qui l’ont testé dans leurs ateliers en classe, pour sensibiliser aux questions de genres : « Colorier, c’est fun, les enfants adorent, surtout lorsque ça montre des filles qui jouent dans un groupe du rock ou qui font du foot ».

S’ouvrir aux autres

Les éditions des Trois canards sortent régulièrement des ouvrages d’auteurs sensibles aux mêmes causes. Essentiellement des BD, qu’Améli et Jérémie ont parfois contribué à illustrer, comme c’est le cas pour “Yaya” de l’autrice bergeracoise Caroline Coudray qui parle de l’hyper-sensibilité.

Parfois le texte et les dessins leur sont fournis, comme pour “Viens on joue” écrit par un psychanalyste. Ils ont même édité un ouvrage qui n’est pas une BD : l’Atelier des miracles est une réflexion sur l’émergence des ateliers d’auto-réparation.

Dernier en date, envoyé à l’imprimerie (locale car il faut être logique jusqu’au bout !) ces jours-ci : “Papa, ça pousse où le jambon ?”. Préfacé par le chroniqueur radio Guillaume Meurice, ce livre traite du rapport de l’homme à l’animal.

Fortes de valeurs humanistes et d’un engagement assumé en faveur de l’inclusion, les éditions des Trois canards font souvent appel au financement participatif via la plateforme Ulule. Pour découvrir et soutenir leur démarche originale, on peut aussi acheter leurs BD via leur site, où elles sont toutes proposées à la vente.

Les trois canards au festival de la BD d’Angoulême

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Bien-sûr que nos BD-istes ne vont pas louper si belle occasion de faire connaître leur travail et de rencontrer des collègues. Les éditions des Trois canards seront présentes les trois jours du Festival de la Bande dessinée d’Angoulême qui se tient jusqu’au 2 février.

Vous pourrez les retrouver durant les trois jours sur le festival dans la Bulle du nouveau monde, sur l’espace réservé aux auteurs indépendants.

Pour ceux qui voudraient les rencontrer sans passer par la case billetterie, ils seront aussi présents dans la partie gratuite du festival ce samedi 1er février de 14 à 17 heures, en présence de l’association militante ADHEOS, LGBT & friendly.