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Derrière l’IA, l’humain

© Cogitime
IA & RH. L'assistance était nombreuse dans l'amphithéâtre du Grand Périgueux en fin d'année pour aborder le thème de l'IA au service du recrutement et de la gestion du personnel... De quoi réfléchir à la portée humaine de cet outil qui trouve sa place dans notre cadre de travail.

Si l’IA générative se présente comme un apport technologique au service de l’humain, les humains en question se sentent parfois menacés dans leurs emplois et ce qu’elle peut leur enlever plutôt que leur apporter. La soirée proposée par la Maison de l’emploi du Grand Périgueux, la Digital Valley et Cogitime a abordé les bons côté de l’IA mise au service du recrutement et de la gestion du personnel. Guillaume Grall, directeur de Digital Valley, et Sébastien Aulnette, fondateur et dirigeant de Cogitime, société spécialisée dans la transformation numérique, ont dans un premier temps rappelé le principe et le fonctionnement de « la machine », son évolution rapide avec internet, le cloud et le big data, comment elle se nourrit d’entraînements successifs, se gonfle de données pour produire un contenu « original ».

Culture IA

Dans la série « tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’IA sans oser le demander », la rencontre a donc d’abord jeté des bases. L’un des soucis de cette vedette numérique est qu’elle ne sait pas dire « je ne sais pas » et produit parfois des « hallucinations » en livrant la réponse statistiquement la plus plausible. Tout réside donc dans l’art du prompt, la manière de donner les instructions à l’IA, sachant que ce processus produit des préjugés forgés par les données avec lesquelles on l’a « éduquée ». Les fameux biais bien connus aussi dans la nature humaine.

Au-delà du fameux ChatGPT (le « coca cola des IA » avec déjà 500 millions d’utilisateurs et 200 milliards de dollars de CA), une galaxie d’outils existe pour chaque cas d’usage (Copilot, Claude, Gemini, etc.)

Comment formuler correctement un prompt ? Commençons par les erreurs à éviter : rester trop vague, ou donner trop d’informations et instructions complexes sous peine d’incohérences.  » Il faut accepter de passer du temps au début pour en gagner ensuite », assurent les deux experts. Mieux vaut y aller doucement, décomposer la demande. Ainsi, pour le thème du recrutement et des RH choisi pour cette soirée, l’IA doit se nourrir de ce qui structure un poste : définir un rôle, donner une tâche, un objectif, un contexte, une expertise, un ton, des contraintes, un format, avec des exemples à la clé, pour guider.  » Et toujours se montrer directif dans les prompts, car l’outil est souvent pensé en anglais, donc il y a déperdition avec les traductions, mieux vaut éviter d’ajouter les formules de courtoisie »… à ne pas reproduire avec ses équipes bien sûr !

Automatiser pour gagner du temps

Guillaume Grall et Sébastien Aulnette © Cogitime

Pour aller plus loin, il faut enchaîner les prompts (workflow).  » J’ai trouvé un workflow qui enchaîne une trentaine de prompts et définit tout le profil d’un persona marketing pour une entreprise », assure Guillaume Grall. Pour un GPT personnalisé, il convient de dire à l’outil qui on est, « l’entraîner avec nos propres données pour qu’en connaissance du contexte il produise des résultats adaptés« . Une autre étape consiste à automatiser (fonction indissociable de l’IA !) les tâches à partir de ce qui a été fait avant : tout s’enchaîne à partir d’une commande.

L’intégration de l’IA aux outils de travail internes de l’entreprise (CRM, ERP, gestion client et comptable…) reste l’étape la plus compliquée, il faut donc bien choisir et intégrer l’IA. Un accompagnement est alors nécessaire car « c’est un projet informatique, avec des interfaces à mettre en place », souligne Sébastien Aulnette.

L’outil Make permet des automatisations utiles et simples : à partir de notes vocales sur Slack, l’IA va retranscrire le message, compléter l’information avec une recherche sur Internet, établir un résumé et pousser un rappel dans les tâches à effectuer.

Des outils plus performants permettent par exemple de trouver des idées d’articles de blog, idée structurée une fois validée, puis rédigée, illustrée et mise en forme.  » Pour chacune de ces étapes de blog, ou la création de fiche de poste, pour l’ensemble de ce qu’on attend il est essentiel de tout relire et vérifier ! », insiste Guillaume Grall.

IA et RH, un lien pour l’humain

En accompagnant l’intégration de l’IA via Odoo (en open source), Cogitime améliore la prise en charge de tâches capables de faciliter la vie des RH : transférer des CV des mails reçus vers un dossier de réponse à l’expéditeur et traitement du contenu de la candidature.  » On va plus loin que le classement automatique : grâce à des prompts intégrés, on ajoute l’analyse du contenu des mails pour enchaîner réception, stockage, réponse, traitement « , résume Sébastien Aulnette.

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Concrètement, pour la fonction recrutement, un service RH a besoin de créer et publier des offres d’emploi. Un prompt bien ciblé permet de mémoriser le profil pour d’autres publications (avec la présentation de l’entreprise comme base pour des variantes de postes, compétences, soft skills).  » On ne passe pas par la fenêtre classique de GPT, on utilise directement une intégration API dans Odoo, ou d’autres outils. Les gains de temps cumulés font la différence au bout de la semaine, du mois, de l’année. »

En éliminant toutes les tâches répétitives et chronophages, l’IA présente de nombreux avantages pour les RH en optimisant les ressources. « En entreprise, on passe du temps à créer du contenu, mais on n’utilise pas le même langage pour parler à l’équipe de production ou aux commerciaux, poursuit Guillaume Grall. L’IA permet de personnaliser avec des versions différentes d’un même document. » Le temps ainsi libéré permet d’innover, de réfléchir : « l’IA est parfaite pour brainstormer, on peut lui parler seul dans son bureau ».

Du son vers le texte

© SBT

Le duo a présenté des cas d’usage à complexité et coût faibles, faciles à mettre en œuvre ; d’autres à anticiper davantage, d’autres enfin à traiter comme des projets informatiques et stratégiques. Les plus simples, « avec investissement zéro et résultat immédiat », concernent les notes internes, les offres d’emploi, la politique interne (à la structure très formelle)… « sans oublier une charte d’utilisation de l’IA dans l’entreprise », sourit Sébastien Aulnette.

« Et pour les entretiens de recrutement, reprend Guillaume Grall, on sait que le plus long n’est pas l’entretien mais le compte rendu : à partir de l’enregistrement, avec autorisation du candidat, un outil de transcription rédige le compte rendu en identifiant les points positifs et négatifs en fonction de la fiche de poste. » La plupart des outils ont une version gratuite le temps de tester (Dicte, Notta…) « Cela permet aussi de mener les entretiens annuels en passant vraiment du temps à l’écoute du collaborateur, sans souci de prise de note : ça révolutionne cet échange, » constate Sébastien Aulnette. « L’outil saura mettre en avant les actions, les formations prévues. Un aperçu résumera l’entretien à la manière d’une analyse Disc. On peut créer soi-même son modèle, structurer des éléments de retranscription. Et on peut ensuite partager le contenu avec d’autres membres de l’équipe. »

En réunion, l’ordinateur placé au milieu du groupe peut recueillir toutes les informations à retranscrire… en reconnaissant les intervenants dans les prises de parole.

CV et fiche de poste

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Dans l’analyse de CV, l’IA évite certains biais humains concernant l’adresse, le nom, la photo, etc. « Attention à bien anonymiser et enlever les données personnelles car on peut les retrouver ailleurs. » L’IA permet d’évaluer des performances : « en mettant des CV face à une fiche de poste, un pourcentage de correspondances ressort ; au-delà de 80 %, on peut recontacter directement le candidat pour l’inviter à un entretien ; pour les autres, on pourra réétudier le résultat avant d’envoyer un courrier ».

L’assistant IA est une utilisation typique pour obtenir 24/24h et 7/7j des réponses à des questions régulièrement posées aux services RH (jours de congés, etc.) L’outil permet aussi de proposer des formations ciblées aux salariés et « toute la partie onboarding en abordant les informations nécessaires à l’intégration du nouveau salarié, selon son profil, en conservant l’intervention du dirigeant pour un aspect très personnalisé ». Des métiers vont se transformer avec l’IA (mais certains vont y perdre : traducteurs, graphistes…) et gagner en sens critique, l’expertise s’enrichissant de cet outil (approche que ne pourra pas avoir un novice).

Il est possible de se donner les moyens d’aller toujours plus loin dans le traitement et l’analyse des données, pour identifier des mal-être au travail, des besoins de formation… L’IA permet même de vérifier si des salariés formés à un nouvel outil l’ont bien compris, simplement en suivant la souris lors d’exercices. « Couplé avec des technologies immersives et de réalité virtuelle, on peut analyser le comportement d’un conférencier et l’aider à améliorer sa prise de parole en public », sourit Guillaume Grall.

Risques et solutions de l’IA

Pour finir, il ne faut pas négliger le risque principal : la protection des données. « Ne donnez pas à ChatGPT une information que vous ne mettriez pas sur votre site internet. » Côté éthique, il faut justifier et responsabiliser ses choix, rester transparent… « c’est l’humain qui décide, pas l’IA ». Des audits en interne aident à s’assurer des bonnes pratiques de tous, de fidéliser et accompagner les utilisateurs dans l’entreprise. « En impliquant et en formant les parties prenantes en amont, il est possible d’éviter les peurs autour de l’IA. »

Analogie. « Il faut voir l’IA comme un stagiaire un peu bizarre, quelqu’un qui sort d’une grande école, bardé de théories, très enthousiaste… Mais confiriez-vous demain votre entreprise à un stagiaire ? »

Une fois assuré de sa sécurité et sa gouvernance, l’entreprise doit tester et adapter ses besoins : identifier des tâches simples, réalisables, avec des solutions accessibles. Puis former ses équipes à la maîtrise des prompts, déployer des moyens progressivement et suivre les résultats. Ce qui permet de s’améliorer régulièrement. « L’IA aide à optimiser les processus, automatiser les tâches sans valeur ajoutée pour redonner du sens aux missions des salariés. » 

Quelques mots à retenir

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• IA générative : traitement et création de contenus (texte, image, vidéo, audio)

• Open source : si l’IA se diffuse autant, c’est grâce à une panoplie d’outils accessibles gratuitement, d’où la création de startups. « Les grands que sont Google, Facebook, Microsoft ont rapidement mis leurs ressources à disposition ».

• GPU : ce sont les microprocesseurs qui servent au calcul. Nokia apporte le composant qui va calculer, conçu à l’origine pour les jeux vidéo. « L’IA est basée sur le calcul matriciel et a donc besoin d’eux. »

• Edge computing : bien des données viennent de notre environnement, elles sont captées par ces objets connectés pour nourrir les algorithmes.

• Prompt : instruction pour générer un résultat avec l’IA, façon de communiquer.

• API : interface pour intégrer les modèles d’IA avec les outils du quotidien, envoyer des requêtes et récupérer les réponses pour les intégrer au système. Permet à deux logiciels de discuter.

Bon à savoir

• Un changement de paradigme est nécessaire pour l’apprentissage automatique : on sort de l’approche « entrée-programme-sortie » pour partir du résultat afin que la machine devine le programme nécessaire. La machine est capable de cette expérience, de s’entraîner pour pouvoir prospecter.

• Une requête avec l’IA consomme 10 fois plus d’énergie qu’une requête sur Google…  mieux vaut donc utiliser ce dernier pour les questions basiques !

• 90 % des étudiants utilisent déjà l’IA. Ils seront les salariés des entreprises de demain, qui doivent donc s’adapter.

• Il y a d’importants enjeux de gouvernance de data : l’entreprise invite l’IA à s’entraîner sur ses données pour répondre à ses attentes, il convient donc de veiller à ce qu’elle dit et à qui…