D’apparence calme et paisible, David a déjà vécu plusieurs vies en une. Diagnostiqué Asperger tardivement, il a enduré de l’âge de 12 à 25 ans les affres du harcèlement scolaire et de la discrimination.
La solitude est mon tombeau, mon mal-être mon cimetière
Solitaire, en proie à des crises d’angoisses dont les plus fortes l’empêchent de respirer, David entame son chemin de croix à son entrée au collège. Aux yeux de ses pairs collégiens et de ses professeurs, il cumule deux anomalies. Il est différent, souffre d’anxiété sociale et ne parvient pas à communiquer ce qu’il ressent. Pire, il est gitan et vit dans une caravane. Une singularité qui nourrit instantanément de l’hostilité à son égard.
Insultes, moqueries, brimades, mépris se succèdent et perforent son cœur comme des poignards, le détruisant à petit feu. Chaque soir est une épreuve supplémentaire. Outre l’angoisse qui le taraude, le jeune adolescent renferme en lui son tourment pour ne pas inquiéter ses parents. « J’avais la boule au ventre et je vomissais, rien qu’à l’idée de savoir que je devais retourner à l’école le lendemain ».
Au collège, personne n’essaie de comprendre. Le harcèlement scolaire n’est pas encore devenu le sujet de société qu’il est aujourd’hui, et les victimes subissent souvent la double peine, en se voyant exclues de l’établissement scolaire, faute de mesures disciplinaires suffisantes à l’encontre des harceleurs. On le considère comme un cancre, un feignant, alors qu’il n’est aucunement dissipé, mais ses absences font jaser. S’ensuit une déscolarisation de deux années durant lesquelles David suit des cours par correspondance, et accompagne son père vannier sur les marchés.
Après un passage de quelques mois en foyer, le jeune homme est placé en ITEP (Institut thérapeutique éducatif et pédagogique). Grâce à une enseignante, il rattrape son retard et peut intégrer durant un semestre une classe de 3è. À son entrée en seconde de dessin industriel, il pense que les lycéens ont davantage de maturité et que son calvaire va prendre fin. Ce sera pire qu’au collège.
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Son arme c’est la rime
Les années qui suivent ne sont qu’errance, souffrance et alternance de séjours en hôpital psychiatrique. À 24 ans, taraudé par des pensées suicidaires, il demande son hospitalisation.
Seule lueur au fond de ce gouffre sans fond de douleur et de mal-être, l’écriture libératrice à laquelle il s’adonne depuis son passage en foyer. Les mots, les rimes, en traduisant tout ce qu’il a enduré, a accumulé d’épreuves, de tristesse, de haine aussi, sont comme un exutoire. En écrivant, David met à distance les méandres et les fissures de son existence, et, ce faisant, renaît à lui-même.
Le diagnostic de son Asperger en 2017 est un soulagement. Lui, l’amoureux des mots peut enfin en mettre un sur sa pathologie ; cette écriture qui le guide, qui cicatrise ses blessures, il va la mettre au service de tous ceux qui comme lui, ont eu un parcours chaotique et douloureux. L’idée d’un livre fait doucement son chemin. En 2020, il ose, mû par la volonté de laisser une trace, et d’aider ceux qui souffrent à aller un peu mieux, en leur montrant qu’une amélioration est possible. Éditée en 2022, La voie du rétablissement est une suite de chansons, chacune correspondant à un thème ; comme des étapes ponctuant un chemin passant de l’ombre à la lumière.
Le slam du pair ressource
David est plus que jamais engagé pour faire de son expérience une force au service des autres. Il a intégré Harmonysism, un projet collectif créant la rencontre entre musiciens professionnels, amateurs et auteurs, avec des parcours de vie les ayant confrontés ou non à des troubles (comportement, psychisme, addiction). Une manière de changer le regard sur ceux qui comme David, ont des trajectoires complexes, et de montrer qu’il est possible de faire de la musique ensemble. Lors de ces concerts, le jazz sert d’écrin musical aux textes intimes et touchants de David. Le prochain se déroulera à Périgueux en avril 2024.
Depuis 2019, David a en outre suivi une formation de pair-aidant, et intervient à la cafétéria du Centre hospitalier de Vauclaire, le premier mercredi de chaque mois, lors d’une permanence organisée avec l’UNAFAM (Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques), il y témoigne de son parcours face à des familles et des personnes en souffrance.
Aujourd’hui, David est en paix avec lui-même ; il partage son temps entre l’écriture, ses activités de vannerie et sa copine Coralie. « Regardant désormais le ciel droit dans les yeux, lui, qui n’avait plus la force de ramasser son cœur à terre », veut avoir une maison et fonder une famille. Un rêve à portée de main qui n’attend plus que lui…
La voie du rétablissement est disponible sur commande dans toutes les librairies, au prix de 4,99 €
Vannerie de l’Isle pour découvrir les créations de David.
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