Le célèbre chœur des esclaves de Verdi de l’opéra Nabucco, devenu hymne universel contre les oppressions et pour la liberté, sera aux couleurs du Périgord cette année. Le Labopéra, formidable aventure qui démocratise l’art lyrique en dehors des grandes villes, l’a mis à son affiche pour sa quatrième année. Après Carmen, La Traviata et West Side Story, le célèbre opéra italien suit le même processus de création. Les 5 et 6 avril, sur la scène de la salle de l’Arena Le Palio Périgord à Boulazac, il sera joué grâce à la participation de 500 personnes. Il y aura même des escrimeurs d’une académie périgourdine sur scène !
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La cheffe d’orchestre Chloé Meyzie et la metteuse en scène Gersende Michel, entourées d’une petite équipe de professionnels, s’appuient sur un vivier de musiciens et de chanteurs amateurs, d’apprentis et d’étudiants. C’est le principe d’un spectacle collaboratif qui permet d’offrir des places à un tarif très bas pour un opéra : de 20 à 50 euros maximum.
Un pari dingue
Les répétitions et les préparatifs ont débuté dès le mois d’octobre à travers le département. Le chœur avec ses 70 participants et l’orchestre, qui compte autant de musiciens, ont commencé à répéter chacun de leur côté. Une quinzaine d’établissements d’enseignement professionnel travaillent sur les costumes, les coiffures, les maquillages, les décors et les accessoires.
À deux mois de la première, Chloé Meyzie faisait un point d’étape à Périgueux :« C’est un pari dingue, nous avons hâte de pouvoir nous retrouver tous ensemble dans un même lieu pour des répétitions communes ». Cette étape est très complexe, car il a fallu trouver un local de 600 m2 chauffé autour de Périgueux, disponible au moins un mois. Ce qui devrait être le cas du côté de Marsac.
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Le financement total d’environ 400 000 euros doit être assuré pour moitié par la billetterie en remplissant le Palio durant deux représentations, 30 % est apporté par du mécénat privé et 20 % par des aides des collectivités. Les organisateurs espèrent au moins 8 500 spectateurs comme l’an dernier.
Dans le regard des jeunes
Pour les choristes, souvent issus de chorales du Périgord, le défi est énorme. Ils doivent intégrer en quelques mois le texte en italien, le plus souvent appris phonétiquement. « La partie chantée par le chœur représente plus de 45 minutes », souligne Chloé Meyzie.
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Le concept du Labopéra a surtout un fort volet éducatif pour des jeunes. L’exemple du centre de formation de l’ensemble scolaire Saint-Joseph de Périgueux, qui accueillait l’équipe jeudi 6 février, l’illustrait bien. Des apprenties volontaires, du CAP au BTS d’esthétique, travaillent sur la conception des maquillages et des coiffures. Durant le spectacle, ces jeunes filles seront mobilisées toute la soirée pour maquiller les choristes au fil de la représentation.
« C’est une belle mise en valeur de leur formation, une approche de l’art et du spectacle, une occasion de se dépasser, de gérer leur stress », résume Élisabeth Daurelle, la responsable du centre de formation. Avec ses collègues Alexia Gagnère, Karine Nourry et Clara Imbert, elles voient l’impact de cette expérience dans le regard des jeunes qui découvrent un autre monde.
À la manière d’un roman pour adolescents
Du côté des apprenties, plus que le spectacle lui-même, c’est leur travail montré au public qui les enthousiasme et les valorise. Pour l’opéra Nabucco, elles ont conçu le look des deux groupes qui composent le spectacle, un peu à la manière d’un roman pour adolescents : les dominants ont une allure sévère, très stricte ; le peuple de la nature est inspiré d’Amérindiens. Cette approche d’un univers qu’elles découvrent, leur ouvre d’autres horizons, notamment vers l’art lyrique qui n’est pas vraiment associé à la culture populaire d’aujourd’hui.
On peut citer aussi les lycées professionnels de Thiviers et de Chardeuil, à Coulaures, qui réalisent le trône de Nabucco et les colonnes du temple, les jeunes de l’Erea de Trélissac qui vont s’occuper de végétaliser la scène, le CFA des métiers de Boulazac qui prépare des panneaux lumineux originaux géants…
Cet opéra, l’un des plus célèbres du répertoire, vous mettra son grand air dans la tête pendant plusieurs jours !
• En savoir plus …. et réserver.
Le Labopéra vient de Grenoble
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L’idée de ces opéras participatifs vient de Grenoble où elle a été lancée il y a 18 ans, avec le parrainage de Jacques Attali, économiste et écrivain mélomane, pour démocratiser l’art lyrique jugé élitiste. L’opération associe des jeunes en formation avec des artistes amateurs encadrés par des chanteurs et musiciens professionnels. Le concept s’est depuis diffusé à travers la France via l’association Fabrique Opéra. On le retrouve à Orléans en Val de Loire, Strasbourg en Alsace, à Melun en Seine-Maritime, dans l’Oise, à Courbevoie dans les Hauts-de-Seine, à Dijon en Bourgogne, à Narbonne en Occitanie, à Saint-Brieuc en Bretagne.
En Dordogne, le Labopéra Périgord est né au Palio de Boulazac en 2022, grâce à un fort engagement venu de Thiviers. Chloé Meyzie, brillante musicienne et cheffe d’orchestre originaire de cette ville, a entraîné sa famille, ses amis et le monde économique local dans cette aventure. Jean Vigier, chef d’entreprise en retraite, ancien PDG du groupe du même nom, a mis tous ses réseaux et ses moyens pour en faire une réussite qui profite à toute la Dordogne.